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Dossier Médecine : test réussi pour l’ECN

Matériel de médecine sur un mannequin. - Photo Olivier Dion

Dossier Médecine : test réussi pour l’ECN

Les éditeurs de livres médicaux tirent un bilan plutôt positif des premières épreuves sur tablette introduites par la réforme de l’Examen classant national (ECN). Sur le marché professionnel, moins dynamiques, les ventes se concentrent sur les valeurs sûres tandis que les formats hybrides continuent à se développer.

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Par Charles Knappek,
Créé le 16.06.2017 à 09h40

Le feuilleton de la réforme de l’Examen classant national (ECN), épreuve qui sanctionne la 6e année d’études de médecine et l’entrée en internat, touche à sa fin. Lancée en 2013, la réforme est entrée dans le concret en juin 2016 avec l’organisation des premières épreuves sur tablette, intégralement sous forme de QCM. Les éditeurs sont satisfaits à plus d’un titre. D’abord, l’épreuve s’est déroulée sans bug. Ensuite, elle les a plutôt confortés dans l’idée que les étudiants ont toujours besoin de livres pour se préparer. Signe qui ne trompe pas, les nombreux sites développés ces dernières années en vue de la réforme sous la houlette des éditeurs ont peiné à trouver leur public, en grande partie parce que la plateforme nationale Sides, gratuite, a capté l’essentiel de l’audience.

Chez Elsevier Masson, le site ExamPrep ECNi est ainsi "mis en stand-by" après une première année peu concluante, selon Manuela Boublil-Friedrich, directrice du pôle Livres-acquisition. Elle ne baisse pourtant pas les bras : "Nous réfléchissons à l’intégration d’une solution de révision-entraînement dans une offre plus large et plus complète avec le reste de notre fonds", confie l’éditrice. De la même manière, Easyecn.fr, plateforme associée à Ellipses, n’a pas connu le décollage espéré. "Le marché est en train de se structurer, juge Brieuc Bénézet, directeur général d’Ellipses. Le portail Sides a contrarié les acteurs privés, il était lacunaire, mais aujourd’hui il est complet et propose beaucoup de dossiers cliniques. Les étudiants se demandent s’il y a un intérêt à payer pour accéder à une autre plateforme."

 

Contexte favorable

"Les étudiants répondent toujours présents dès lors qu’il y a un enjeu, même s’il faut faire attention au prix." Fabienne Roulleaux, Lavoisier- Photo OLIVIER DION

Dans un marché de l’ECN où les deux tiers des ventes sont réalisées par Elsevier Masson et Vernazobres-Grego, tous les éditeurs confirment la bonne tenue du livre papier. "Je n’ai pas l’impression que les étudiants se soient déportés de manière totale sur les supports numériques, estime Brieuc Bénézet. Le livre conserve son intérêt pour le cours et même pour les dossiers cliniques. Pour l’instant on peut continuer à publier." "Les étudiants répondent toujours présent dès lors qu’il y a un enjeu, même s’il faut faire attention au prix", analyse pour sa part Fabienne Roulleaux, directrice éditoriale chez Lavoisier, dont les ventes d’"Atlas de poche" sont restées "dynamiques".

Chez Elsevier Masson, Manuela Boublil-Friedrich évoque même une rentrée 2016 "exceptionnelle" avec plusieurs titres atteignant les 8 000 exemplaires vendus. Le P-DG de Vernazobres-Grego, Patrick Bellaïche, se félicite des bons résultats de sa collection "KB", dont les titres ouvrent accès à une appli, tout en estimant que le marché aura besoin de plus de temps pour mesurer l’impact réel de la réforme. "Un an de recul, c’est un peu jeune", estime-t-il.

Dans ce contexte favorable, les éditeurs poursuivent le développement de leur offre. Elsevier Masson va publier plusieurs nouveautés dans les collections d’entraînement "Focus ECNi" et "ECN intensif". De nouvelles éditions seront aussi proposées pour six de ses "Référentiels des collèges" et l’éditeur annonce ECNi le tout-en-un, qui couvre les 362 items du programme. Ellipses a de son côté lancé en janvier dernier une nouvelle collection "ECN branché", qui présente le programme exclusivement sous forme d’arbres décisionnels et de schémas. "Le contenu est plus resserré que dans la collection "Tout l’ECN" qui propose des cours sous plusieurs formes", détaille Brieuc Bénézet. La collection comptera une dizaine de titres d’ici à 2018. Ellipses annonce également réfléchir à de nouveaux concepts éditoriaux centrés sur l’aide aux révisions, en particulier pour le dernier tour de révision avec des livres de cours et d’exercices.

