19 février > Récits France

C’est un peu comme ces boîtes à gâteaux en fer où les enfants conservaient les images qui leur tombaient sous la main. Comme s’il se lançait à la recherche de ce temps perdu, le proustologue Jacques Géraud a ouvert sa boîte à malices personnelle.

La collection Géraud comprend 47 documents, photographies, portraits d’hommes célèbres ou reproductions de tableaux, surtout des détails signifiants. Chacun, soigneusement détourné de sa signification d’origine - ainsi, un célèbre cliché de Kafka songeur coiffé d’un chapeau melon transformé en l’histoire d’un essayeur de chapeaux trop petits pour sa tête -, constitue le prétexte pour l’auteur à inventer une microfiction, surréalisante voire carrément loufoque.

Deux thématiques majeures se dégagent de cette entreprise réjouissante : les scènes religieuses montrant le Christ portant sa croix - le voici décrit en surfeur tandis que son illustre Père joue au bilboquet, faisant couler le vin à flots, ou encore en constructeur d’un bungalow suisse en kit ; et les femmes dévêtues : renversée sur une table de repassage, s’exhibant (de dos et en imperméable) à deux vieux messieurs dans un jardin public, ou encore, carrément nue devant un corner nude stand. On imagine l’émoi du seul gars présent dans les parages et celui de l’auteur, qui achève son livre sur une évocation du septième ciel. Il y a, parfois, sous la plume de Géraud, des envolées métaphysiques, comme pour sortir de ce labyrinthe de mots où sa phrase, proustienne, "méandrine", dit-il, nous entraîne.

Irrévérencieux mais jamais blasphémateur, drôle et érudit, Jacques Géraud se moque aussi au passage de quelques vaches littéraires sacrées : Kafka, on l’a vu, son cher Proust, Hugo, Sartre devenu un clone de E.T. à qui une houri pompe toute l’énergie vitale, ou encore Duras en manteau typographique. Un régal. J.-C. P.

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