Coloriages pour adultes : l’an I

Olivier Dion

Coloriages pour adultes : l’an I

Frémissante il y a encore dix-huit mois, la tendance des coloriages pour adultes a tout emporté sur son passage l’été dernier, apportant une bouffée d’air salutaire au secteur pratique. Les chiffres de ventes commencent à atterrir, mais les éditeurs rivalisent d’imagination pour prolonger l’embellie et ancrer le rayon en librairie.

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Par Marine Durand,
avec Créé le 22.05.2015 à 02h05

Le petit monde des éditeurs de psychologie populaire se divise désormais en deux catégories : ceux qui font des coloriages, et ceux qui n’en font pas. Acquis en 2012 à Londres par Hachette Pratique, le premier titre, 100 coloriages anti-stress, a végété plusieurs mois avant que le marché ne s’emballe soudainement début 2014, attirant une ribambelle d’acteurs dans son sillage, qui hésitent encore, tout comme GFK, dans leur classification. "Dès le départ, les coloriages ont été conçus chez nous en bien-être", explique Anne Le Meur, chez Hachette Pratique. Sur le marché, tout n’est pas aussi simple. Si les vertus anti-stress et zen du coloriage sont communément admises, permettant à des adultes surconnectés de se recentrer sur eux-mêmes, certains éditeurs de développement personnel ne se sont pas reconnus dans cette offre hybride. "Notre rôle, cest dapporter du contenu, et donc pas du coloriage", répond-on chez Leduc.s. Même discours chez Eyrolles, tandis que Jouvence fait valoir un marché déjà saturé sur lequel il n’aurait pas forcément trouvé sa place. "Nous avons été les premiers à faire un livre sur lart-thérapie en tant que traitement, ce qui na pas grand-chose à voir avec les coloriages", souligne Jean Henriet, directeur éditorial du département sciences humaines et sociales de Dunod. Du côté de ceux qui ont embrassé la tendance, ça n’est pas plus clair. Directrice de Marabout, Elisabeth Darets assène : "Cela reste avant tout du loisir créatif, auquel il fallait donner une raison dêtre", alors que Solar a immédiatement classé ses cahiers et carnets dans son label de psycho, "Harmonie". Tous s’accordent pourtant sur un point : après une année au beau fixe, les ventes commencent à atterrir, et l’enjeu réside dans des stratégies permettant à cette tendance de perdurer en librairie.

"Dès le départ, les coloriages ont été conçus chez nous en bien-être."Anne Le Meur, Hachette Pratique- Photo OLIVIER DION

Opération diversification

Jardins, coraux, mandalas, Japon, vitraux… Hachette Pratique, qui atteint 2,5 millions de ventes tous titres confondus, a d’abord misé sur une grande variété de thématiques et s’appuie sur le caractère addictif des coloriages à travers les réseaux sociaux. Sur la page Facebook Collection Art-Thérapie Hachette Loisirs, qui cumule plus de 11 000 "like", les lectrices - car le coloriage est en grande partie féminin - partagent et commentent avec enthousiasme leurs œuvres. Un community manager est même entièrement dédié à l’animation de cette communauté ("Wahouuu, on adore le travail de Laetizia sur ce mandala !"). Mais chez le numéro un comme chez ses confrères, l’heure est à la diversification au niveau des formats, car la multiplication des acteurs force à se repositionner. "Nous avons bâti notre catalogue avec des grands livres au façonnage soigné, désormais nous proposons aussi des blocs-notes plus petits et moins chers", explique Anne Le Meur. Force est de constater que la concurrence stimule l’imagination. Au-delà des simples cahiers, First tente le coloriage appliqué aux origamis, aux cartes postales, aux sous-main, et ajoute des pensées positives à ses pages à colorier, tandis que Solar développe une ligne de kakémonos. Chez Larousse, Catherine Delprat avoue avoir "pris le train en marche", mais tente elle aussi "de tirer le coloriage vers le haut", avec le cahier Inspiration toltèque mêlant dessins et consignes de méditation. Surtout, elle se félicite du succès de Saccage ce carnet !!! : créer cest détruire, un dérivé de la tendance coloriage pensé comme un exutoire. Préférant éviter "le mélange des genres", Elisabeth Darets préfère, elle, miser sur l’esthétique de ses cahiers pour durer : "Je ne pense pas que le phénomène retombera à zéro, mais seuls les plus beaux resteront en librairie."

22.05 2015

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