Livres d’art

Dossier Livres d'art : équilibre et pas de côté

Exposition des photos d’Harry Gruyaert dans la station Hôtel-de-Ville du métro de Paris. - Photo Olivier Dion

Dossier Livres d'art : équilibre et pas de côté

Alors que se profile la Nuit européenne des musées, samedi 16 mai, l’édition d’art a fini par apprivoiser ces partenaires essentiels que sont les institutions pour surfer sur la vague des expositions sans s’y noyer. Portrait d’une édition en pleine mutation, qui réussit, grâce à son dynamisme, à surnager dans une conjoncture complexe.

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Par Anne-Laure Walter,
Créé le 08.05.2015 à 02h33 ,
Mis à jour le 11.05.2015 à 09h56

L’édition d’art cherche à sortir de la tempête qu’elle traverse depuis plusieurs années en mutant. "Le secteur s’est totalement transformé et ses acteurs sont en train de changer", constate Nathalie Bailleux, arrivée en début d’année chez Gallimard. A l’exception de Taschen, cinq des six premières maisons du secteur, en termes de chiffre d’affaires, viennent de changer de tête ou sont à la recherche d’un nouveau directeur. Chez Madrigall, un an et demi après l’arrivée de Jean-Jacques Baudouin-Gautier comme directeur de Flammarion Illustré, c’est au tour de Gallimard de créer un pôle transversal qui regroupe les services publiant de l’illustré, hors jeunesse, au sein de la maison. Dirigé par Line Karoubi, il a accueilli Nathalie Bailleux comme directrice éditoriale (voir encadré).

"Un livre d’art représente un tel investissement que l’on ne peut estimer les ventes à moins de trois ans. C’est pourquoi la politique d’auteur est si importante."Nathalie Beaux, Seuil- Photo OLIVIER DION

Des recrutements cruciaux pour l’édition d’art sont à venir, suite au départ fin mars d’Henri Bovet, le directeur des éditions de la RMN-GP, et celui, en février, de Jocelyn Rigault à la tête des éditions de La Martinière, parti pour diriger J’ai lu. Par ailleurs, le directeur d’Hazan depuis 1998, Jean-François Barrielle, l’une des figures majeures de l’édition d’art, a disparu prématurément le 19 février. Il avait cependant monté pour 2015 "un programme complet malgré la fatigue et la maladie", explique l’une de ses collaboratrices, Delphine Storelli, préparant pour la fin d’année une grande monographie de Louise Bourgeois par Robert Storr, une autre consacrée à Kandinsky par Philippe Sers, ainsi qu’un fac-similé en édition de luxe sous coffret des poèmes de Kandinsky de 1913. "La ligne éditoriale d’Hazan reste celle qu’il avait mise en place il y a quinze ans, et ne devrait pas changer, car c’est le souhait de la direction d’Hachette", précise-t-elle.

"Nous avons beaucoup travaillé le ciblage des mises en place, pour ne pas éparpiller le tirage, se retrouver sans stocks et avec des retours à la fin de l’exposition."Isabelle Jendron, Paris-Musées- Photo OLIVIER DION

Quelques rachats redessinent aussi le secteur, à l’instar de celui du Cercle d’art, maison créée à l’initiative de Picasso en 1949, que le chef d’entreprise suisse Richard Mille, qui officie dans l’horlogerie et le luxe, vient d’acquérir. Après trente-deux ans à sa tête, Philippe Monsel cède la place à Aymeric Mantoux. Pas de changement de direction, mais une meilleure solidité financière pour Dominique Carré éditeur (architecture, photo, land art) qui rejoint La Découverte, ou Le Baron perché avec ses livres d’art pour la jeunesse, qui a été repris par Hoche Communication. Enfin, l’avenir est plus compromis pour les éditions Paris bibliothèques. La maison qui accompagnait les expositions des bibliothèques de la Ville a vu sa subvention supprimée.

