Entretien

Angoulême : le ras-le-bol des éditeurs de BD

"Un événement de ce type est une affaire d’équilibres, mais nous déplorons l’opacité, l’absence de concertation et de vision à long terme." Guy Delcourt - Photo Olivier Dion

Angoulême : le ras-le-bol des éditeurs de BD

Président du groupe bande dessinée du Syndicat national de l’édition, Guy Delcourt explique pourquoi les éditeurs du SNE et du Syndicat des éditeurs alternatifs menacent de boycotter le Festival d’Angoulême.

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Par Fabrice Piault,
Créé le 26.02.2016 à 01h00 ,
Mis à jour le 26.02.2016 à 10h30

Moins d’un mois après un 43e Festival international de la bande dessinée d’Angoulême (FIBD) où se sont accumulés les couacs, 41 éditeurs du Syndicat national de l’édition (SNE) et du Syndicat des éditeurs alternatifs (SEA) ont annoncé, mardi 23 février dans un communiqué, avoir "décidé de ne pas participer à la prochaine édition du FIBD si une refonte radicale n’est pas mis en œuvre". Pour eux, "le festival doit être repensé en profondeur, dans sa structure, sa gouvernance, sa stratégie, son projet et ses ambitions". Ils demandent à la ministre de la Culture de les recevoir et de nommer un médiateur "afin de mener à bien, de toute urgence, cette refondation". Explications du P-DG de Delcourt, Guy Delcourt, président du groupe bande dessinée du SNE.

Guy Delcourt - L’absence de femmes dans la sélection du grand prix ou des dérapages comme celui de la cérémonie de clôture du festival, qui nous a fait reculer de vingt ans auprès de nos partenaires américains et japonais, témoignent d’un manque d’attention flagrant aux auteurs. Il y a un problème structurel d’organisation qui vient d’un mode de gouvernance (1). Le Festival de Cannes dépend d’un organisme paritaire : les professionnels du cinéma et les institutionnels déterminent la stratégie et choisissent les opérateurs. A Angoulême, la croissance n’a pas été gérée. Le FIBD n’a pas vraiment pris en compte le manga ni la mutation numérique. On ne peut tirer qu’un bilan un peu sidéré en voyant à quoi cela nous mène. Nous ne sommes pas utopistes. Certains défis sont difficiles à relever. Mais il est paradoxal que la Région annonce un parc d’attractions sur la BD, alors que le festival reste à l’étroit sous des chapiteaux mal protégés de la pluie ! Un événement de ce type est une affaire d’équilibres, mais nous déplorons l’opacité, l’absence de concertation et de vision à long terme. Il n’est pas normal qu’une société privée, quelles que soient ses qualités, devienne propriétaire de fait du FIBD, dont la fréquentation a d’ailleurs baissé.

Mais l’an dernier, quinze jours après l’attaque contre Charlie Hebdo, il y avait déjà des mesures de sécurité ! Depuis, le festival a eu un an pour les adapter. Il ne l’a pas fait. Il n’est pas normal que le public attende une heure à une heure trente sous la pluie pour un événement de ce type.

Une telle menace n’a de sens que si on est prêt à la mettre à exécution. Nous ne le souhaitons pas, mais nous y sommes prêts s’il n’y a pas un vrai choc. L’empilement des problèmes nous a conduits dans l’impasse.

Avec trop de participants, représentant de multiples institutions locales et nationales, elles ont montré leurs limites. C’est pour qu’on ne se contente pas d’évolutions homéopathiques peu convaincantes, pour qu’il y ait une vraie rupture que le ministère de la Culture doit prendre les rênes de la réforme.

Les éditeurs ne veulent pas s’approprier la réforme du festival. Le médiateur doit entendre les uns et les autres, les réunir. L’intelligence de la médiation permettra de faire émerger le festival dont nous avons tous besoin. Son point fort, c’est de rassembler tous les acteurs, français mais aussi étrangers, de la profession : auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires, journalistes… Mais ce n’est pas une raison pour que tout nous soit toujours imposé à travers un bras de fer insupportable. La réforme doit aussi permettre de faire revenir des éditeurs qui ne viennent plus, comme Dupuis.

Non, c’est une opération commerciale bien distincte. La BD est un des secteurs de l’édition qui se porte le mieux, il est nécessaire qu’elle soit mise en avant plusieurs fois par an.

(1) Le FIBD appartient à une association locale qui en sous-traite totalement la conception et l’organisation à un prestataire, 9e Art+, titulaire d’un contrat décennal.

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