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Des Français de plus en plus familiers des bibliothèques

Des Français de plus en plus familiers des bibliothèques

Les bibliothèques ne sont plus des lieux inconnus. Elles se sont banalisées dans les pratiques comme dans les discours politiques.

Les bibliothèques changent et les bibliothécaires aussi. Cela se ressent-il sur la fréquentation et les usages de cet équipement ? De façon localisée, on a identifié des effets positifs au moment de l’ouverture de nouveaux établissements, de l’élargissement des horaires ou du passage à la gratuité.

Mais globalement il n’était pas possible de connaître le rapport de la population aux bibliothèques depuis l’enquête Pratiques culturelles des Français de 2008 et encore cette enquête ne comporte que peu de questions sur les bibliothèques. C’est donc vers l’enquête réalisée par le CREDOC en 2005 qu’il fallait se tourner pour des éléments plus précis. Et c’est vrai que la conception du métier, les pratiques professionnelles, les choix faits dans les espaces comme dans les animations ont sensiblement changé. La question des publics est devenue une évidence qui se met à orienter l’action des bibliothécaires.

C’est donc une belle idée du ministère de la culture que celle de lancer une enquête afin de chercher à saisir la situation dans laquelle on se trouve aujourd’hui. Et les résultats (accessibles dans ce rapport et synthétisés dans LH 1134) sont nombreux et intéressants.
 
Des nouvelles générations familières des bibliothèques

Malgré les angoisses localisées (et parfois justifiées) des professionnels à propos de la fermeture de bibliothèques, la tendance sur le long terme est bien celle d'une croissance sensible du nombre d'établissements dans toute la France. En 2001, la direction du livre et de la lecture recensait 3000 bibliothèques là où la dernière synthèse de 2014 en dénombre 7100. Cette multiplication des bibliothèques se traduit dans la population. La part de plus de 14 ans n'ayant jamais franchi la porte de cette institution diminue puisqu'elle est passée de 28% en 2005 à 13% en 2016. Les bibliothèques ne sont plus des lieux inconnus. Elles se sont banalisées dans les pratiques comme dans les discours politiques.

Pour exemple, Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics, s'inquiétant d'une potentielle hausse des taux d'intérêts sur le budget de l'Etat, expliquait récemment qu'une augmentation « d'un point, cela représente 2 milliards d'euros soit 233 médiathèques ou 200 écoles ». Et l'examen détaillé des résultats montre la dimension générationnelle de cette banalisation des bibliothèques. Les personnes nées avant 1957 déclarent n'avoir jamais fréquenté de bibliothèques dans leur vie sensiblement plus souvent que celles nées après 1966 (15% ou plus contre 6% ou moins). La présence croissante de cet équipement, le travail patient et obstiné des professionnels visant à accueillir les classes notamment de primaires ont porté leur fruit.

On le voit en constatant que la proportion de 15 ans et plus déclarant être venu en bibliothèque avant l'âge de 11 ans augmente quand on se rapproche des générations récentes : 57% chez ceux nés entre 1992 et 2001 contre 18% chez ceux nés entre 1947 et 1951. Cette familiarisation précoce avec les bibliothèques distingue donc les jeunes générations par rapport à celles qui les ont précédées. Cela a des effets aujourd’hui puisque la fréquentation dans l'année écoulée diminue au fur et à mesure qu'on se rapproche des plus âgés : de 72% chez les 15-24 ans à 25% chez les 70 ans et plus. Cela laisse aussi augurer d'une fréquentation à venir plus importante dans la vie de ceux qui auront entamé leur trajectoire en ayant connu les bibliothèques.

Le rôle important des CDI

Mais les bibliothèques municipales ne sont pas seules dans la familiarisation à un lieu public qui rassemble livres et lecteurs. Les CDI des collèges et lycées, pris en compte dans l'enquête, occupent une part majeure. Et si la fréquentation atteint un pic entre 11 et 16 ans c'est largement grâce à ces équipements installés au plus près des jeunes scolarisés. Ainsi, parmi les 42% des personnes interrogées ayant déclaré fréquenté une bibliothèque entre 11 et 16 ans, les deux tiers fréquentaient ce que l'enquête désigne par la « bibliothèque de l'école » (donc le CDI) quand 55% venaient en BM. Le travail considérable effectué par les professeurs documentalistes dans l'accueil des élèves à titre individuel ou dans le cadre de cours porte ses fruits. Il prend le relais des BM et maintient le lien des jeunes avec un lieu du livre. Ce résultat qui valorise l'action individuelle et collective des professeurs documentalistes doit être souligné car les professionnels concernés sont les moins enclins à mettre l'accent sur leur rôle de bibliothécaire dans la promotion du livre et de la lecture par leur CDI. Tout concentrés sur leur mission « professorale », ils en oublient leur fonction de diffusion de la lecture et les bons résultats qu'ils produisent pourtant. Et nombreux sont les porte-paroles (comme par exemple Alexandre Serres) à se réjouir de voir la nouvelle circulaire de mission (du 28 mars 2017) reléguer la notion de « documentalistes bibliothécaires » et consacrer celle de « professeurs documentalistes ». 

L'enquête du ministère atteste de la place des CDI dans le rapport des Français aux bibliothèques au moment même où ceux-ci semblent tourner le dos à l'affirmation de cette fonction pourtant bien réellement remplie.
 
L'enquête regorge de résultats intéressants et méritant une analyse. Ce sera l'objet de textes à venir.

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