"Les gens du texte et ceux de l’image n’ont pas la même culture du livre. Quand on fait des études d’histoire de l’art, qu’on lit "Tout l’œuvre peint", l’entrée dans la connaissance passe par une reconnaissance des images. Le memory est une initiation à ce regard."Sophie Laporte, Flammarion- Photo OLIVIER DION

Ces multiples changements interviennent dans le contexte d’un marché dégradé, mais plus stable qu’il ne l’a été ces dernières années. Après un bond spectaculaire de 7,8 % en 2013, la production d’ouvrages d’art a été ramenée l’an dernier à 5 520 nouveautés et nouvelles éditions (- 2 %), d’après nos données Livres Hebdo/Electre, un niveau plus compatible avec un marché qui continue de décélérer fortement. Le secteur du beau livre (dont 40 % des ventes sont des livres d’art) a vu son chiffre d’affaires baisser sur l’année de 2,5 % (source : Livres Hebdo/I+C), alors que la moyenne du marché est à - 0,5 %. Pour ce rayon, si le taux moyen de retour a tendance à baisser, les mises en place restent timides, et surtout le réassort est très faible. Le marché a muté et les éditeurs l’ont intégré. La plupart des acteurs du secteur font ainsi une année conforme à leurs prévisions : il y a moins de catastrophes industrielles car les tirages sont ajustés, mais les ventes moyennes demeurent basses.

Nippomania

C’est le calendrier des expositions qui donne le la du secteur. "Les années à expositions phares, comme 2015 qui débute avec Velázquez, sont celles où nous arrivons le mieux à piloter notre programme", constate Matthieu de Waresquiel, directeur général de Citadelles & Mazenod. "Tout l’exercice consiste à se décoller des vagues déferlantes de catalogues d’exposition et de commémorations, les épouser en gardant ses distances", résume Nathalie Beaux, chargée de l’art au Seuil. Rares sont les titres à se démarquer sur la quarantaine de volumes qui ont accompagné l’exposition Hokusai. Si le catalogue RMN-GP reste le livre d’art le plus vendu pour les douze derniers mois, le Seuil réalise un beau résultat en faisant un pas de côté avec Hokusai le vieux fou d’architecture, tout comme Citadelles & Mazenod qui a réalisé sa meilleure vente en 2014, une année meilleure que 2013 pour la maison, avec Notes de chevet, un texte du XIe siècle illustré par Hokusai. Et chez Flammarion, Japonismes, une création autour de l’influence du Japon sur l’art de la seconde moitié du XIXe siècle, a séduit. "Avec l’exposition Hokusai en toile de fond mais sans actualité muséale directe, je me suis appuyée sur les fonds de trois institutions - Guimet, Orsay et les Arts déco - pour créer ce petit carnet de tendances, qui est amené à devenir un livre de fond et, pourquoi pas, une exposition", explique Sophie Laporte, responsable des livres d’art chez Flammarion. Car l’inventivité de certains éditeurs fait naître des rétrospectives, comme c’est le cas du travail de Xavier Barral (voir encadré) ou de Nicolas Neumann, qui a réuni tout le travail de Juana Muller, sculptrice morte à 41 ans, pour une monographie et des expositions à Roubaix ou au Mans. Le directeur de Somogy parvient de plus en plus à créer des événements en orientant son catalogue vers l’art contemporain. Car des monographies d’Erró, de Télémaque ou de la figure du street art Speedy Graphito permettent de multiplier les rencontres en librairie. "Ces artistes ont leurs fans, des gens qui font trois heures de queue pour leur parler, les suivent depuis leur début. Cela rend l’art extrêmement vivant", constate Marc-Alexis Baranes, le directeur commercial. Un positionnement adopté depuis le début par la petite maison Dilecta, qui vient d’éditer Dessins/Drawings de Martial Raysse.

