Roman policier

Dossier Policier : plus poche tu meurs

Photo réalisée sur le stand J Editions, lors du Salon du livre 2013. - Photo Olivier Dion

Dossier Policier : plus poche tu meurs

La part du poche dans les ventes de romans policiers n’a jamais été aussi importante, mais elle permet au secteur de bien résister à la crise. Les éditeurs s’appuient sur leurs vedettes et misent sur les libraires, auxquels ils envoient souvent des épreuves, pour faire connaître leurs livres et leurs auteurs. Toujours à l’affût des Scandinaves, ils s’intéressent au renouveau allemand sans délaisser la création française.

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Par Claude Combet,
Créé le 17.10.2013 à 19h18 ,
Mis à jour le 11.04.2014 à 12h09

C’est un record : l’an dernier, 77 % des ventes de romans policiers, soit près de quatre sur cinq, ont été réalisées au format poche, contre 74 % en 2011, d’après Ipsos (voir graphiques ci-contre). Dans un contexte économiquement difficile, alors que le numérique n’a pas encore conquis le marché français, le poche reste un livre abordable, et il offre aux amateurs de polars un large choix. Le Livre de poche, Points, Folio Policier, J’ai lu ou encore Babel résistent ainsi vaillamment à la crise. Responsable chez Actes Sud de « Babel Noir », Marie Desmeures augmente même sa production, qui passe à 25 titres en 2013 au lieu de 20 en 2012. « Le polar est le deuxième marché du poche après la littérature générale, mais c’est un marché plus structuré et plus concentré », rappelle Cécile Boyer-Runge, la directrice générale du Livre de poche. Pour Caroline Lamoulie, responsable éditoriale de J’ai lu « Policier », qui annonce 4 titres cette année et entre 6 et 8 en 2014, « on se rapproche de plus en plus des marchés anglais et allemand, où les ventes du polar se font en poche. J’en veux pour preuve que les éditeurs de poche publient de plus en plus d’inédits, ce que les agents ont l’air de trouver normal quand on prospecte », précise-t-elle.

Pour séduire le lectorat, il faut proposer un large éventail de genres. « Nous avons du roman noir avec Marin Ledun, de l’historique avec Jean d’Aillon, du thriller avec Anthony E. Zuicker, de l’espionnage avec Henry Porter, mais les lecteurs viennent avant tout chercher un auteur », ajoute Caroline Lamoulie. « Rester ouvert à tous les genres et aux nouveaux auteurs » est aussi le mot d’ordre de Julie Maillard, responsable de Folio Policier, qui a acheté un roman sur les débuts du rock dans les années 1960.

Les éditeurs ont aussi besoin de « locomotives », et chaque collection a ses vedettes. « Ce qui marche, ce sont les titres d’auteurs connus. Nos meilleures ventes sont le premier Fred Vargas, Chambres froides de Philip Kerr, et le premier roman de Barbara Abel ; mais nous nous sommes donné du temps pour installer la collection », souligne Alice Monéger, qui a relancé Le Masque « Poche » à l’automne dernier. Elle envisage d’alimenter la collection au rythme de 3 titres par mois, et de l’ouvrir à des livres venant d’autres maisons. « Ce qui augmente, c’est notre capacité à vendre des best-sellers comme Henning Mankell ou Arnaldur Indridason qui se placent désormais derrière Harlan Coben » se réjouit Marie Leroy, directrice ajointe de Points. « Notre chiffre d’affaires s’est maintenu en 2012 grâce au Léopard de Jo Nesbo, et à tous ses livres. Mais nous avons eu de bonnes surprises avec Requins d’eau douce, vendu à 25 000 exemplaires, les anthologies des villes noires, reprises d’Asphalte ou Quai des enfers d’Ingrid Astier », nuance Julie Maillard chez Folio. Au Livre de poche aussi, « nous avons la chance d’avoir des auteurs stars comme James Patterson, Patricia Cornwell, Mary Higgins Clark, Lisa Gardner, Karin Slaughter, au lectorat très fidèle, mais nous essayons aussi de lancer des écrivains plus confidentiels qu’on achète aux éditeurs indépendants. Il faut trouver un équilibre entre les auteurs commerciaux et ceux plus littéraires », précise Tiffany Gassouk, responsable du secteur.

