4 avril > roman France > Harry Bellet

Derrière le personnage de Jean Jambecreuse apparu dans le premier volet de ces Aventures extravagantes en 2013 (Actes Sud, réédité en Babel le 4 avril), on reconnaît le peintre allemand Hans Holbein. L’artiste est réputé pour avoir représenté un Christ dans sa tombe, tellement mortel qu’on ne voit pas comment il aurait pu ressusciter. La religion est toujours au cœur de ce nouvel épisode qui se déroule durant la révolte des Rustauds, c’est-à-dire la rébellion menée au début du XVIe siècle par les paysans dans le Saint-Empire romain germanique.

Dans cette Europe en pleine mutation artistique et spirituelle où l’humanisme le dispute à l’intransigeance, luthériens, calvinistes et anglicans s’organisent. Quelques radicaux s’en prennent aux images, comme à ce retable d’Issenheim qui expose l’extrême souffrance du Christ en croix. Il a été peint par Mathis Nithart qui se trouve ici enrôlé auprès des pieds-gris, les Rustauds. Mais ce souci du vrai n’empêche pas la paillardise à une époque où l’on vide chopines et goussets.

Harry Bellet s’en donne à cœur joie dans une suite rabelaisienne où l’on croise Erasme et Till l’Espiègle à Bâle, François Ier à Lyon, Thomas Cromwell à Londres, le pape Clément VII à Rome, et Soliman le Magnifique à Constantinople. Journaliste au Monde, spécialiste de l’art et des marchés, Harry Bellet a laissé libre court à sa truculence dans ce deuxième volet. Mais, ce roman n’est pas que fantaisie, la documentation historique est rigoureuse, les situations vraisemblables et les dialogues savoureux.

Les pérégrinations de Jambecreuse autorisent bien des libertés, d’autant que la vie du peintre est mal connue. Le romancier a profité de ces lacunes pour compléter le tableau. Il nous permet ainsi de voyager dans cet Occident écartelé par les guerres de religions jusqu’au palais de Topkapi. Harry Bellet prend plaisir à travailler la langue et à se servir de l’histoire. Le lecteur le ressent en retour et lorsqu’il apprend que Jambecreuse se rend à Londres sur la recommandation d’Erasme pour y rencontrer Thomas More, il attend la fin de cette trilogie avec gourmandise. Laurent Lemire

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