Présidentielle 2017

Cinq candidats livrent leur programme pour les bibliothèques

Les affiches officielles de François Asselineau, François Fillon, Benoît Hamon, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon - Photo DR

Cinq candidats livrent leur programme pour les bibliothèques

François Fillon, Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron et François Asselineau ont répondu à la lettre de l’Association des bibliothécaires de France et de Bibliothèques sans frontières, qui interpellait l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle sur la place des bibliothèques dans les politiques publiques.

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Par Véronique Heurtematte,
Créé le 21.04.2017 à 20h31

Cinq candidats à l’élection présidentielle, François Fillon, Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron et François Asselineau, ont envoyé une réponse à la lettre adressée le 28 mars à l’ensemble des candidats à l'élection présidentielle par l’Association des bibliothécaires de France (ABF) et Bibliothèques sans frontières (BSF). L’ABF et BSF demandaient aux candidats d’exposer leurs programmes en matière de lecture publique en organisant leurs réponses autour de quatre questions principales.
 
1. Quelles garanties pour préserver l’action citoyenne des bibliothèques ?

A la première question sur les garanties concrètes proposées afin de préserver l’action citoyenne des bibliothèques, François Fillon, candidat de Les Républicains, répond en affirmant que "les bibliothèques participent pleinement à la citoyenneté, et jouent un rôle majeur, pour l’éducation, l’insertion dans la vie professionnelle, l’accès au livre, à la culture, aux valeurs républicaines" et qu’il s’engage à "garantir les valeurs qui fondent la gestion de nos bibliothèques: le pluralisme et la laïcité défendus par des professionnels formés aux métiers de bibliothécaire, la gratuité d’accès et de consultation sur place des collections".

Jean-Luc Mélenchon, candidat de La France insoumise, considère que la bibliothèque est le lieu du service public, gratuit, de la lecture, sa mission est citoyenne. Il se porte garant "de la diversité d’assortiment par le refus de toute intrusion dans les choix d’acquisition, et du respect absolu de la laïcité par l’affichage d’une charte reprenant les termes de la nouvelle constitution".

Emmanuel Macron, candidat d’En Marche, assure partager l’analyse de l’Association des bibliothécaires de France et de Bibliothèques sans frontières sur le rôle irremplaçable des bibliothèques publiques et considère que "la bibliothèque publique est devenue la clef de voûte de l’action culturelle dans les territoires. Lieu de transmission de la culture et du savoir, lieu également d’expression du pluralisme, elle se réinvente en équipement aux fonctions multiples, invitant aussi bien au partage qu’à la lecture individuelle".
 
Benoît Hamon, candidat socialiste, affirme que le rôle de la bibliothèque, qu’il voit comme le premier service public de la culture, doit être reconnu mais aussi protégé, notamment en matière de pluralisme des acquisitions. "Il n’est pas acceptable que des élus s’immiscent dans les acquisitions comme ce fut encore le cas récemment et les bibliothécaires doivent être protégés dans cette part essentielle de leur mission", écrit le candidat socialiste.

François Asselineau, candidat de l’Union populaire républicaine, a, de son côté, apporté une réponse globale à l'ensemble des questions, rappelant que le président ne peut seul agir sur la loi. "Cependant, parce que le rôle de l’Ecole Républicaine est conforté et confirmé par l’action des Bibliothèques et des Médiathèques, nous ferons en sorte de sensibiliser nos candidats aux législatives sur les questions pertinentes que vous soulevez, promet François Asselineau. Nous instaurerons par ailleurs le référendum d’initiative populaire: sous couvert de la validation de la constitutionnalité de la question posée, si cinq cent mille citoyens déposent leur signature en mairie, cette question sera posée comme référendum à l’ensemble de la population. Fort de votre réseau associatif, vous seriez un acteur privilégié pour faire connaître vos points de vue à l’ensemble des Français, qui pourront accepter ou refuser vos propositions qui sont, encore une fois, légitimes à être débattues dans l’espace démocratique".

2. Quelle aide de l’Etat pour aider à compléter le maillage territorial en bibliothèque ?

Concernant le soutien de l’Etat aux collectivités territoriales et aux universités pour renforcer le maillage territorial en équipements de lecture publique, François Fillon souligne que la lecture publique est aujourd’hui très largement décentralisée, et l’opportunité de combler d’éventuelles carences à travers des schémas de lecture publique qui permettent un maillage fin du territoire. "J’inscris cette action dans une volonté plus large de lutte contre la fracture culturelle sur notre territoire et la nécessaire résorption des « zones blanches » culturelles où qu’elles se trouvent, dans l’hexagone ou en outre-mer", indique le candidat de Les Républicains.

Jean-Luc Mélenchon déclare que son ambition, "dans la droite ligne du rapport de Marie-George Buffet à la commission économique de l’Assemblée nationale, est de sécuriser et renforcer le maillage territorial en bibliothèques publiques. Ce qui passe par le refus de toute fermeture pour motifs budgétaires et par le soutien aux dotations en ouvrages universitaires".