 

Créer un univers

 

Le marketing du poche est particulièrement sophistiqué, et le policier n’échappe pas à la règle. Pour mettre en valeur les auteurs, les éditeurs renouvellent les couvertures afin de créer « un univers », une ligne particulière pour les grands noms comme Patricia Cornwell, Michael Connelly ou Maurice Leblanc au Livre de poche. Chez 10/18, « Grands détectives », qui fête ses 30 ans cette année, a aussi créé de nouvelles couvertures pour Jean-François Parot, qui a été adapté à la télévision. Cela a eu « un effet immédiat sur les ventes de la nouveauté, L’enquête russe », selon l’éditrice Carine Fannius. De son côté, J’ai lu propose en avril les 11 livres de Fred Vargas avec de nouvelles couvertures afin de préparer la sortie du grand format en juin chez Viviane Hamy, et rafraîchira toutes celles de la série « Carol Jordan et Tony Hill » de Val McDermid. Pocket redessine celles de Maxime Chattam, Harlan Coben, Nicci French, Peter James, Robert Ludlum et Kathy Reich. « Nous essayons de créer un événement autour d’un auteur, indique aussi Julie Maillard. Pour la sortie de Fantôme de Jo Nesbo,en "Série noire", nous avons prévu une jaquette pour deux de ses livres en Folio Policier, Le léopard et Le bonhomme de neige, le second étant en cours d’adaptation par Martin Scorscese. »

Pour leur part, les trois marques d’Univers Poche, Pocket, 10/18 et Fleuve noir, ont même concocté une opération « transmarque » pour le roman policier avec du matériel pour les libraires et un Guide de lecture commun. Le Livre de poche associe le policier à la célébration de ses 60 ans : le polar a son kakémono, il figure en bonne place dans le catalogue des 60 livres préférés des libraires, et il aura son « Carnet d’idées mortelles » offert pour l’achat de deux livres. « Les lecteurs de polars connaissent les codes du genre et notre campagne de juin leur propose de jouer avec. Une sélection de titre portera un bandeau "ce polar n’est pas suédois" même si Mankell et Indridason restent nos best-sellers » raconte Marie Leroy.

Depuis de nombreuses années, le poche joue la synergie avec le grand format. Les sorties sont concomitantes, y compris entre deux maisons n’appartenant pas au même groupe, et chaque format renvoie à l’autre, parfois même avec PLV ou campagne d’affichage communes. C’est le cas pour Harlan Coben chez Belfond et Pocket, Val McDermid chez Flammarion et J’ai lu, Linwood Barclay chez Belfond et J’ai lu, Preston & Child à L’Archipel et chez J’ai lu, Louise Penny et Camilla Läckberg en « Actes noirs » et « Babel noir », Donna Leon chez Calmann-Lévy et Points, Donato Carrisi et Michael Connelly chez Calmann-Lévy et au Livre de poche, Patricia Cornwell aux Deux Terres et au Livre de poche, Jussi Adler-Olsen chez Albin Michel et au Livre de poche, Joe R. Lansdale chez Denoël et Folio… «Il y a une vraie dynamique d’addiction du lecteur de polars, il faut l’alimenter », précise Cécile Boyer-Runge. Fondateur de Sonatine, François Verdoux indique : « Seul le silence d’Ellory, que nous avons vendu au Livre de poche au début de la maison, est devenu un livre culte et atteint 400 000 ventes. Par un matin d’automne de Robert Goddard s’est vendu à 10 000 exemplaires en grand format et à 80 000 en poche… Le poche sert à faire connaître des auteurs. » Marie Desmeures confirme : « L’île des chasseurs d’oiseaux de Peter May s’était vendu à 4 000 exemplaires en "Rouergue noir" et a dépassé les 30 000 en "Babel noir", ce qui a permis à la suite, L’homme de Lewis, de se vendre à 12 000 en grand format. »

 

Concurrence impitoyable

 

