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Dossier Rentrée universitaire : les fondamentaux d’abord

Devant la Sorbonne (Paris 5e) le jour de la rentrée universitaire, le 18 septembre 2017. - Photo Olivier Dion

Dossier Rentrée universitaire : les fondamentaux d’abord

Hormis le segment médecine, en net recul, le marché de l’édition universitaire reste stable. Les éditeurs cherchent à le redynamiser en lançant plusieurs collections d’entrée de gamme pour aider les futurs étudiants à assimiler des prérequis qui leur font trop souvent défaut au moment de franchir le seuil de l’université.

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Par Charles Knappek,
Créé le 29.09.2017 à 18h05

La rentrée universitaire qui s’ouvre sera-t-elle celle des prérequis ? Alors qu’Emmanuel Macron semble vouloir faire de leur acquisition un préalable à l’entrée dans l’enseignement supérieur, avec à la clé la mise en place d’une sélection des étudiants (lire encadré ci-contre), les éditeurs s’efforcent de leur côté de proposer des titres à même de combler les lacunes des bacheliers qui effectuent leurs premiers pas en faculté. Certes, leur volontarisme n’est pas nouveau : depuis longtemps déjà fleurissent des ouvrages d’entrée de gamme, allégés, à petits prix et reprenant les codes de l’édition scolaire pour ne pas dérouter leurs lecteurs tout juste sortis du lycée. On l’a encore vu à la rentrée 2016 avec des collections comme "Portail" (Armand Colin) ou "Les essentiels du sup’" (Vuibert) qui ont chacune été alimentées par une série de nouveautés à la fin de l’été.

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En cette rentrée 2017, le phénomène s’amplifie. Plusieurs éditeurs continuent d’inaugurer de nouvelles collections qui se proposent de prendre l’étudiant de première année par la main. Ainsi, après "Portail" sous sa marque Armand Colin pour les sciences humaines et sociales, Dunod poursuit la même démarche avec "Fluoresciences", dont les premiers titres sont parus au printemps. Comme son nom l’indique, la collection est destinée à un public scientifique et arbore une charte graphique résolument fluo. A l’instar de "Portail", "Fluoresciences" introduit la démarche et la rigueur exigées à l’université tout en s’appuyant sur les bases acquises au lycée. "Il y a un décalage très grand entre les souhaits des étudiants, leur niveau, et les pratiques enseignantes, résume Florence Martin, directrice du marketing et de la communication chez Dunod. Les étudiants n’ont pas toujours les prérequis qu’on attend d’eux à la sortie du bac. Il faut qu’ils arrivent à devenir grands."

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Le constat est partagé par nombre d’éditeurs et il trouve sa traduction dans leur production. Un exemple parmi d’autres : Foucher enrichit sa série de cahiers d’activité et de TD infirmiers par une nouveauté intitulée Les outils de l’étudiant, destinée aux "étudiants sans formation scientifique qui veulent maîtriser les prérequis de leur future formation". La filiale d’Hachette, spécialiste des petits formats d’entraînement et de révision, est en terrain connu. Quant à Dalloz, moins coutumier du fait, il se positionne sur le segment des ouvrages d’entrée de gamme avec la collection "Séquences", censée répondre aux attentes de "certains étudiants de première et deuxième années" désireux de contenus "plus rapides et moins volumineux". Les titres de l’éditeur juridique sont conçus pour s’adapter au renouvellement de l’enseignement avec une approche plus parcellaire des grands thèmes et des grandes notions. Pour la directrice éditoriale universitaire de Dalloz, Hélène Hoch, il s’agit de s’appuyer sur la pédagogie inversée : "Avec cette collection, nous proposons de partir de l’exemple pour remonter au concept plutôt que l’inverse", précise-t-elle.

Dans une démarche plus classique de petits livres d’entrée de gamme, De Boeck, de son côté, a achevé la maturation de la collection "Sup en poche", déjà évoquée l’an dernier et dont les premiers titres ont vu le jour en août. Si les couvertures sont dominées par un sobre blanc, les pages intérieures, en quadrichromie, se distinguent par une explosion de couleurs : rubriques, titres, encadrés, mots-clés ont chacun leur coloris attitré. Le public visé est indiqué sur les couvertures : L1-L2. Mais au moins un des ouvrages se distingue par sa vocation de passerelle entre le lycée et l’université : Toutes les maths pour bien commencer sa licence. "Avec cette collection, nous sommes presque dans le para-universitaire. Nous avons bénéficié du savoir-faire de Magnard-Vuibert en la matière, résume Frédéric Jongen, directeur éditorial chez De Boeck. Selon lui, le marché demande "des produits passerelles". "C’est pour cette raison que nous arrivons avec de la couleur et des produits plus chartés. Nous prenons l’étudiant par la main."

 

Le visuel avant tout

Colorés ou "chartés", les livres de la rentrée doivent donc être visuels. Dunod a d’ailleurs choisi le surtitre "Les manuels visuels" pour les livres de sa collection "Fluoresciences." De son côté, Vuibert profite du lancement de sa collection "DSCG", deuxième volet de son implantation sur le marché de l’expertise-comptable après le DCG à la rentrée 2016, pour proposer une approche "très visuelle" du cours, selon François Cohen, directeur de Vuibert. Les titres proposent notamment des schémas de synthèse à la fin de chaque chapitre, sorte de "carte mentale" pour aider à la mémorisation du cours.

