2 avril et 12 mars > Essais France

En 2005, Le Point titrait "Le Corbusier, l’archi nazi". Excessif, évidemment, mais la découverte de lettres nouvelles avait de quoi venir troubler l’image de l’architecte visionnaire. Pour le 50e anniversaire de sa mort, Xavier de Jarcy et François Chaslin rouvrent le dossier. Le premier est radical, le second un peu moins. Rien que par son titre - Le Corbusier, et le fascisme français - le journaliste de Télérama ne donne pas dans la demi-teinte. Une prise de position qui est à l’aune de sa déception envers un personnage qu’il admirait. Il a repris tous les documents accessibles et ses conclusions font de Charles-Edouard Jeanneret (1887-1965) - le vrai nom de Le Corbusier - un homme qui a frayé avec le fascisme et Vichy. Il aurait même intrigué durant les dix-huit mois passés dans la capitale de l’Etat Français pour devenir le Speer de Pétain, le grand reconstructeur d’une France nouvelle.

François Chaslin est plus mesuré. Architecte, critique et professeur, il a abordé Le Corbusier par empathie, d’où ce Un Corbusier qui laisse entendre qu’il ne s’agirait que d’une facette de l’homme. C’est le livre d’un collectionneur qui, à force d’accumuler des papiers et des articles, finit par trouver des petits secrets peu avouables. "Ce n’est pas un procès, mais un portrait", annonce-t-il en préambule. Néanmoins, il montre que l’artiste enterré par la voix tremblante de Malraux fut proche des fascistes du Faisceau de Georges Valois, du médecin eugéniste Alexis Carrel et signa dans des revues prônant un fascisme orienté vers la technique, comme Plans puis Prélude. Pour autant, il hésite à qualifier Le Corbusier de fasciste. "Lui-même ne l’a jamais affirmé, ni proclamé ni avoué, ni en public ni en privé."

Pour Xavier de Jarcy, "le mythe d’un Le Corbusier apolitique ne tient pas". Il le montre même militant, discret certes, mais militant tout de même. Il ajoute que "Le Corbusier était antisémite" et cite une lettre rédigée deux jours avant la publication du statut expulsant les Juifs de la fonction publique : "Les Juifs passent un sale moment. J’en suis parfois contrit. Mais il apparaît que leur soif aveugle de l’argent avait pourri le pays." Il n’en dira jamais plus par la suite.

Les deux ouvrages, vifs et informés, ont le mérite de mettre à la portée d’un public plus large des documents inédits. C’est leur approche qui les distingue. Xavier de Jarcy a choisi le rôle de l’avocat général, François Chaslin celui de la défense. Quant à Le Corbusier, il expliquait "Ce sont les événements qui sont tordus autour de mon caractère, qui est droit." Pour un géant de l’architecture, ça ne tient pas debout ! L. L.

 


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