Les problématiques du grand format sont les mêmes, quoique exacerbées. Si Albin Michel, Actes Sud et Fleuve noir composent le trio de tête en termes de parts de marché, les bons résultats cachent de nombreux livres aux scores très modestes. « Tout le monde s’est mis au policier parce qu’il résiste mieux à la crise, les tables des libraires sont des océans de romans policiers et de thrillers, mais il faut faire avec », commente Robert Pépin, directeur de collection chez Calmann-Lévy. « Le marché est plus difficile. On ne peut pas avoir chaque année un best-seller à 150 000 ou 100 000 ventes comme Les visages, Avant d’aller dormir ou Les apparences », dit aussi François Verdoux. « La concurrence est impitoyable dans le polar. C’est un marché surexploité qui accueille sans cesse de nouveaux acteurs, et nous avons eu plus de mal à nous imposer qu’en littérature », constate Véronique Cardi, qui a lancé « Les Escales noires » en 2012. « C’est plus facile pour des auteurs reconnus, comme James Lee Burke, James Ellroy ou Dennis Lehane, d’avoir des articles dans la presse et d’être visibles en librairie ; et extrêmement difficile d’imposer de nouveaux auteurs », confirme François Guérif, directeur de « Rivages/Noir », qui s’inquiète pour la librairie mais se veut optimiste : « Le lecteur a tendance à aller vers ce qu’il connaît, mais le travail finit par payer sur le long terme. James Lee Burke a franchi un cap, on le vend mieux grâce au film de Bertrand Tavernier, qui a contribué à le faire découvrir », précise-t-il.

« Nous avons des best-sellers avec P. D. James, qui est invitée à Quais du Polar, à Lyon, et le prix du Quai-des-Orfèvres qui atteint les 150 000 exemplaires, observe Lilas Seewald (« Fayard noir »). A côté de ça, il est beaucoup plus difficile d’imposer des auteurs inconnus. Il faut du temps pour travailler les textes, rencontrer les libraires, leur expliquer ce qu’on veut faire, leur envoyer les livres. « Fayard noir » a gagné en visibilité dans la presse, et nos mises en place sont meilleures, mais les résultats sont encore en deçàde nos espérances », déplore-t-elle tout en comptant sur Thierry Crouzet, Karen Campbell et Laëtitia Milot. « Nous choisissons trois ou quatre titres dans l’année pour faire de gros lancements, nous imprimons les épreuves à 500 exemplaires et nous rencontrons les libraires », confirme Anne-Gaëlle Fontaine, attachée de presse et chargée des relations libraires de la « Série noire ».

Dans cette avalanche de nouveautés, le polar historique se porte bien, et les éditeurs comptent sur le prochain Dan Brown, à paraître en mai chez Lattès, pour relancer le segment. Steve Berry et Glenn Cooper au Cherche Midi, Eric Giacometti et Jacques Ravenne au Fleuve noir, où ils dépassent la barre des 100 000, Jean-François Parot chez Lattès, se vendent bien. « Le polar historique a un lectorat fidèle », note l’éditeur Arnaud Hofmarcher, qui a aussi enregistré un beau succès avec Dans le jardin de la bête d’Erik Larson. « On y apprend quelque chose et ce n’est pas une histoire de tueur en série », se félicite Julie Maillard, qui reprend par ailleurs en Folio Policier la série d’enquêtes de Thierry Boursi, dont le héros appartient aux brigades du Tigre, et en 2014 la série de l’historienne Claude d’Abzac sur un camp de prisonniers dans le Limousin pendant la Seconde Guerre mondiale, toutes deux parues au Nouveau Monde. « Grands détectives » annonce pour sa part une série victorienne d’Ann Patricia Granger, située à Londres en 1860 et destinée à prendre la relève d’Anne Perry ; et un grand format de Jean Zimmerman mettant en scène des disparitions d’enfants dans l’Amérique du XVIIe siècle. « On a même une explosion des romans situés sous les Tudor comme Sacrilège de S. J. Parris, alors qu’on pensait que la période n’intéressait pas le lecteur français », souligne Carine Fannius. Pour sa part, Valérie Miguel-Kraak, directrice éditoriale de Pocket, reprend les titres de José Rodrigues dos Santos publiés par Hervé Chopin.