De son côté, le challenger Vuibert espère faire bouger les lignes. François Cohen, son directeur, constate qu’il y a "beaucoup d’inertie" dans les choix des étudiants et développe une offre "là où il reste un peu d’espace". "Le marché est très tenu. Certains éditeurs ont l’avantage d’avoir un statut quasi institutionnel parce qu’ils publient les collèges." Pour le moment, Vuibert concentre ses efforts sur deux épreuves de l’ECN : d’une part, la lecture critique d’article, pour laquelle il dispose d’un "socle solide" avec trois titres ; d’autre part, les questions isolées qu’il couvre avec le tout-en-un Tous les items en questions isolées, ouvrage qui fera bientôt l’objet de développements par pôles avec quatre nouveaux titres.

L’anatomie en avant

L’activité est beaucoup plus calme sur le reste du marché étudiant. Les ventes de livres couvrant la Première année commune aux études de santé (Paces) ont encore accusé un recul de - 14 % en 2015-2016. Ellipses et EdiScience (une marque de Dunod) y sont de loin les éditeurs principaux, mais d’autres acteurs qui se sont désengagés du segment comme Elsevier Masson ou Lavoisier y conservent des positions notables grâce à quelques ouvrages de référence, des atlas d’anatomie en particulier. Lavoisier relance actuellement la série de livres d’anatomie du professeur Chevallier avec une refonte des dessins, une nouvelle maquette et une nouvelle couverture, dont une Anatomie générale destinée aux étudiants de Paces prévue pour octobre prochain.

Sur le segment de l’anatomie plus largement, Elsevier Masson annonce pour la rentrée le Gray’s Atlas d’anatomie humaine. "Nous avions déjà le manuel, mais pas l’atlas, explique Manuela Boublil-Friedrich. Cela va nous permettre de compléter notre offre sur un segment où nous sommes très bien implantés avec le Netter, surtout en Paces." Contrairement au Netter, le Gray’s proposera une banque d’images et un moteur de recherche réservés aux enseignants. Elsevier Masson propose en sus une Anatomie à colorier Netter qui va se confronter au leader historique du créneau, L’anatomie à colorier de Maloine.

Le Netter domine le marché de l’anatomie, mais les concurrents ne manquent pas, qui entendent lui contester son hégémonie. Si le Sobotta de Lavoisier date de 2015, l’éditeur prévoit de décliner son atlas en plusieurs volumes à petits prix pour la cible étudiante dès cet automne. De son côté, Maloine a publié fin mai la 3e édition d’Atlas d’anatomie tandis que De Boeck a achevé en janvier la publication en trois volumes de l’Atlas d’anatomie Prométhée, dont les deux premiers tomes étaient parus en 2016. "Avec le Prométhée, nous visons un public de spécialistes de l’anatomie comme les kinés ou les ostéopathes, confie Fabrice Chrétien, responsable éditorial chez De Boeck. Le marché de l’anatomie est segmenté, avec des livres différents pour les médecins, les Ifsi, les Staps… nous nous inscrivons dans cette logique de segmentation."

Sur le marché professionnel, les médecins ont tendance à bouder les librairies pour leur préférer les congrès (lire encadré p. 59). Les ventes sont surtout liées à la parution de titres connus et attendus. CDP éditions, marque d’Initiatives Santé spécialisée dans le dentaire, enregistre un "très bon démarrage" en 2017 grâce à la réédition de plusieurs poids lourds de son catalogue dans la collection "JPIO", Restaurations esthétiques en céramique collée et Prothèse fixée. De la même manière, chez John Libbey Eurotext (JLE), la nouvelle édition du Guide des protocoles MAPAR a très vite trouvé son public. Cette année, JLE compte notamment sur la "nouvelle édition très attendue" d’Embryologie médicale qui sera publiée en septembre sous la marque Pradel pour séduire les spécialistes, tandis qu’Elsevier-Masson aborde le second semestre avec pas moins de sept titres, nouveautés ou nouvelles éditions traitant de l’imagerie.

