Si l'on me demandait ce qui m'a le plus frappé lors de la signature de l'accord « historique » entre le Grand Lyon et Microsoft concernant, entre autres, les bibliothèques, c'est la façon très naturelle avec laquelle Bill Gates a parlé du rôle de celles-ci dans la lutte contre la fracture numérique. J'imagine mal qu'un « tycoon » français ait pu tenir les mêmes propos. Sauf sous l'angle patrimonial, les bibliothèques séduisent bien peu, ici, un mécénat plutôt fasciné par le modèle aristocratique des Médicis que par les nouveaux enjeux de la démocratie culturelle. Mais, sur quoi porte au juste l'accord du 1 er février ? Non pas, comme certains se l'imaginent, sur la numérisation des livres, mais sur la formation des formateurs (« training the trainers »), c'est à dire des médiateurs qui accompagnent quotidiennement les usagers des bibliothèques municipales de Lyon dans l'acquisition d'une véritable culture numérique. Il ne s'agira donc pas pour Microsoft de donner à nos espaces numériques du matériel ou des logiciels, encore moins de marque Microsoft, mais de nous aider à mettre en œuvre des programmes efficaces et innovant de formation du public (y compris à base de logiciels libres). Cet accord me réjouit d'autant plus que notre bibliothèque n'en a pas eu l'initiative ! C'est   la Ville de Lyon qui, constatant l'efficacité des bibliothèques dans la promotion de l'accès public à Internet et le succès d'un service comme le Guichet du Savoir a souhaité aller plus loin en renforçant la compétence des personnels et en misant sur les bibliothèques comme avant-garde d'un véritable service public de la culture numérique. Autrement dit, au moment où certains bibliothécaires doutent de leurs missions, des élus du peuple leur demandent de rester fidèles à leur vocation première en relevant de nouveaux défis. Voilà de quoi retrouver le moral ! Pour en revenir à Bill Gates, j'espère ne pas être naïf. J'entends d'ici les mille objections, les mille sarcasmes venant agréablement titiller nos esprits chagrins. Mais, tout de même, je ne peux m'empêcher de penser que ce n'est pas un hasard si cette fameuse révolution numérique, que les gens du livre aiment tant brocarder quitte à laisser passer les trains, est née dans un pays où, précisément, les bibliothèques et la problématique de l'accès public à l'information ont toujours occupé une place bien plus importante que dans nos contrées… Au lendemain de la mort de mon prédécesseur, Henri-Jean Martin, je repense à son œuvre fondatrice, L'Apparition du livre (1958). Elle me ramène à cet âge d'or de la Renaissance lyonnaise où les technologies de l'imprimerie, les innovations bancaires et le bouillonnement de la culture humaniste concourraient (la convergence déjà !) à l'élargissement de la société du savoir. Le centre de gravité de cette dynamique s'est depuis largement éloigné des rives du Rhône et de la Saône, mais par un juste retour de la mondialisation nous pouvons espérer ne pas en perdre complètement l'inspiration. C'est en tout cas ce que je me suis laissé aller à rêver dans la béatitude passagère de ce 1 er février...
15.10 2013

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