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Allemagne : les éditeurs privés de droits sur la photocopie

Pour Alexander Skipis, président du Börsenverein, la décision de la Cour fédérale de justice allemande pourrait mettre nombre d’éditeurs en danger. - Photo Claus Setzer

Allemagne : les éditeurs privés de droits sur la photocopie

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Par Gilles Bouvaist,
avec Créé le 06.05.2016 à 02h00

"Vous aimez lire ? Des livres ? Alors le 21 avril a été pour vous une mauvaise journée." Le ton de Jo Lendle, directeur des éditions Hanser, dans une tribune publiée par le quotidien Die Welt, est sombre. Pour les éditeurs d’outre-Rhin, le jugement de la Cour fédérale de justice allemande dans la procédure lancée par l’auteur Martin Vogel contre la société de gestion collective Wort augure des lendemains difficiles. La cour a estimé qu’"il est mis un terme à l’usage en cours depuis des décennies au sein de la société Wort", car celle-ci n’est "pas fondée juridiquement à verser un montant forfaitaire équivalent à environ la moitié de ses revenus aux éditeurs". Il pourrait en résulter que les sommes perçues par ces derniers soient reversées aux auteurs, représentant un manque à gagner de plusieurs dizaines de millions d’euros. En 2014, Wort, qui gère les droits de 400 000 auteurs et de plus de 12 000 éditeurs, a perçu 144 millions d’euros.

Fondée en 1958, l’instance paritaire Wort, qui regroupe auteurs et éditeurs, collecte notamment les redevances relatives à la copie d’œuvres protégées par le droit d’auteur, dues par les fabricants d’imprimantes ou les magasins de photocopies, mais aussi les bibliothèques. Elle redistribue les sommes perçues à 70 % aux auteurs et 30 % aux éditeurs (50-50 pour les œuvres scientifiques). Problème : cette pratique n’a jamais été fixée par la loi.

"A moyen terme, à cause des remboursements éventuels et en raison des revenus issus de Wort qui ne sont pour le moment plus perçus, nombre d’éditeurs ne seront pas en mesure de survivre économiquement", pronostique Alexander Skipis, le président du Börsenverein, l’organisation des éditeurs et des libraires allemands, dans une interview à l’hebdomadaire Börsenblatt. Les autres seront contraints de compenser le remboursement du trop-perçu en tirant par exemple un trait sur leur programme, en évitant les expérimentations éditoriales ou en réduisant le personnel."

"Regretter aujourd’hui que le jugement de la cour détruise une culture éditoriale bien établie me paraît peu convaincant, a rétorqué le plaignant Martin Vogel dans le même journal. Parce que cette culture consiste à ce que les éditeurs, avec le soutien de la société Wort […], maintiennent une répartition non autorisée en droit et privant les auteurs de la moitié de leurs indemnités garanties par la loi." Les éditeurs ont demandé au gouvernement fédéral de plaider pour une solution à l’échelle européenne.

Gilles Bouvaist, à Berlin

06.05 2016

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