17 septembre > Premier roman Suisse

Vider un poisson, lever des filets, enlever les écailles "en frottant dur le poisson avec l’appareil en forme de cœur", couper la tête d’un espadon… Tel est le quotidien de Charlie, apprenti poissonnier au "Grand Magasin", l’attendrissant narrateur du premier roman d’Arthur Brügger, un jeune Suisse né en 1991, distingué par le prix du Jeune Ecrivain 2012 pour une nouvelle parue dans un recueil collectif chez Buchet-Chastel.

Charlie a le souci de bien faire. Son chef, Monsieur Giordino, dont les "yeux sont clairs, bleus et brillants, un peu injectés de sang comme ceux des rougets grondins", est content de lui. Tout le monde le trouve "gentil". Surtout Natacha, de la fromagerie, une fille trop belle pour lui, à qui le garçon ne sait comment exprimer son attirance. Lui qui ne dit à personne qu’il n’a jamais eu d’amoureuse, à 24 ans. Gentil ? Un défaut, pressent-il. "C’est drôle comme les gens croient que la gentillesse c’est de l’idiotie."

Et puis arrive un nouvel employé, Emile, embauché "au zéro", le niveau des poubelles où est jetée la marchandise périmée que les employés n’ont pas le droit de récupérer. Un intolérable gaspillage à dénoncer pour Emile qui observe ce monde auquel il n’appartient pas. Il lit dès qu’il a un moment, récite des poèmes d’Herberto Hélder, se laisse enfermer parfois la nuit dans son local sans fenêtre où Charlie le retrouve les mercredis soirs après la fermeture, pour poursuivre leur conversation à la lampe de poche, méditant sur cette fameuse gentillesse, la façon de nettoyer les sols, les histoires de clients, les souvenirs d’enfance de Charlie à l’orphelinat.

Après l’avoir observé à travers le regard innocent et sans surplomb mais en même temps méticuleusement documenté de Charlie, vous ne pourrez plus voir le rayon poissonnerie de votre supermarché avec les mêmes yeux. Véronique Rossignol

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