4 janvier > roman Pakistan > Nadeem Aslam

"Un être humain n’est rien d’autre que la somme de ses souvenirs." Ceux de Nargis sont étroitement liés à son mari, Massud. Un mariage sans nuages, qui régnait sous le signe de l’égalité et du partage. Une conception rare au Pakistan. Privés d’enfants, ils ont pris la petite Helen sous leurs ailes protectrices. La fille de leurs employés illettrés a ainsi pu bénéficier d’une scolarité exceptionnelle. Pour elle, Nargis et Massud incarnent un modèle à suivre. D’autant que ces architectes reconnus ont bâti des édifices à travers tout le pays. Ils s’apprêtent justement à transférer des milliers de livres vers leur nouvelle œuvre : une belle bibliothèque.

Une chaîne humaine se forme pour concrétiser ce rêve littéraire - hautement symbolique - mais une fusillade inopinée vient tout briser. Massud est touché mortellement. "Plus grand est le chagrin, plus il est silencieux." Nargis n’a guère le temps de pleurer son amour. Un officier menaçant la prie de contribuer à la libération du meurtrier, un agent américain. L’idée de lui accorder son pardon la révulse, mais est-elle en mesure de refuser ? Désemparée, elle s’accroche à la lecture du livre de son beau-père, "Pour qu’ils se reconnaissent mutuellement", un essai passionnant sur le rapprochement des cultures.

Un sujet si parlant dans cette cité de Zamana, qui connaît de vives tensions entre chrétiens et musulmans. Nargis se sent particulièrement concernée, puisqu’elle incarne "une chrétienne qui avait passé sa vie à faire semblant d’être musulmane." Un secret lourdement gardé, que "Margaret" n’a jamais réussi à divulguer à son bien-aimé. Alors que la situation se détériore, elle scrute cette terre qui se déchire inexorablement. "Le mot Pakistan signifie le Pays des Purs", or celui-ci "n’existait pas".

Le terrorisme, la violence gratuite et la cruauté menacent tous ses proches, y compris sa fille de cœur, Helen. Pour échapper à une énième tragédie, elles fuient en compagnie d’un jeune Cachemirien. Destination : une île reculée où se trouve une mosquée désertée. "Le monde survivra à jamais", mais en dépit de ses drames et de sa noirceur, Nadeem Aslam (Le jardin de l’aveugle, Seuil, 2013) "n’a pas encore gagné le droit au désespoir".

Kerenn Elkaïm

17.11 2017

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