avant-portrait > Vincent Almendros

Au sortir du Louvre, il allait s’engouffrer dans le métro. Sa mère l’appelle. Comme souvent avec elle, la communication risque de durer. Le téléphone ne passe pas très bien dans la rame, Vincent Almendros décide de rentrer à pied. Il prend la rue La Vrillière, arrive au niveau du numéro 4. L’adresse de l’héroïne de La vérité sur Marie de Jean-Philippe Toussaint dont il est un inconditionnel. La curiosité le pousse à regarder les noms des occupants de l’immeuble, l’un d’entre eux pourrait être celui d’un personnage de son auteur fétiche. De retour chez lui, le détective ad hoc ne fait ni une ni deux, se connecte sur le site de l’écrivain et lui pose directement la question en ligne. S’ensuit un échange qui aboutira à une vraie rencontre faisant de Toussaint un "parrain" puisque c’est par lui qu’Almendros publiera aux éditions de Minuit en 2011 son premier roman, Ma chère Lise.

En janvier sort son troisième roman chez le même éditeur : Faire mouche. Après Un été, huis clos en mer avec deux frères sur un bateau, qui reparaît dans la collection de poche "Double", Vincent Almendros revient à la famille et ses rapports ambigus, compliqués, pétris de non-dits. A l’occasion du mariage de sa cousine, le narrateur doit se rendre dans un "trou perdu" où habitent encore sa mère et son oncle, le frère de son père. Dans Ma chère Lise, un professeur particulier de 25 ans s’éprenait de son élève de dix ans sa cadette. A cette "éducation sentimentale" se mêlait le récit d’émancipation d’un milieu modeste, un "aller simple" vers le vaste monde. Ici c’est le retour. Petites gens de la campagne auxquelles retourne ce fils prodigue urbanisé accompagné de sa fiancée putative non moins citadine : décalage constant, jeu entre les mots et le sens - espace flottant entre la conscience et la perception - Faire mouche instille une tension vibratile, "une incertitude modianesque".

Eaux troubles

Le retour aux sources se double d’un questionnement identitaire. Vincent Almendros remue les eaux troubles du passé, questionne sa place. S’il n’est pas issu du milieu paysan dépeint dans le livre, côté paternel, des pieds-noirs rapatriés d’Algérie, l’environnement au sein duquel il grandit à Avignon est clair : "Mes parents avaient un rapport compliqué au langage." Un père taiseux qui ne lisait pas, une mère à la loquacité névrotique remplissant le vide avec des concaténations de phrases sans structure. La littérature découverte, adolescent, à travers la poésie ("avant la révélation du nouveau roman à 20 ans"), devient une mise au silence des mots en trop, une mise à distance de la mort aussi, dont le parfum flotte dans les pages des ouvrages d’Almendros. Et c’est tout le travail de l’écriture que de retranscrire cette présence ténue, d’"être au plus près de la vie, où il ne se passe rien".

Sean J. Rose

Faire mouche de Vincent Almendros, Minuit. Prix : 11,50 euros, 128 p. Sortie : 4 janvier. ISBN : 978-2-7073-4421-2

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