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Service public ouvert à la population dans son ensemble, les bibliothèques et médiathèques accueillent une variété de personnes et contribuent ainsi à faire vivre la collectivité. Ce travail quotidien porte ses fruits et apporte à beaucoup de concitoyens des satisfactions réelles qui ne sont pas toujours formulées. Mais parfois, cette ouverture sur le monde (qui gagnerait à s'étendre par l'élargissement des horaires) se traduit par des situations conflictuelles voire violentes.

On pense bien sûr aux incendies et autres tentatives de dégradations du bâtiment dont Denis Merklen a bien rendu compte dans son travail. Et ainsi récemment, même un établissement construit avec la large participation de la population comme celui de Méricourt dans le Nord, en a fait les frais. Ces actes font mal par les dégâts qu'ils causent mais aussi par le signal qu'ils envoient sur la dégradation d'un bien commun. De façon provocatrice ou délibérée, les auteurs refusent de se reconnaître comme membre de ce collectif. On pense bien sûr aussi aux cambriolages subis par la Petit Bibliothèque Ronde à Clamart.

Mais la presse quotidienne régionale a rendu compte au cours de l'année écoulée des incidents plus graves face auxquels des bibliothécaires ont été confrontés. La Montagne a relaté le procès de ce jeune SDF qui a poussé et fait tomber le directeur adjoint de la médiathèque d'Aurillac non sans avoir préalablement insulté un autre bibliothécaire. La Dépêche du Midi a de son côté rapporté la menace physique qu'un jeune d'un quartier de Toulouse a exercé sur le personnel d'une bibliothèque. L'intervention du médiateur qui a exclu deux ados en train de se battre dans l'établissement a suscité la réaction brutale de ce troisième (pourtant âgé de 20 ans) qui est arrivé y compris avec un fusil afin de punir celui qui avait fait preuve d'autorité sur les deux autres.

Les chants de Noël et la paire de ciseaux

L'ordre de la bibliothèque imposé par le personnel est contesté de façon violente en vue d'en imposer un autre au bénéfice des seuls amis du « vengeur ». C'est bien entendu inadmissible de vouloir ainsi « privatiser » un équipement public par la terreur. C'est une  même revendication excessive qui a conduit un homme de 53 ans devant la justice dans la Marne. Alors qu'il écoute Amy Winehouse, il ne supporte pas les chants de Noël diffusés pour les enfants présents en même temps que lui. Il intervient pour conserver son confort mais le personnel s'interpose, ce qui suscite une réaction violente puisqu'il perce brutalement l'enceinte en cause avec une paire de ciseaux. Le lendemain, il menace le personnel en faisant le geste de pointer une arme avec ses doigts.

L'espace de la bibliothèque est au carrefour des aspirations personnelles et pas toujours convergentes des usagers et des professionnels. L'équilibre qui y règne n epeut être imposé (qui plus est de façon violente) par un usager pour son goût personnel. C'est à juste titre que la justice condamne ceux qui tendraient à vouloir le faire. Et la question des collections pourraient conduire à la même conclusion. D'ailleurs, l'homme de 53 ans a largement protesté auprès du personnel et de la tutelle car la bibliothèque a fait le choix de ne pas acquérir le Suicide français d'E. Zemmour... Le bien collectif devant correspondre à son choix personnel.

Bien sûr les bibliothèques ne sont pas à feu et à sang et ces incidents demeurent heureusement largement exceptionnels mais elles ne sont pas non plus des sanctuaires abrités par leurs murs des fureurs du monde. Elles s'ouvrent sur la population dans son ensemble et en subissent les conséquences. Ces événements font partie de la bibliothèque redéfinie. La construction de la collectivité se fait au contact. Si celui-ci peut être agréable, il peut aussi se révéler parfois rugueux et brutal.  La pleine reconnaissance de la fonction sociale des bibliothèques aiderait sans doute à ne pas tenir à l'écart ces incidents telle une anomalie par rapport à une mission (par exemple « culturelle ») qui serait exclusive. Le bien commun est porté par les bibliothèques et leur personnel et, pour cette raison, cette mission doit être reconnue et prise en compte par la collectivité dans son ensemble et par les élus plus précisément. 

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