Pour Robert Pépin, la veine anglo-saxonne n’est pas prête de se tarir et on pourra retrouver Michael Connelly, avec la crise des subprimes (avril), C. J. Box sur les libéraux américains, P. J. Parrish, George Pelecanos avec une nouvelle série, Russell avec Glasgow dans les années 1950. Pour « Rivages/Noir », ce sont James Lee Burke et Dennis Lehane. « Notre boulot, c’est de découvrir de jeunes auteurs », rappelle Robert Pépin, qui annonce le 3e livre de Roger Smith, montrant un visage de l’Afrique du Sud qu’on ne connaît pas, et Miles Corwin, qui peint un Los Angeles différent de celui de Connelly. « La tendance aux Etats-Unis est au suspense psychologique pour un lectorat plutôt féminin. Il y a eu cette semaine des enchères pour trois titres dans cette veine », raconte Tiffany Gassouk au Livre de poche. Au Masque, cependant, Alice Monéger n’a « pas envie de faire du roman psychologique féminin dont les héroïnes ont des problèmes parce qu’elles ont été séquestrées à l’âge de 5 ans et que ce traumatisme d’enfance les aide à enquêter sur un tueur en série ». « Il faut trouver de nouvelles voix plus modernes, mais les moins formatées ont du mal à se faire entendre, renchérit Anne Michel, éditrice de littérature étrangère chez Albin Michel. Les éditeurs ont tendance à se réfugier dans les valeurs sûres, par peur du risque, ou se tournent vers les premiers romans, où il y a moins d’enjeu. Mais quand un auteur sort du lot, tout le monde s’emballe et les prix s’envolent. »

 

De la Scandinavie à l’Allemagne

 

Contre toute attente, la vague scandinave perdure. « Nous avons été les premiers à défendre les auteurs nordiques, et l’avalanche de nouveautés écrase nos auteurs, comme Staalasen, Davidson ou Erikson, qui auraient pu faire des best-sellers. C’est plus facile pour un nouvel éditeur qui arrive avec un nouvel auteur que pour nous, qui sommes là depuis longtemps », constate Susanne Juul, directrice de Gaïa. « La tendance scandinave continue », confirme Anne Michel, qui annonce « des auteures plus jeunes et plus modernes » en « Spécial Suspense » comme la Suédoise Viveka Stern.

« Quand on publie des grands auteurs américains ou des grosses pointures anglaises, on a du mal à trouver des choses originales », raconte Alice Monéger, responsable du Masque étranger et du Masque Poche, qui insiste sur le renouveau du polar allemand : « Il y a un intérêt qui n’existait pas auparavant. Deux dans Berlin de Richard Birkefeld et Göran Hachmeister a reçu un excellent accueil et nous publions le second en avril. En juin, nous aurons Bernhard Jaumann, avec un polar engagé sur fond d’indépendance de la Namibie, et j’ai acheté un roman d’une Hollandaise, ex-vendeuse d’armes. » En « Actes noirs », Nele Neuhaus se vend bien (le titre même du livre, Blanche-Neige doit mourir y est pour quelque chose), et les polars de Jan Costin Wagner et Alex Berg, publiés par Jacqueline Chambon, sont bien accueillis. Le Fleuve noir, avec un titre sur la séparation des deux Allemagne, en 2014, et Le Livre de poche annoncent aussi des auteurs germanophones.

Après le raz-de-marée suédois et le renouveau allemand, la vague hispanique ? Tiffany Gassouk, qui publiera l’Espagnole Clara Sánchez, prix Nadal, juge le roman hispanophone « assez dur et cru, flirtant avec le roman noir, avec une dimension sociale assez singulière. Asphalte a déniché de vraies perles noires en Espagne et en Amérique latine ». « Je viens de leur acheter un titre survolté, Soudain trop tard, de Carlos Zanón, sélection pour le prixVioleta Negra », indique-t-elle. Julie Maillard voit une relève parmi les auteurs argentins, mexicains, brésiliens. « L’Amérique du Sud est peu présente dans le polar alors qu’elle a une histoire chargée et un certain exotisme », remarque-t-elle, annonçant qu’elle va aussi publier en 2014 un polar de Raphaël Confiant, qui se passe à Fort- de-France : « On n’a pas l’impression de l’avoir lu cent fois, et qu’il y a des personnages et une langue extraordinaires. »

Manuel Tricoteau, responsable d’« Actes noirs » explique : « Il ne faut pas faire trop d’Anglo-Saxons car c’est un domaine très exploré. J’essaie de ménager la même variété qu’Actes Sud en littérature, avec du polar japonais avec Keigo Higashino, allemand, espagnol, et j’ai un très bon roman bulgare pour 2014. » Il publie par ailleurs le prochain Camilla Läckberg en juin, et à l’automne une nouvelle trilogie, avec une héroïne schizophrène, de deux auteurs suédois qui signent Erik Axl Sund. Au Fleuve noir, Deborah Druba annonce pour mai un Italien, Maurizio de Giovanni, et Carine Fannius prospecte le polar japonais et israélien pour 10/18. Véronique Cardi, elle, publiera à la rentrée un polar israélien, Tel-Aviv suspects.

