Disparition

Décès de l'écrivain espagnol Juan Goytisolo

Juan Goytisolo

Décès de l'écrivain espagnol Juan Goytisolo

Prix Cervantes, le romancier et essayiste Juan Goytisolo, ami de Jean Genet, est mort à Marrakech à l'âge de 86 ans.

Par Vincy Thomas,
avec AFP Créé le 05.06.2017 à 01h08

L'écrivain espagnol Juan Goytisolo est mort dimanche 4 juin 2017 à l'âge de 86 ans dans sa résidence de Marrakech, au Maroc, a annoncé son agence littéraire Carmen Balcells, basée à Barcelone.
 
Écrivain et essayiste, il avait connu des problèmes de santé ces derniers mois, dont une fracture à la hanche qui l'avait contraint de se déplacer en fauteuil roulant. La nouvelle de son décès a été transmise par l'ambassade d'Espagne au Maroc, selon le communiqué, qui ne précise pas les circonstances du décès de M. Goytisolo.

Entre deux rives
 
Surnommé l'écrivain "des deux rives", pour sa passion et sa défense du monde arabe ainsi que pour son penchant pour l'Amérique latine, l'essayiste était connu pour son expérimentation narrative, et son style singulier et imprévisible, fruit de son indépendance intellectuelle. Il vivait son métier comme une addiction. Il se voyait comme un apprenti, cherchant en permanence de nouvelles voies littéraires.
Il aimait interroger l’Histoire et son époque, de Sarajevo aux mutations de son pays, tout en explorant les limites de la littérature. Dans Makbara (1982, réédité chez Fayard en 2009), il reprend le style des conteurs marocains, dans une dialectique sur la supposée supériorité de l’Occident chrétien, avec en toile de fonds une histoire d’amour homosexuelle.
 
Il vivait son métier comme une addiction et se voyait comme un apprenti, cherchant en permanence de nouvelles voies littéraires.

Ecrivain en exil
 
Né à Barcelone en 1931, l'auteur a publié son œuvre à Paris, Mexico et Buenos Aires. Elle avait d’ailleurs été en partie censurée par la dictature franquiste à laquelle il s'opposait. Il s'était par ailleurs installé à Paris à la fin des années 1950 pour fuir le franquisme et n'était jamais revenu vivre de façon permanente dans son pays. L’aviation franquiste avait tué sa mère, qui avait légué à ses fils une bibliothèque riche en ouvrages classiques, dont les auteurs seront autant de références peuplant ses livres.
 
Sa carrière littéraire a commencé en 1954 avec le roman Jeux de mains (Gallimard), suivi de Deuil au paradis l’année suivante (Gallimard, 1959) puis de la trilogie El mañana efímero. En 1956, il était devenu conseiller éditorial chez Gallimard, faisant découvrir aux lecteurs français de nombreux auteurs ibériques. C’est chez l’éditeur qu’il rencontre sa future épouse, Monique Lange, qui lui présente son futur mentor, Jean Genet. Goytisolo poussera d’ailleurs Genet à faire son « coming out ». Fayard a publié en 2012 Genet à Barcelone, où l’auteur témoignait de la période barcelonaise de l’écrivain français en 1955.

Peu sensible aux honneurs
 
En 1968, il publie chez Gallimard, Pièces d’identité, son ouvrage le plus renommé. Autobiographique, inspiré du nouveau roman français, il raconte l’histoire d’un Espagnol exilé en France et qui, au retour dans son pays, se sent complètement étranger. L’exil est d’ailleurs un thème récurrent dans son œuvre.

Dans L’Espagne et les Espagnols (A plus d’un titre, 2012),  il propose, à travers l'étude de thèmes historiques et littéraires, une réflexion critique sur les mythes fondateur de l'identité espagnole et une analyse des rapports ambigus entretenus entre l'Espagne et la modernité. Cette confrontation entre mythes et contemporain se retrouve aussi dans L'Exilé d'ici et d'ailleurs (Fayard, 2010), récit moderne sur fond de terrorisme et d’univers virtuel.
 
Outre sa vingtaine de romans et sa dizaine d’essais, il a aussi écrit de nombreux récits de voyages. Une grande partie de ses écrits reste non traduite en Français.
 
Récipiendaire du prestigieux Prix Cervantes en 2014, l'écrivain avait aussi remporté le Prix national des Lettres espagnoles en 2008, le Prix Juan Rulfo de la littérature latino-américaine en 2004, le Prix Octavio Paz de Lietratura en 2002 et le Prix Nelly Sachs en 1993. D’une manière générale, il était peu sensible aux honneurs, les considérant souvent comme inutiles.
 
Ses deux frères sont aussi des écrivains importants, le poète José Agustin Goytisolo et le romancier Luis Goytisolo.

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