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“En août dernier, Amazon a invité environ 80 auteurs de sa collection de romans policiers Thomas & Mercer à Seattle pour une conférence. Ils nous ont hébergés au Westin du centre-ville, un bon hôtel à tous égards, et ont passé le week-end à nous nourrir très correctement, et à nous abreuver de bons alcools au cours d’une fabuleuse série de fêtes”, se réjouit encore l’écrivain américain Neal Pollack dans un témoignage publié sur Slate.com et intitulé “En défense d’Amazon”. Au 5 septembre, il avait déjà suscité plus de 160 commentaires en ligne.
 
Sans illusion sur lui-même et ses talents littéraires, ni flagornerie à l’égard du cybermarchand, il décrit le fonctionnement de la maison d’édition, à ne pas confondre avec le service d’auto-édition, et reconnaît qu’elle lui a permis de relancer une carrière en panne, après avoir été publié chez des indépendants, des grands groupes et avoir même taté de l’auto-édition (aucun de ses livres n’est traduit en France).

Neal Pollack a publié une comédie et deux polars situés dans les milieux du yoga à Los Angeles. Pour chacun d'entre eux il a reçu une avance “dans le bas de la tranche des cinq chiffres”, soit au minimum 10 000 dollars (7 717 euros), ce qu’il estime bien payé pour des romans qui ne se sont jamais vendus à plus de 15 000 exemplaires. Son contrat prévoit deux autres titres, pour lesquels il envisage de se lancer dans la littérature sentimentale.
 
“Amazon accepte mes excentricités”, reconnaît-il en expliquant ce qu’il comprend des exigences du département édition avec les auteurs : “Ecrivez autant de livres que vous pouvez, et ensuite vendez-les bon marché et en masse”, sans que le site mette pour autant la pression sur son cheptel de plumitifs. Il décrit aussi quelques belles histoires d’autres auteurs qui ont rencontré plus de succès que lui, et disent toute leur reconnaissance au soutien apporté par “la base de données clients d’Amazon”, qui se montre “capable de maintenir l’attention pour un livre des années après sa publication”.
 
Neal Pollack reconnaît que son choix est loin d’être partagé par ses amis écrivains, un milieu assez averti de l’histoire de France pour que l’un d’entre eux l’ait un jour comparé à un Vichyssois des années 1940, et où la virulence des opinions à l’encontre d’Amazon semble venir tout droit de Paris.

De façon plus mesurée, Emily Gould, une de ses relations publiée chez Farrar, Straus & Giroux, lui a concédé qu’Amazon pouvait être parfait pour la littérature de genre, mais que pour “un auteur ou un éditeur de ce qui doit être regrettablement qualifié de ‘littérature’ tout court, le traitement des livres comme des widgets semble effrayant”.
 
Pour l’auteur d’Open your Heart. A Matt Bolser Yoga Mystery (“Ouvre ton cœur. Une intrigue yoga de Matt Bolster), qui ne voit pas où est le problème dans la querelle concernant le prix des livres, cette division du monde des lettres est finalement pertinente : “Les vieilles maisons classiques continueront à prospérer, ou au moins à survivre [...] en publiant les ‘bons livres’ de ce pays. Mais pour un fier scribouillard comme moi qui n’a que des prétentions littéraires très limitées, le système d’Amazon est un rêve”, conclut Neal Pollack.

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