 

Tradition française

 

Les lecteurs seraient las des enquêtes policières classiques, où les gentils affrontent les méchants, et se tourneraient vers le polar français, moins calibré. « Il existe une production française de qualité, mais elle est mésestimée, et un vivier d’auteurs d’une quarantaine d’années -Antoine Chainas, Caryl Férey, Joseph Incardona, Marin Ledun, Manouk, Antonin Varenne- intéressants, qui abordent des thèmes variés », se réjouit Stéphanie Delestré, éditrice chez Albin Michel, tout en annonçant le retour en octobre de Maxime Chattam avec un thriller à l’américaine. « Il y a une génération d’auteurs qui renoue avec la tradition française du polar, entre l’énigme et le roman psychologique, tout en intégrant ce que nous a appris le thriller », souligne Denis Bourgeois chez Belfond, qui publie le Bruxellois Dulle Griet, Michel Bussi, Odile Bouhier, Béatrice Egémar, Pierre d’Ovidio. « Il y a vraiment une relève française avec Franck Thilliez, Eric Giacometti et Jacques Ravenne, Karine Giebel et Barbara Abel, qui racontent de vraies histoires », confirme Deborah Druba au Fleuve noir. Chez 10/18, Valentin Baillehache cite l’école française de « Grands détectives » avec Claude Izner, Jean-François Parot, Odile Bouhier, et Jérémy Guèze (en 2014).

Tiffany Gassouk, au Livre de poche, se réjouit de publier Des nœuds d’acier de Sandrine Collette, « du Stephen King dans un monde rural », qui a relancé « Sueurs froides » chez Denoël. De son côté, Aurélien Masson à la « Série noire » a programmé chaque mois un auteur français : Ingrid Astier, Elsa Marpeau, Frédéric Jaccaud, Dominique Manotti, Guy-Philippe Goldstein, Antoine Chainas, Jérôme Leroy se succèdent ainsi de janvier à octobre. Sonatine a développé ce secteur, notamment avec Jacques Expert et Fabrice Colin. Véronique Cardi a ouvert « Les Escales noires » aux auteurs français Yves Hughes et David Messager, juge d’instruction chargé de l’antiterrorisme (juin), qu’elle estime plus disponibles pour la presse ou les signatures en librairie. Pascal Dessaint et Tobie Nathan, qui n’avaient rien écrit depuis vingt ans, seront présents chez Rivages. Denis Bouchain, chez Plon, se concentre sur deux auteures, « assez gore », Ingrid Desjours et Sonia Delzongle. Et Marie-Caroline Aubert, au Seuil, a des projets avec Romain Slocombe (un roman d’espionnage qui traite des débuts de Mussolini à la conférence de Gênes en 1921) et Joseph Incardona.

« Les frontières entre les genres tombent. Un polar, c’est avant tout un auteur, un style, une personnalité, une écriture… plus qu’un roman noir, un thriller ou un roman policier. Ken Follett se retrouve à la fois en thriller et en littérature, Ellory est lu par des gens qui sont davantage attachés à l’écriture et à la force de la narration qu’à la résolution d’une intrigue. Les lecteurs de Goddard ont apprécié le suspense de Heather Mallender a disparu, qui est paru en littérature, alors que son précédent livre était une intrigue historique. Il est de plus en plus difficile d’opérer des classifications », observe encore Cécile Boyer-Runge. « On a multiplié les catégories - exotique, procédural, scandinave - par genres et par lieux géographiques, mais elles ont volé en éclats. Les polars ont été publiés en littérature, et les références - bandeau, 4e de couverture - se font par rapport à l’univers d’autres auteurs sur le modèle "Un polar à la manière de". Ce sont les mêmes critères qu’Amazon ou la Fnac : "Vous avez aimé X, vous aimerez Y" », renchérit Stéphanie Delestré. « Le petit roman policier avec une enquête ne se vend plus : cela oblige les auteurs à une autre créativité, et les choses originales se trouvent dans les coins », explique aussi Marie-Caroline Aubert. « Des auteurs comme Michel Bussi ou Tom Rob Smith ont leur place en littérature générale tandis que The city & the city de China Miéville est un thriller futuriste », assure Valérie Miguel-Kraak. « F.R. Tallis commence un nouveau cycle, sans héros récurrent, mais dans une thématique fantastique au sein d’un univers médical et psychiatrique », dit encore Valentin Baillehache. De la même façon, La dernière pluie, du Finlandais Antti Tuomainen, au Fleuve noir, est un thriller postapocalyptique. Bref, le polar joue au caméléon. <

Le polar en chiffres

Quand François Guérif se livre

 

Le directeur de « Rivages/Noir » retrace son parcours dans Du polar, un livre d’entretiens avec le journaliste Philippe Blanchet, à paraître chez Payot.