Diane de Selliers sort d’une "année noire" car l’édition en anglais du Cantique des oiseaux n’a pas trouvé son public outre-Atlantique, et ses deux titres de fin d’année, un Chrétien de Troyes illustré par les peintres préraphaélites et Des mérites comparés du saké et du riz, se sont un peu cannibalisés. Elle mise elle aussi sur un artiste contemporain en éditant dans sa "Petite collection" Alice au pays des merveilles illustré par Pat Andrea. L’artiste mène des collaborations surprenantes, s’associant par exemple au chef pâtissier Pierre Hermé. En attendant la publication à la rentrée de Rimbaud à la lumière de la peinture moderne, Diane de Selliers a pu lancer un jeu concours et aller chercher un public de lecteurs là où on ne l’attend pas, au salon de thé.

Pour Flammarion, pour qui 2014 a aussi été "une année compliquée", la maison a repris un peu de souffle grâce à "des catalogues qui finissent par faire du fonds et sortir de l’événementiel pur", selon Sophie Laporte. Les ouvrages pensés avec les expositions Garry Winogrand (Jeu de paume) ou Gustave Doré (Orsay) ont été réimprimés et se sont transformés en cadeaux de Noël. Car les catalogues ont une vie au-delà des expositions. Marie-Dominique de-Teneuille, la directrice adjointe des éditions de la RMN-GP, constate que si "la part des ventes hors sites est stable de 2013 à 2014, il y a des titres qui échappent à cette règle, comme le catalogue Hokusai qui s’est mieux vendu en librairie générale". Sur l’ensemble de l’année, la maison a réalisé un chiffre d’affaires global conforme au budget, mais en retrait par rapport à 2013, et suppose que 2015 sera portée par Velázquez et, à l’automne, "Picasso Mania" ainsi que "Elisabeth Louise Vigée-Lebrun" au Grand Palais ou "Fragonard amoureux" au musée du Luxembourg.

Ainsi, il est possible de faire du fonds avec des ouvrages censés accompagner une exposition puisque, un an après la fin de l’exposition dédiée, "le catalogue Edward Hopper et les titres autour de Chagall sont encore en tête en 2014, observe Marie-Dominique de-Teneuille. Et nous avons réimprimé, outre Hopper, les catalogues Mélancolie et Monet ". Chez Taschen, Thomas Vivien, directeur commercial France, a constaté "une demande vraiment très forte tout au long de l’année sur Genesis de Salgado". Le titre avait été publié en 2013, en accompagnement d’une exposition à la Maison européenne de la photographie, terminée en janvier 2014.

Si tout l’enjeu du catalogue est d’être présent au moment de l’inauguration de l’exposition, certains éditeurs vont plus loin dans la course contre la montre et parviennent à publier l’ouvrage en amont : Flammarion avait sorti Paris haute couture dès l’automne 2012 alors que l’exposition commençait en mars 2013, et réitéré l’expérience avec les ouvrages sur Picasso avant l’ouverture du musée, atteignant les 12 000 ventes. Le Centre Pompidou anticipe désormais les publications des ouvrages à forte ambition. "Nous publierons la monographie sur Anselm Kiefer bien en amont de l’exposition prévue en décembre, comme nous l’avions fait pour Cartier-Bresson. Cela entraîne des ventes en deux temps et, surtout, nous permet de jouer les sélections de fin d’années des enseignes", constate Nicolas Roche qui, en cinq ans à la tête des éditions du Centre Pompidou, a vu le chiffre d’affaires de son département progresser de 120 % et prévoit, après Jeff Koons et Le Corbusier, une grande année 2016 portée par les expositions Paul Klee et Magritte.