Formats hybrides

Les formats hybrides offrent un autre relais de croissance apprécié des éditeurs : l’an dernier, Elsevier Masson commercialisait par exemple pour la première fois son Guide de thérapeutique Perlemuter en couplage papier/numérique. Cette année, John Libbey Eurotext propose l’accès gratuit à l’appli qui accompagne l’édition 2017-2018 de Urg’ de garde (sous la marque Arnette). L’éditeur a profité de l’occasion pour moderniser la maquette de la collection "Urg’" dont les premiers titres remaniés sont parus au printemps. Pour JLE, les grands chantiers à venir seront largement numériques. "Nous allons publier d’autres titres sur le modèle de Urg’ de garde, explique Benjamin Cahn, nouveau directeur général de JLE. Ce sont des coûts importants de développement, mais nous avons besoin d’en passer par là pour répondre aux nouveaux modes de consommation des clients finaux."

"Nous ciblons les lieux d’apprentissage et d’exercice sous forme de bouquets ouvrant accès à une bibliothèque numérique." Emmanuelle Lionnet, Initiatives Santé- Photo OLIVIER DION

En parallèle, la vente de contenus numériques aux institutions constitue un débouché de plus en plus consistant pour les éditeurs : l’offre E-library d’Elsevier Masson, qui permet d’accéder aux livres au format ebook, a connu un important développement en 2016 : la moitié des universités en sont aujourd’hui équipées. De son côté, Initiatives Santé arrête la vente de ePub aux particuliers sur Google ou l’App Store pour se concentrer sur la vente institutionnelle via des partenariats avec les diffuseurs numériques Ebsco et Dawson. "Nous ciblons les lieux d’apprentissage et d’exercice sous forme de bouquets ouvrant accès à une bibliothèque numérique, détaille Emmanuelle Lionnet, directrice éditoriale. Si les étudiants achètent peu sur Google ou Apple, ils se connectent beaucoup sur les portails de leurs institutions. Nous avons décidé d’être pragmatiques, de ne pas faire du numérique à tout prix et d’optimiser les vecteurs de diffusion."

La médecine en chiffres

La concurrence se durcit sur le marché infirmier

 

En recul, le marché infirmier est le théâtre d’une lutte acharnée entre les éditeurs sur le terrain du para-universitaire et des formats courts.

 

"La tendance est globalement à la baisse, mais on peut toujours proposer des concepts adaptés aux attentes des étudiants si on ne perd pas de vue qu’ils ont accès gratuitement aux cours en ligne et qu’ils achètent très peu de manuels." Manuela Boubli- Photo OLIVIER DION

Dans un marché infirmier toujours aussi concurrentiel, en particulier sur le segment étudiant, les éditeurs rivalisent d’imagination pour maintenir leurs positions. "La tendance est globalement à la baisse, mais on peut toujours proposer des concepts adaptés aux attentes des étudiants si on ne perd pas de vue qu’ils ont accès gratuitement aux cours en ligne et qu’ils achètent très peu de manuels", rappelle Manuela Boublil-Friedrich, directrice du pôle livres-acquisition chez Elsevier Masson. Si les ventes de manuels se sont effondrées depuis la réforme du DEI en 2009, les éditeurs se sont adaptés en développant des formats para-universitaires qui ont séduit un large public.

"La maxi compil est le seul ouvrage des trois années d’études qui contient pour chaque semestre l’intégralité du cours et les entraînements." François Cohen, Vuibert- Photo OLIVIER DION

Depuis la rentrée 2016, Vuibert s’est invité sur le marché avec la collection "Réussir tout le semestre" dont les résultats après une année d’exploitation s’avèrent "très positifs", selon le directeur, François Cohen. Avec cette offre qui sera renforcée de nouveaux titres à la rentrée, l’éditeur se positionne sur le créneau des livres de révision et d’entraînement articulés par semestres, qui fait les beaux jours de Foucher depuis 2012 avec sa série à succès Tout le semestre.

