Une fois de plus, j’endosse la peau du trouble-fête qui trouve que, décidément, Internet, c’est parfois bien, mais c’est aussi trop souvent la pire des choses. Tout le monde connaît ou a entendu parler du site e-Bay : une réussite, du point de vue de l’audience, c’est certain, mais aussi, des enquêtes l’ont montré à plusieurs reprises, une plate-forme de commercialisation des contrefaçons en tous genres. Plus fort encore : un malin y a mis en vente depuis hier un exemplaire rescapé du pilonnage des exemplaires de If I dit it , le « livre » d’O.J. Simpson qui devait paraître aux Etats-Unis le 30 novembre. Résumons, pour ceux qui ne se souviennent pas de l’affaire : en 1994, le footballeur vedette O.J. Simpson est sérieusement soupçonné d’avoir poignardé sa femme (qu’il battait), et un ami de celle-ci. Tout l’accuse. Au terme d’une course-poursuite avec la police filmée par toutes les télés, il se rend finalement aux autorités. Son procès, l’année suivante, tourne à l’opposition entre communauté blanche et noire. Et aboutit à ce coup de théâtre : le jury acquitte pénalement Simpson… mais le déclare responsable civilement, et l’oblige à s’acquitter de dommages et intérêts auprès des familles des victimes (à hauteur de plus de 30 millions de dollars : somme dont il n’a jamais versé un sou à ce jour). Onze ans après ce procès incroyable, O.J. Simpson, que la morale n’étouffe toujours pas, « pond » un ouvrage dans lequel il raconte comment il s’y serait pris s’il avait effectivement poignardé sa femme. On nous promet un luxe de détails à la clé. Il se trouve un éditeur, Regan Books, une division d’Harper Collins (du groupe Murdoch, ceci explique cela) pour publier la chose. Pour accompagner la sortie, deux émissions spéciales sont prévues sur la chaîne Fox News (appartenant au même Murdoch). Apprenant la nouvelle, les familles des victimes menacent d’attaquer en justice. Mais c’est toute l’Amérique, ou presque (ouf, pour une fois) qui est choquée par le procédé. Même au sein de la chaîne Fox News, pourtant le fer de lance de la réaction conservatrice américaine, des voix s’élèvent pour trouver l’histoire « dégoûtante ». Des pétitions circulent. On appelle au boycott de toute entreprise qui achèterait des écrans publicitaires dans les deux émissions en question. Du coup, Murdoch fait machine arrière : il s’excuse publiquement, ce qui est rarissime chez lui, renonce à la publication de l’ouvrage, et annonce que tous les exemplaires fabriqués ont été détruits. Tous ? Sauf un, apparemment, et donc mis en vente sur eBay. L’audacieux vendeur prend d’emblée les devants : « Epargnez votre salive, inutile de m’envoyer des mails d’insulte, je ne les lirai pas », dit-il à peu près en substance. Lui non plus, la morale ne l’étouffe pas. Pas plus que les gérants du site eBay qui ont préféré le doux tintement des espèces sonnantes et trébuchantes à la voix de la décence. Le pire, c’est qu’évidemment il s’est trouvé des gens pour enchérir. A 5h30, heure de Paris, ce vendredi matin 24 novembre elles atteignaient déjà 6000 dollars. Elles étaient censées continuer jusqu’à demain samedi 13h30, heure PST, soit 22h30 chez nous… Heureusement, une flopée de petits malins ont réussi à faire capoter l’affaire, en lançant des enchères fantaisistes (de 100 000 jusqu’à 10 millions de dollars…). Devant, semble-t-il, la difficulté à faire le tri, le vendeur a été obligé de tout annuler à 6 heures du matin, heure de Paris. On espère définitivement. A moins encore, n’écartons pas l’hypothèse, qu’il ne se fût agi que d’un coup de bluff et qu’il n’ait pas possédé le livre. Quoi qu’il en soit, le site eBay, lui, ne s’est pas posé la question. Tout est bon à vendre, n’est-ce pas ? On achète quoi, demain sur eBay ? Un pyjama à rayures rescapé d’Auschwitz ?
15.10 2013

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