 

François Guérif.- Photo OLIVIER DION

«... Au fil des articles, tu découvrais que Le grand sommeil était tiré d’un roman de Raymond Chandler, et que Quand la ville dort était au départ un polar de William Riley Burnett. Après avoir vu le film, j’achetais le livre et je le lisais. Et comme j’ai toujours eu un côté curieux et collectionneur, je découvrais vite que l’auteur de Quand la ville dort était le type qui avait écrit Le petit César, qui était aussi un film. Et je me mettais à la recherche de tous les bouquins de Burnett. De Chandler. De Hammett», raconte François Guérif. Le fondateur et directeur de « Rivages/Noir » se livre dans Du polar, un recueil d’entretiens avec le journaliste Philippe Blanchet à paraître le 3 avril chez Payot. Lui qui fut aussi libraire d’occasion (Au Troisième Œil, à Paris) montre que son initiation au polar lui est venue de son goût pour le cinéma - il a écrit nombre de biographies d’acteurs, d’entretiens (Conversations avec Claude Chabrol) et d’essais (Le film noir américain). Son évocation des maisons auxquelles il a collaboré et des collections qu’il a créées comme « Red Label » chez Pac, la revue Polar, les polars étrangers de « Fayard noir », « Engrenage international » au Fleuve noir, jusqu’à la rencontre en 1973 avec Edouard de Andréis, le fondateur de Rivages, constitue, sur quarante ans, une histoire du genre dont il ne cache pas les problèmes, comme ceux de la traduction. Il a construit un catalogue prestigieux, et celui-ci repose avant tout sur des histoires d’amitiés : pour Léo Malet (auquel il a présenté Jim Jarmusch), Jean-Patrick Manchette, Pierre Siniac, Michel Lebrun, Tony Hillerman, Donald Westlake, Edward Bunker, Robin Cook, James Lee Burke, Paco Ignacio Taibo II, David Peace, Dennis Lehane… et bien sûr pour le très fidèle James Ellroy. <

Les 50 meilleures ventes de romans policiers en 2012 : Harlan Coben, number one

Avec 38 poches parmi les 50 meilleures ventes, notre palmarès Ipsos/Livres Hebdo des romans policiers 2012 confirme la suprématie du poche dans ce secteur. Pocket est leader avec 10 titres, suivi du Livre de poche avec 9. Viennent ensuite Gérard de Villiers et Points (5 titres chacun), Babel (4 titres). J’ai lu place 2 titres, et Fayard (le prix du Quai-des-Orfèvres) et Folio 1 chacun.

Harlan Coben reste la vedette numéro un du secteur avec cette année encore cinq titres placés à lui tout seul : la série sur Myron Bolitar en grand format au Fleuve noir (A découvert, 17e), les « one shot » chez Belfond (Sous haute tension, 31e) et les poches chez Pocket, dont Faute de preuves, 1er du palmarès, et Remède mortel, 4e. Gérard de Villiers réalise le même score avec cinq titres sous son nom, respectivement 37e, 42e, 44e, 46e et 49e.

Le long-seller Millénium de Stieg Larsson est encore présent avec ses deux premiers tomes en « Babel » aux 15e et 7e rangs, et le dernier, La reine dans le palais des courants d’air, en grand format, en 50e position. La Suédoise Camilla Läckberg et le Français Franck Thilliez inscrivent chacun 3 titres. Michael Connelly, Patricia Cornwell, Caryl Férey et Arnaldur Indridason, chacun 2.

En grand format, outre les titres de Camilla Läckerg (La sirène, 5e) et de Michael Connelly (Volte-face, 27e), on retrouve sur la liste Jean-Christophe Grangé (10e), Mary Higgins Clark (13e), P. D. James (16e), Eric Giacometti et Jacques Ravenne (33e), Caryl Férey (35e), Jean-François Parot (38e), Elizabeth George (48e) et, chez Sonatine, Gillian Flynn avec Les apparences (30e). <


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