Contrôle et cohérence

Si les éditeurs parviennent à équilibrer leurs comptes, c’est au prix d’un contrôle accru de l’ensemble de la chaîne, en réduisant la production - Somogy, qui a "arrêté l’inflation de titres", selon son directeur Nicolas Neumann, a vu son chiffre d’affaires librairie augmenter de 5 % avec une baisse de 5 % - en gérant mieux les tirages, le stock et la diffusion. Isabelle Jendron, arrivée en mars 2013 à la direction des éditions Paris-Musées, s’est attelée à ce chantier, passant la diffusion chez Flammarion en septembre. "Nous avons beaucoup travaillé le ciblage des mises en place, pour ne pas éparpiller le tirage, se retrouver sans stocks et avec des retours à la fin de l’exposition, explique-t-elle. Il faut cibler les points de vente pour avoir la capacité de réassortir où ça marche." Une opération gagnante car son chiffre d’affaires a progressé de 25 % en 2014 par rapport à 2013. Le contrôle de la production passe aussi par une meilleure structuration du catalogue à laquelle s’est appliqué Jocelyn Bouraly aux éditions du Patrimoine, qui a vu ses résultats chez Volumen progresser de 20 % l’an passé. Le directeur de la maison a clarifié sa programmation et cible une actualité - cinquantenaire de la mort de Le Corbusier - ou des monuments afin de créer un événement éditorial : sept nouveautés autour du Mont-Saint-Michel en 2015.

Pour élargir la palette des sujets traités tout en gardant une cohérence dans le catalogue, Véronique Yersin, qui dirige Macula depuis bientôt cinq ans, développe des collections. Elle en a lancé une avec des textes d’intervention, "Patte d’oie", l’an passé, et en prépare deux autres : l’une en juin, "Les indisciplinés", avec des écrits d’artistes, à commencer par Thomas Hirschhorn (Une volonté de faire), et une en octobre, "Le film", sur le cinéma donc, inaugurée par le scénario d’Accattone, le premier film de Pasolini. Car lorsqu’une collection s’installe, comme "Photo poche" chez Actes Sud ou "Comment parler…" au Baron perché, il se produit un "effet collection" qui permet de tirer les titres moins évidents. "Picasso, Niki de Saint Phalle et Hokusai m’ont permis de faire un volume sur l’art brut. Un Bonnarden lien avec Orsay me permettra de faire Arcimboldo hors exposition", explique Brigitte Stephan, la directrice éditoriale du Baron perché, qui a publié une quinzaine de monographies d’artistes dans cette collection née en 2003 avec Comment parler d’art aux enfants (120 000 exemplaires vendus). Le suivi d’un auteur permet aussi ce type de remise en avant. "Un livre d’art représente un tel investissement que l’on ne peut estimer les ventes à moins de trois ans, explique Nathalie Beaux, au Seuil. C’est pourquoi cette politique d’auteur est si importante." Chaque nouvel opus d’un Michel Pastoureau, par exemple, permet une remise en avant des précédents et allonge la durée d’amortissement de l’investissement. D’ailleurs, à l’automne, Nathalie Beaux reprendra en version illustrée, dans la série "Expliqué en images", Le petit livre des couleurs de Michel Pastoureau et Dominique Simonnet paru chez Points.

Ajout de trésorerie non négligeable, les droits dérivés augmentent aussi sensiblement. "Nous avons fortement dynamisé la vente de droits étrangers", confirme Nicolas Roche, au Centre Pompidou, qui a cédé les droits de la monographie d’Henri Cartier-Bresson en 5 langues et des entretiens en 4 langues. Et l’inauguration du Centre Pompidou-Malaga le 28 mars, fruit de la politique d’Alain Seban avant son départ du Centre et son remplacement en avril par Serge Lavisgnes, offre de nouvelles possibilités. "Les centres Pompidou provisoires représentent un gros relais de croissance pour la direction des éditions avec quatre à cinq projets par an", note Nicolas Roche. Via ses productions jeunesse, Paris-Musées pénètre aussi le marché des droits et s’est doté d’un responsable free-lance, Christian Voges. Lors de la dernière foire professionnelle de Londres, les éditeurs français étaient particulièrement convoités. "Certes, la progression des ventes de droits récompense la force créatrice de notre maison, constate Matthieu de Waresquiel. Cependant, nous avons de plus en plus de mal à trouver des achats intéressants pour nos catalogues car il n’y a plus d’investissement en art des éditeurs étrangers." Or une maison a besoin de quelques achats pour compléter un programme annuel.