Emmanuel Macron estime que "les piliers de la politique de lecture publique doivent être confortés, qu’il s’agisse du soutien de l’État aux collectivités territoriales (aides à l’investissement de la dotation globale de décentralisation et contrats territoire-lecture) ou de son accompagnement méthodologique, à travers l’expertise des directions régionales des affaires culturelles en lien avec les structures régionales pour le livre. Ce dispositif a permis d’accompagner les collectivités territoriales dans le développement et la modernisation du réseau français de lecture publique. Le maillage du territoire est à poursuivre en veillant à privilégier l’échelon pertinent. Par ailleurs, l’État doit être attentif quant à la préservation des missions et des moyens des bibliothèques départementales de prêt qui constituent un levier décisif en matière d’animation et de renforcement des lieux de lecture sur l’ensemble du territoire".
 
Benoît Hamon, constatant que les baisses de dotations aux collectivités locales ont parfois conduit à réduire les acquisitions, les horaires et les services de lecture publique, souhaite "inverser cette tendance et porter une nouvelle contractualisation culturelle avec les collectivités locales afin qu’elles aussi s’engagent dans l’augmentation des concours publics à la culture". Il mentionne des mesures telles que l’ouverture d’une nouvelle enveloppe d'un million d’euros sur cinq ans, destinée à préserver les budgets d’acquisition des bibliothèques, qui connaissent une forte baisse depuis plusieurs années.

3. Comment accompagner les bibliothèques dans le domaine du numérique ?

Concernant le rôle des bibliothèques dans le domaine du numérique, François Fillon indique que les services et collections numériques permettent d’élargir encore le public concerné. Le dispositif interprofessionnel PNB (Prêt numérique en bibliothèque) de diffusion du livre numérique en bibliothèque sera maintenu. "C’est une des constantes des grandes entreprises internationales de l’Internet d’essayer de créer des univers dits « propriétaires » non interconnectés. Cela contrevient à l’esprit même de l’Internet, entrave la circulation des idées, menace l’exception et la diversité culturelles. Nous accompagnerons les démarches en termes d’interopérabilité ou portabilité. Il faut suivre et intervenir, en tant que de besoin, dans les débats menés au niveau européen sur la portabilité transfrontalière des œuvres. L’enjeu est de trouver un moyen d’imposer la portabilité des livres numériques pour que les lecteurs ne soient pas enfermés dans un environnement logiciel ou matériel", relève le candidat de Les Républicains.

Jean-Luc Mélenchon estime que "l’expérience PNB est une première approche, encourageante techniquement mais nous pointons les dangers de la mainmise des éditeurs et diffuseurs numériques sur la proposition de lecture; une deuxième étape consistera à bâtir un outil de lecture et de prêt numérique fondé sur le critère unique d’accès à la lecture publique et indépendamment de contraintes qui lui seraient étrangères", tandis qu’Emmanuel Macron pense que "l’État doit continuer à accompagner le développement du prêt numérique et veiller à ce que celui-ci s’effectue en respectant un équilibre entre exigence d’accès, impératif de rémunération des auteurs et caractère soutenable pour les budgets publics. Au-delà du livre, l’État doit faciliter le développement de l’offre numérique audiovisuelle et musicale des bibliothèques".

Benoit Hamon appelle à "travailler à favoriser l’émergence de nouveaux acteurs de l’économie numérique qui fondent leur modèle sur le partage des valeurs créées (coopérativisme de plateforme) et qui portent des modèles de juste rémunération de toutes les parties prenantes".

4. Quelles initiatives pour élargir les horaires d’ouverture ?

François Fillon admet que l’élargissement des horaires d’ouverture, notamment le dimanche, est une attente forte des citoyens, mais souligne que "cet élargissement a un coût et l’État doit accompagner les collectivités territoriales avec les moyens nécessaires s’il veut vraiment que les choses avancent. On peut également développer le bénévolat, notamment pour l’action culturelle en milieu rural et urbain et mettre à contribution les ressources constituées par les jeunes ayant opté pour un service civique culturel".

Jean-Luc Mélenchon exclut "tout rafistolage d’effectifs pour assurer de plus larges ouvertures" et se prononce pour une étude des besoins au cas par cas. "Certaines bibliothèques éloignées des lieux d’activité (marchés, centres-villes…) sont pour nous susceptibles de conserver leurs horaires d’ouverture régulière", précise le candidat de La France insoumise.

Emmanuel Macron a, de son côté, inscrit l’élargissement des horaires d’ouverture des bibliothèques dans son programme. "Il est de la responsabilité des élus locaux de porter dans leurs territoires cette grande réforme. Mais il est de la responsabilité de l’État de mettre en place les conditions de sa réussite. L’impulsion politique en la matière est décisive: l’État doit convaincre autant qu’accompagner. Je demanderai au ministre de la Culture de désigner un "ambassadeur de la réforme", une personnalité culturelle bénéficiant de relais auprès des élus locaux, qui sera garant de sa mise en œuvre", détaille le candidat d’En Marche.

Benoît Hamon indique qu’il faut un "élargissement progressif des horaires d’ouverture, pour s’adapter à la soif de culture sans cesse plus grande des publics" et rappelle que le concours particulier dédié aux bibliothèques au sein de la dotation générale de décentralisation (DGD) permet, depuis sa refonte récente, d’appuyer également les projets d’extension d’horaires d’ouverture des bibliothèques.

L’Association des bibliothécaires de France et Bibliothèques sans frontières jugent les réponses apportées par les différents candidats insuffisantes et annoncent leur intention de lancer au moment des législatives une nouvelle campagne de mobilisation pour défendre et promouvoir les bibliothèques dans les cinq prochaines années.

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