Essais et documents

Dossier Essais et documents de l'hiver : le temps incertain

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Dossier Essais et documents de l'hiver : le temps incertain

La production d’essais et de documents à paraître cet hiver fait ressortir la montée des inquiétudes et du pessimisme dans les domaines politique, économique et social. Aperçu.

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Par Hervé Hugueny,
Créé le 12.12.2014 à 01h04 ,
Mis à jour le 12.12.2014 à 10h56

Vivre ensemble dans un monde incertain : le titre du livre de Serge Paugam à paraître en janvier aux éditions de l’Aube synthétise bien les préoccupations qui transparaissent dans la production des essais et documents programmés pour les deux premiers mois de 2015. Nous en donnons une sélection resserrée de 235 titres dans notre bibliographie, focalisée sur l’économie, le monde du travail, l’environnement et les faits de société. Les vedettes de la politique réservent leur signature pour des combats futurs et leur champ reste très ouvert, le calendrier à venir ne leur imposant aucun thème particulier - les élections départementales de mars n’ont ainsi inspiré personne.

Popularité en baisse, chômage en hausse, économie en berne, le Président de la République fait l’objet de nombreux essais.- Photo XINHUA-GAMMA

Politique

Michel Rocard, qui n’a plus rien à prouver et n’est plus dans l’ambition d’aucune fonction, sinon celle du sage qui espère être écouté, publie chez Flammarion Le suicide : va-t-on vers la mort de l’Occident ou de l’humanité ?. D’après l’argumentaire de l’éditeur, l’ancien Premier ministre esquisse "quelques pistes pour améliorer les comportements, retrouver une certaine sérénité" après la liste des "problèmes environnementaux, politiques, religieux" qu’il énumère. Plus terre à terre, Roland Dumas, éminence grise de la gauche mitterrandienne que le courant rocardien insupportait, reconditionne des Mémoires déjà publiés dans Politiquement incorrect : secrets d’Etat et autres confidences : carnets 1984-2014 (Le Cherche Midi). Jean-François Kahn n’en peut plus et pousse un cri : A bas cette gauche-là (Plon). Le député PS Jean-Marc Germain se lamente (Tout avait si bien commencé, éditions de l’Atelier). Edwy Plenel tient une comptabilité cruelle : Qu’a-t-il fait de nos espoirs ? Faits & gestes de la présidence Hollande, décryptage au jour le jour d’un stupéfiant reniement (Don Quichotte). Homme de théâtre, Philippe Torreton se mêle aussi de la comédie politique et interpelle : Cher François : lettres ouvertes à toi, Président (Flammarion). Philippe Dessertine s’emploie à fournir aussi un peu de lecture à l’occupant de l’Elysée, avec ses Le fantôme de l’Elysée : visite impromptue du baron Necker à François Hollande (Albin Michel), écho aux Derniers conseils au roi que le célèbre ministre des finances de Louis XVI osa après avoir été renvoyé, en 1789.

Fiscalité et économie

La France connaissait alors les mêmes problèmes qu’aujourd’hui : trop de dettes, que le futur Ancien Régime voulait combler avec de nouveaux impôts. La grogne actuelle ne débouche pas encore sur une révolution, mais sur un livre : Le grand hold-up : où passent vos impôts ?, apostrophe Laurence Allard (Flammarion). Robert Matthieu s’intéresse aux filous qui esquivent la tondeuse fiscale dans Les stars face à l’impôt : combines, magouilles, exil… (Maxima Laurent du Ménil), sans toutefois les menacer du grand rasoir républicain. Même dans les pires situations, il y a matière à profit, dénoncent André-Jacques Holbecq et Philippe Derudder dans La dette publique, une affaire rentable : à qui profite le système ?, un titre parmi la demi-douzaine qui traitent de cette question. L’institution précisément chargée de surveiller les finances publiques fait à son tour l’objet d’une investigation : Et si on enquêtait sur la Cour des comptes ?, propose Bruno Botella aux éditions du Moment. La maison s’en prend aussi à la nouvelle star des économistes (Piketty, au piquet !, par Frédéric Georges-Tudo) tandis que Michel Turin, chez Albin Michel, ressort toutes les prévisions erronées des vedettes des graphiques dans Le bal des aveugles.