Certains s’en sortent en diversifiant les formats autour d’un même sujet. Le Centre Pompidou a lancé avec l’exposition Jeff Koons les portfolios, avec un prix intermédiaire entre l’album et le catalogue. "Notre offre étendue ne se cannibalise pas", constate Nicolas Roche, qui envisage pour la fin d’année d’explorer une nouvelle gamme de prix pour un public amateur de très belles éditions. A la RMN-GP, où il existe déjà ces trois gammes de prix, la collection des petits dictionnaires initiée avec l’exposition Chagall "a parfaitement trouvé sa place tant sur nos points de vente qu’en librairie générale", selon Marie-Dominique de-Teneuille. Le gros enjeu de Flammarion en 2015 réside aussi dans une diversification puisque la maison se met au jeu pour la jeunesse avec des jeux de memory et des sept familles. "Les gens du texte et ceux de l’image n’ont pas la même culture du livre, constate Sophie Laporte. Quand on fait des études d’histoire de l’art, qu’on lit "Tout l’œuvre peint", l’entrée dans la connaissance passe par une reconnaissance des images. Le memory est une initiation à ce regard." Chez Place des Victoires, qui a débuté les titres jeunesse l’an passé, "la diversification fonctionne", selon la directrice éditoriale Isabelle de Tinguy. L’éditeur lance en mai des coloriages pour enfants (Chevaliers, Princesses et Châteaux) à partir d’œuvres d’art pour "allier divertissement et pédagogie sur l’histoire de l’art". Toutes les institutions mais aussi de petites maisons spécialisées comme Palette… ou Dada l’ont bien compris : l’avenir réside dans le renouvellement du lectorat, par une sensibilisation dès le plus jeune âge.

Le livre d’art en chiffres

L’édition d’art mise sur le neuvième de ses arts

 

La bande dessinée s’intéresse de plus en plus à l’histoire de l’art et aux artistes classiques, attirant un nouveau public dans les librairies spécialisées.

 

"J’ai découvert les chasseurs de dédicaces. Cela change du public des historiens d’art et des conservateurs."Pierre Jaubert, librairie du musée du Louvre- Photo OLIVIER DION

Le jour où Pierre Jaubert, le responsable de la librairie du musée du Louvre, a vu arriver des clients avec leurs pliants et leurs gros sacs à dos, il a su qu’il avait basculé dans un autre monde. "Les auteurs de BD en signature attirent une foule qui ne va pas ensuite visiter le musée. J’ai découvert les chasseurs de dédicaces, et cela change du public des historiens d’art et des conservateurs", raconte Pierre Jaubert, qui a accueilli Enki Bilal, Sempé, Taniguchi et même Binet, le créateur des Bidochon. Car un vrai phénomène éditorial se profile avec les bandes dessinées traitant d’art, de ses mouvements ou des artistes. D’ailleurs dans la nouvelle librairie du Louvre réaménagée pendant les travaux du musée trône un panneau "BD". "C’est devenu un vrai rayon, avec une trentaine de titres, constate le libraire spécialisé. Il y a effectivement un créneau."

Si la bande dessinée tourne depuis longtemps autour de l’art, le vrai commencement de ce mouvement vient de la collection " Futuropolis/Musée du Louvre ", initiée en 2005, et qui compte aujourd’hui onze titres, dans chacun desquels un auteur reconnu de bande dessinée livre, à travers une approche originale, sa vision personnelle du grand musée parisien. "La collection a connu le succès dès le premier titre, se souvient Sébastien Gnaedig, directeur éditorial de la maison. Période glaciaire de Nicolas de Crécy, après un premier tirage à 19 000 exemplaires, en est à 54 000 ventes… C’est la meilleure vente de Nicolas de Crécy. Pour les autres titres, les ventes oscillent entre 5 000 et 8 500 exemplaires, la meilleure à ce jour étant Le chien qui louche d’Etienne Davodeau, qui dépasse les 55 000 ventes. " L’éditeur, qui annonce prochainement dans la collection un Joe Sacco, travaille aussi avec les musées d’Orsay (Moderne Olympia de Catherine Meurisse) et de Cluny.

