Justice

Un arrêt rendu cet été par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) appelle la justice française à la "retenue" dans la répression pénale de la diffamation. Le dossier intéressera aussi l’édition, notamment d’essais et documents où les mises en cause sont nombreuses. L’affaire concerne un ancien cadre de Radio Courtoisie, condamné en première instance et en appel à 1 000 euros d’amende avec sursis et à 1 500 euros de dommages-intérêts (et 2 000 euros de frais d’appel) pour avoir émis des doutes sur la régularité de la gestion de cette entreprise par le vice-président du conseil d’administration. La CEDH considère qu’il y a eu violation de la liberté d’expression, et a condamné la France à verser au cadre 5 000 euros pour dommage moral.

Le rejet de son pourvoi en cassation pour des motifs de procédure relevait "d’un formalisme excessif qui a porté une atteinte disproportionnée" au droit d’accès du justiciable à un tribunal, note le communiqué de la Cour. L’arrêt souligne aussi que "le propos litigieux s’inscrivait dans un débat d’intérêt général et relevait de la liberté de la presse", et il note que le juge "n’a pas distingué entre déclarations de fait et jugements de valeur" : ceux-ci "ne se prêtant pas à une démonstration de leur exactitude, l’obligation de preuve est donc impossible à remplir et porte atteinte à la liberté d’opinion elle-même", estime la Cour, notant que le propos était "relativement mesuré", et se fondait en plus "sur une base factuelle". Une nuance que les récentes décisions en matière de diffamation s’attachent maintenant à bien établir, la justice française ayant déjà été rappelée à l’ordre.

D’autre part, une sanction pénale, même assortie du sursis ou limitée à l’euro symbolique, "peut avoir un effet dissuasif quant à la liberté d’expression" et représente "une des formes d’ingérence les plus graves dans ce droit", insiste la Cour. L’arrêt pourrait inciter les juges à pencher plus souvent vers la relaxe en diffamation, et les plaignants à se tourner vers une procédure civile (limitée aux seuls dommages-intérêts), à rebours d’un usage fréquent de la voie pénale constaté depuis plusieurs années en France. La plainte (voie pénale) est de fait plus lourde que l’assignation au civil, ce que savent bien les plaignants avertis du droit de la presse. Hervé Hugueny.

18.11 2016

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