Convaincus que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, selon l’adage boursier, Patrick Artus et Marie-Paule Virard anticipent une Croissance zéro : comment éviter le chaos (Fayard). D’autres s’en arrangent très bien, dénonce Cyprien Boganda dans Le business des faillites : enquête sur ceux qui prospèrent sur les ruines de l’économie française (La Découverte). Au moins, Les Economistes atterrés ne manquent pas de travail et annoncent Le second manifeste pour janvier (après l’avoir programmé pour août dernier). Grâce au même éditeur (Les Liens qui libèrent), leurs lecteurs pourront patienter avec Le livre noir des banques réalisé par Attac. Au Seuil, James K. Galbraith prend aussi le contre-pied de toutes les solutions libérales dans La grande crise : comment en sortir autrement. Michel Godet s’attache à une vision positive de l’économie dans son Grand prix des bonnes nouvelles des territoires(Odile Jacob). Alain de Benoist soulève les dessous des libre-échangistes impénitents dans Le traité transatlantique et autres menaces (Pierre-Guillaume de Roux), sujet qui inquiète aussi Maxime Vaudano (Ceci n’est pas un traité de libre-échange, Les Petits Matins).

Entreprises et travail

Ces tensions macroéconomiques provoquent de sérieux dégâts dans les entreprises, accusent Pascal Lokiec (Les salariés sacrifiés, Odile Jacob), Corinne Berthaud et Gaëlle Rolin (Cette comédie qu’on appelle le travail : retrouver sa dignité au boulot, Calmann-Lévy), Nicolas Chaboteaux et Cédric Porte (Travailler à tout prix, éditions du Moment), Christophe Dejours (Le choix : tristes dérives dans le monde du travail ou nouvelles organisations, Bayard), François Dupuy (Lost in management. 2, La faillite de la pensée managériale, Seuil), Gérard Filoche (Touche pas à mon code : bribes de vie et de mort au travail, Hugo Doc), Christian Stock (Le harcèlement au travail : le reconnaître et s’en protéger, Ixelles éditions), Olivier Le Bras et Anne Guillou (Le visage des Gad : le combat du "métis breton", Locus Solus). Ce productivisme prédateur détruit aussi l’environnement, démontrent Michael Carolan (Cheaponomics : le coût élevé des bas prix, De Boeck), Emmanuel Druon (Perdre sa vie à la gagner ? Un manifeste d’anti-management, Actes Sud), Jean Gadrey et Aurore Lalucq (Quel prix donner à la nature ?, Les Petits Matins), Francelyne Marano et al. (Toxique ?, Buchet-Chastel), Geneviève Azam (Manifeste pour la nature, Les Liens qui libèrent), Vincent Devictor (Nature en crise : penser la biodiversité, Seuil). Mais pour Patrick de Wever et Bruno David, la vie est faite de hauts et de bas, et il n’y a pas lieu de s’inquiéter outre mesure (La biodiversité de crise en crise, Albin Michel).

Société

La vie en société s’en trouve aussi bouleversée, constatent Mark Hunyadi (La tyrannie des modes de vie : sur le paradoxe moral de notre temps, Le Bord de l’eau), Alain Cotta (La domestication de l’humain, Fayard), Carole Gayet-Viaud (Le lien civil en crise, Fabert). Laurent Obertone affirme que les Français sont lobotomisés par un pouvoir occulte (La France Big Brother, Ring). Jean-Marc Borello, Nathalie Calmé et Jean-Guy Henckel défendent du coup un Manifeste pour un monde solidaire (Le Cherche Midi), tandis que Jean-Claude Devèze imagine un Citoyen en quête de démocratie (Chronique sociale). Gilles Lipovetsky, spécialiste des analyses de la société de consommation, dissèque les conséquences du paradoxe entre la mise en scène du divertissement permanent et les tensions de la vie quotidienne dans De la légèreté (Grasset). Dominique Wolton, spécialiste des médias et de la communication, pense que les notables de la République des lettres ne tiennent plus leur rôle critique dans cette société (La comédie humaine aujourd’hui, Le Cherche Midi).

Ce monde détraqué étant celui des hommes, Corinne Lepage et Bouchera Azzouz expliquent Comment les femmes vont sauver la République (Max Milo). Claire Champenois et Catherine Bendayan dressent le portrait de 17 d’entre elles dans Libres, insoumises, audacieuses !. Pas sûr que la présidente du Front national fasse partie de celles par qui viendra le salut, selon Cécile Alduy et Stéphane Wahnich (Le discours de Marine Le Pen : le décrypter pour le comprendre, Seuil) ou encore Didier Geoffroy, qui veut dénoncer ses mensonges dans La fronde nationale (éditions du Moment).

Apparemment peu persuadé que la moitié féminine de l’humanité pouvait être d’un quelconque secours, Gauthier Toulemonde est parti avec son chien, ses deux chats, quelques poules et une connexion Internet pour tenter une expérience radicale de Web Robinson : vivre et travailler sur une île déserte (Arthaud). Plein d’espoir, Lewis Dartnell s’est quant à lui préparé au pire et publie son manuel de survie chez Lattès : A ouvrir en cas d’apocalypse : comment reconstruire notre monde à partir de zéro.

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