Disparition

Jim Harrison, surnommé « Big Jim », s'est éteint samedi 26 mars à l'âge de 78 ans dans sa maison de Patagonia en Arizona, à la suite d'une crise cardiaque. Né en 1937 à Grayling dans l'État du Michigan, l'écrivain américain, borgne depuis l’âge de 7 ans, est l'auteur de plus de vingt-cinq ouvrages, dont les célèbres Légendes d'automne, Dalva, De Marquette à Vera Cruz

Son œuvre romanesque, mais aussi des nouvelles et de la poésie ont été traduits dans vingt-sept langues. Si ces premiers romans ont paru chez Christian Bourgois puis en 10/18, ses cinq derniers textes ont été publiés en France par Flammarion (repris en J'ai lu) dont le dernier, sous forme d'un faux roman policier, Péchés capitaux, à la rentrée 2015.

Au milieu coule une rivière

Après plusieurs recueils de poésie, ce lecteur de René Char et admirateur Rimbaud se lance au milieu des années 1960 dans le roman et les nouvelles devenant l'une des figures majeures du mouvement du "Nature writing". Fin 1970, il publie Légendes d'automne, son premier succès littéraire, adapté ensuite   au cinéma par Edward Zwick avec Anthony Hopkins et Brad Pitt. Il devient enfin riche, après des années de pauvreté extrême et de petits boulots, (et l’aide financière de Jack Nicholson). Il claque tout en drogue et alcool. La même année, Wolf est adapté au cinéma par Mike Nichols. Mais son œuvre n’a pas tant séduit le cinéma.
 
D’Hollywood il s’était toujours méfié, comme du succès qui selon lui pouvait rendre aveugle. Cette Babylone décadente était aux antipodes de sa vision du monde. Il se rappelait toujours ce que lui avait dit un patron de studio : « Tu n’es rien qu’un écrivain. » Oui mais quel écrivain ! Ce natif du Michigan, toujours attaché à la terre, aux forêts et à la pêche, est très vite fasciné par l’Histoire de ce territoire autrefois occupé par des Indiens. Il a finalement migré dans un décor à la John Ford, à Missoula dans le Montana, avant de partager sa vie entre son Etat natal, le Montana, et le Nouveau Mexique.

Ce naturalisme se traduira dans son œuvre par un goût pour la vie sauvage, au sens spirituel comme sensoriel, et son amour pour les minorités et notamment les autochtones. Son aversion pour les crimes ethniques et génocides est aussi grande que son mépris pour la classe moyenne américaine. Il se sentait solidaire de ces peuples opprimés comme il s’était réfugié solitaire loin de la civilisation.
 
La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.

La littérature était une vocation d’adolescent. Un refuge ? Toujours est-il que son père lui offre une machine à écrire d’occasion. Il consacre toute sa vie à l'écriture. Il décrit des personnages mélancoliques, buveurs, gourmands, épicuriens, lubriques parfois et érudits. "L’homme qui parlait aux ours" aimait les ours mal léchés mais avides de miel. La mort ne plane jamais loin, mais la vie, et la survie, permettent à ses anti-héros de s’isoler de civilisations mortifères. Cette hantise permanente conduit Jim Harrison à écrire sur l’errance, le regret, l’introspection et les liens mystiques. A partir de Faux soleil (1994) en France), il se débarrasse de ses influences littéraires et cherche une voie médiane, entre journalisme et littérature.
 
Chaman des mots et des maux

Ce dégoût de l’Amérique urbaine (même s’il appréciait New York), il ne s’en cachait pas. Profondément de gauche, il considérait l’Amérique comme un « Disneyland fasciste pour lui », préférant la France (et surtout Paris) aussi bien pour sa littérature que pour sa gastronomie. Cette Amérique qui avait massacré les Indiens, s’était embourbée au Vietnam, s’obsédait pour les dollars, il la détestait, et préférait la faire revivre dans son allure originelle, telle un mythe, où seuls les paysages et les paysans avaient grâce à ses yeux.
 
Mais c’est l’intimité des personnages qui émeut à la lecture de ses romans, poèmes et nouvelles.  L’âme est bien plus explorée que les environs sauvages dans lesquels vivent ses solitaires. Souvent accusé de machisme, il se défendait en rappelant que le genre n’était pas signifiant pour lui, qu’un écrivain pouvait être un personnage d’un autre sexe, d’une autre ethnie, selon son ouverture d’esprit et sa sensibilité. C’est oublié que ce féministe a écrit Dalva, une histoire de femmes à travers l’Amérique, un hommage à la vie, qui s’écoule comme un torrent. Dans ses histoires, les protagonistes pensent autant qu’ils agissent, donnant ainsi une profondeur psychologique à son style naturaliste. Il cherchait la voie qui pouvait conduire au bonheur le plus simple. Et comme il le rappelait dans son autobiographie, En marge (2003), "Après tout, si la vie paraît mystérieuse, c'est bien parce qu'elle l'est."
 
"Il a eu une mort de poète, et avait littéralement un stylo à la main, il était occupé à écrire un nouveau poème" explique l’écrivain Philip Caputo. Dans La route du retour (1998), il écrivait finalement la plus belle des épitaphes pour un écrivain : "Une fois morts, nous ne sommes plus que des histoires dans l’esprit d’autrui."

 

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