Pour répondre à cette concurrence nouvelle, Foucher publie de nouvelles éditions de ses titres en mettant l’accent sur l’enrichissement de ses contenus. Pour la nouvelle mouture de Tout le semestre 1 en fiches mémos, l’éditeur augmente fortement la pagination pour inclure les UE de sciences et techniques infirmières. "Nous n’avons pas augmenté le prix, c’est important", précise Marilyse Vérité, responsable enseignement supérieur et développement numérique chez Foucher.

Les formats courts et "pratiquo-pratiques" concentrent l’essentiel des innovations éditoriales. Elsevier Masson poursuit sur la lancée du Cahier de l’étudiant infirmier : toute l’année 1 du DEI, un consommable polyvalent paru à la rentrée 2016 et qui a "bien démarré" avec la parution cet été d’un ouvrage dédié à l’année 2. De son côté, Foucher enrichit de trois titres de la série Cahier de TD étudiant infirmier inaugurée l’an dernier avec notamment un cahier permettant aux étudiants d’assimiler les prérequis pendant les vacances.

Lamarre, outre ses best-sellers récurrents comme la 12e édition du Guide pharmaco, va quant à lui déployer une nouvelle collection intitulée "Testez-vous" après le succès de Testez-vous en pharmacologie. Un deuxième opus consacré à la traumatologie est prévu pour la rentrée. "L’étudiant est dans l’immédiateté, il veut vérifier très vite qu’il a bien intégré le cours, explique Emmanuelle Lionnet, directrice éditoriale d’Initiatives Santé, qui possède Lamarre. On est dans une logique très pratique." Un troisième titre traitant d’anatomie devrait paraître en 2018.

Préparer les stages

L’anatomie en particulier donne lieu à une abondante production. En anatomie physiologie, Elsevier Masson a publié en janvier un titre spiralé de fiches offrant un accès à de l’entraînement interactif en ligne. Lamarre annonce une nouvelle édition de 1 600 questions en anatomie et physiologie qui change d’intitulé pour devenir Abrégé d’auto-apprentissage en anatomie et physiologie. L’ouvrage, qui a été complètement modernisé et repensé, intègre désormais des parties de cours. Le segment est aussi porteur pour les ouvrages de référence : De Boeck s’attend à de très bonnes ventes pour la nouvelle édition de son Manuel d’anatomie et de physiologie humaines (le Tortora), paru en février, tandis que Lamarre continue de s’appuyer sur son best-seller Précis d’anatomie et physiologie humaines (le Lacombe), dont la 31e édition est parue l’an dernier dans un coffret associant un atlas d’anatomie et un manuel.

Toujours dans la perspective d’accompagner les étudiants dans leur parcours, Elsevier Masson publie deux nouveautés au sein de la nouvelle série Stage infirmier en… : Stage infirmier en soins de courte durée et Stage infirmier en soin mental et en psychiatrie. Vuibert aborde lui aussi le marché des stages infirmiers, mais en misant sur un format tout-en-un avec Réussir tous ses stages en IFSI. Fort de ses succès en 2016, Vuibert entend renforcer ses positions et annonce pour le mois d’août La maxi compil du diplôme infirmier, somme de 1 416 pages dont le but avoué est de concurrencer le Méga mémo IFSI d’Elsevier Masson et Tout le DEI de Foucher. "La maxi compil est le seul ouvrage des trois années d’études qui contient pour chaque semestre l’intégralité du cours et les entraînements", affirme François Cohen.

La concurrence accrue incite les éditeurs à chercher des relais de croissance dans les niches. Foucher publie cet été des titres hors collection destinés aux infirmiers anesthésistes ou aux ostéopathes. "Nous y allons parce qu’il y a encore assez peu d’acteurs présents sur ces marchés et parce que nous sommes devenus légitimes pour le faire, confie Marilyse Vérité. Ce n’était pas le cas il y a cinq ans." Chez Lamarre, l’activité a connu une légère inflexion en début d’année en raison d’un ralentissement du nombre de parutions. L’éditeur s’est en effet concentré sur la collection "Fonction cadre de santé", dont la cible est plus restreinte. "Nous avons pris le parti de regrouper nos parutions pour faciliter la communication sur l’ensemble de nos titres, explique Emmanuelle Lionnet. Au second semestre, nous aurons un rythme plus dynamique grâce à nos titres étudiants."

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