Du manga, de l’humour et de l’histoire

Glénat, qui coédite depuis plusieurs années avec les Monuments nationaux, systématise les publications autour de l’art depuis l’inauguration le 4 mars de la collection "Les grands peintres" avec trois albums : Van Eyck, Goya et Toulouse-Lautrec. Trente biographies sont en préparation à raison de dix nouveautés par an, avec, dès juin, Bruegel et Georges de La Tour. Casterman publie aussi le 6 mai Rembrandt par Typex, sept ans après Rembrandt par Olivier et Denis Deprez. Car aujourd’hui il y en a pour tous les goûts : de l’humour avec Un jour au musée avec les Bidochon de Binet (Fluide glacial), du manga avec Les deux Van Gogh (Glénat), mais aussi des œuvres de création qui donnent à voir un moment de l’histoire de l’art comme Kiki de Montparnasse de Catel et José-Louis Bocquet (Casterman) sur l’égérie des Années folles, ou la série Pablo, de Clément Oubrerie et Julie Birmant, dont Dargaud a vendu 140 000 exemplaires des quatre tomes (50 000 sur le tome 1).

Ce phénomène n’est pas un simple effet de mode, mais s’explique aussi par l’évolution du regard sur la bande dessinée, qui porte de mieux en mieux son titre de 9e art. Enki Bilal sera le premier artiste issu du monde des bulles à exposer lors de la Biennale d’art contemporain de Venise, qui ouvre ce 8 mai, avec une installation baptisée "Inbox". Nombreux sont les auteurs qui baignent dans l’histoire de l’art, et il n’est pas étonnant que Baudouin se penche sur le travail de Dalí (Dalí par Baudouin, Dupuis/Centre Pompidou), que Milo Manara s’intéresse à l’œuvre du Caravage (Le Caravage, Glénat) ou que Joann Sfar plonge dans l’univers de Bonnard, actuellement exposé à Orsay. C’est d’ailleurs un éditeur d’art, Hazan, qui publie Je l’appelle monsieur Bonnard, une conversation imaginaire entre les fameux modèles féminins de Bonnard.

Le vent du Japon

Un livre sur cinq, dans le palmarès des 50 meilleures ventes du rayon art pour les douze derniers mois, est lié à l’exposition Hokusai, qui s’est tenue du 1er octobre au 18 janvier dernier au Grand Palais, à Paris. Cette rétrospective a attiré près de 360 000 visiteurs avec un temps de visite particulièrement long, de plus de deux heures en moyenne. Elle a suscité un regain d’intérêt non seulement pour le "Vieux Fou de dessin", mais aussi plus largement pour tout l’art japonais classique, notamment pour le mouvement de l’ukiyo-e à partir du XVIIe siècle. Le recueil d’estampes d’Hiroshige, chez Hazan, pointe ainsi en 34e position du classement.

Dans l’autre galerie du Grand Palais, l’autre exposition phare qui a, pendant la même période, fortement essaimé en librairie, avec six titres dans les meilleures ventes, est celle consacrée à Niki de Saint Phalle. Elle a accueilli un nombre record de visiteurs avec près de 590 000 entrées.

A côté de l’actualité muséale qui porte 37 des 50 titres les plus vendus du rayon sur les douze derniers mois, on note un intérêt toujours vif pour le street art et notamment pour l’une de ses figures de proue, Banksy (sa monographie chez Hugo Desinge est 20e) ou pour des titres présentant le mouvement comme Atlas du street art et du graffiti (Flammarion) ou Street art (Larousse), respectivement 42e et 43e.

La "photographe de rue" Vivian Maier s’invite aussi dans les meilleures ventes à la 45e place, avec une monographie de John Maloof en anglais. Morte à Chicago en 2009, dans l’anonymat complet, cette nounou qui prenait des photos de rue a été découverte par hasard par John Maloof, qui avait acquis un lot de négatifs lors d’une vente aux enchères. Il en a fait un livre et un documentaire, A la recherche de Vivian Maier, sorti en France sur les écrans en juillet 2014.


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