Il y a pourtant des exceptions : Studyrama avait prévu de "mettre un peu de couleur" dans la collection "100 fiches", publiée sous la marque Bréal, mais l’éditeur a fini par y renoncer. "Nous avons travaillé avec les étudiants d’une école de commerce qui nous ont expliqué qu’ils n’avaient pas besoin de couleur, s’étonne Frédéric Vignaux, directeur de Studyrama. Nous avons donc amélioré la visibilité intérieure tout en restant en noir et blanc. La dizaine de titres refondus que nous avons publiés marchent bien."

Sur ce terrain en particulier, Ellipses a, de longue date, développé un grand nombre de collections, dont la dernière au début de l’année "L’ECN branché", qui propose le cours pour l’internat de médecine sous forme d’arbres décisionnels. Pour la rentrée, l’éditeur renforce son offre dans un tout autre univers avec le hors-série La philosophie en schémas et alimente ses collections "Aimer les philosophes" et "Connaître en citations" de plusieurs nouveautés. "Nous sommes présents sur tous les marchés, rappelle Manon Savoye, directrice éditoriale chez Ellipses. Nous n’avons pas peur d’aller sur les niches. Même si les ventes sont modestes, elles s’inscrivent dans la durée."

Les collections traditionnelles de manuels, si elles conservent une place primordiale dans les catalogues des éditeurs, souffrent d’une érosion régulière de leurs ventes. Chez Studyrama, les titres de "Grand amphi", sous la marque Bréal, "survivent", selon Frédéric Vignaux, qui précise n’avoir "pas prévu de la refondre à moyen terme, c’est seulement en sciences que l’on peut continuer à proposer des ouvrages chers". Pour y remédier, ces collections "patrimoniales" peuvent être flanquées d’une collection moins relevée - ainsi chez Dunod, Florence Martin dépeint "Fluoresciences" comme "la petite marche" permettant d’accéder à la grande collection de manuels "Sciences sup" -, ou plus simplement remises au goût du jour pour toucher un public moins exigeant. Toujours chez Dunod, la collection historique "Psycho sup" fait ainsi l’objet d’une segmentation. L’éditeur vient d’y créer une sous-série intitulée "Grandes notions", davantage destinée aux néo-étudiants. Cette sous-série propose un découpage en 30 ou 35 notions fondamentales qui sont abordées les unes après les autres.



Tous les manuels ne sont cependant pas soumis à la même enseigne. Nombre d’ouvrages de référence continuent de faire les beaux jours des éditeurs, tant grâce à la renommée de leurs auteurs qu’en raison d’une prescription qui reste significative : Ressources humaines, le "Peretti" (Vuibert), le Mercator (Dunod) ou encore Marketing management, le "Kotler" (Pearson). La prescription reste particulièrement élevée sur le marché de l’expertise-comptable : "Le DCG [diplôme de comptabilité et de gestion, NDLR] est une épreuve difficile qui demande énormément de travail et où le taux de réussite est faible, rappelle Sylvie Ogée, directrice éditoriale du secteur tertiaire de Nathan. La conséquence en est qu’on ne peut pas transiger sur le contenu des manuels et proposer des ouvrages trop légers." A l’origine de cette particularité, les programmes de l’expertise-comptable sont contrôlés par la profession, et non par le ministère de l’Education nationale comme c’est le plus souvent la règle. Or, "les professionnels sont très exigeants sur le niveau des épreuves", ajoute Sylvie Ogée. Cela n’empêche pas Nathan, dans le cadre de la refonte de sa collection "Manuel & applications", de procéder à quelques ajustements de forme. "La maquette a été revue et nous avons réécrit, pas pour simplifier mais pour permettre une entrée plus facile à l’étudiant", insiste Sylvie Ogée. De la même manière, Foucher a procédé au printemps à la refonte intégrale de sa collection "Tout le DSCG", anciennement intitulée "Le meilleur du", et en a profité pour publier deux nouveaux titres de cas pratiques corrigés. De son côté, le dernier entrant du marché, Vuibert, poursuit son implantation avec la publication de ses premiers titres en DSCG.

L’appui du numérique

Face à la variété des usages, il peut être utile d’ajuster la mire en fonction du public visé, en particulier quand la prescription fait défaut. Pearson, par exemple, s’appuie depuis plusieurs années sur les services numériques de son offre MyLab pour séduire les étudiants. Le succès n’étant pas toujours au rendez-vous, l’éditeur a décidé de multiplier les formules : au MyLab "premium", qui présente tout son intérêt quand il est prescrit et utilisé comme outil pédagogique par l’enseignant, est donc venue s’ajouter une version incluant le livre broché et de simples séries de QCM. "Nous avons une dizaine de titres concernés par cette distinction, précise Florence Young, directrice marketing chez Pearson. Le "Kotler QCM" a été le premier concerné par cette évolution, il est sorti en avril."

Enfin, sur le marché des poches, il faut signaler quelques nouvelles collections : Nouveau Monde a lancé en début d’année "Chronos", centrée sur l’histoire ; de son côté, La Documentation française inaugure "Point Cnil", en partenariat avec l’institution éponyme. "La préoccupation de la Cnil est de proposer un état des lieux sur les sujets relatifs aux données personnelles. Comme leur site Internet ne suffit pas, la collection a un rôle à jouer", estime Anne-Brigitte Masson, responsable de département de l’édition et du débat public à La Documentation française. Le premier titre, Les données génétiques, paraît pour cette rentrée et s’adresse à un public d’étudiants aussi bien en droit qu’en médecine. Dans une veine voisine des "Doc’en poche" de La Documentation française, Armand Colin poursuit quant à lui le développement de la collection "Idées claires", dont les premiers titres étaient parus à la rentrée 2016.

Le livre universitaire en chiffres

Le marché des tests d’anglais en ébullition

 

En devenant éditeur officiel du Toeic, Hachette Supérieur réalise une percée sur le marché des tests d’anglais. Nathan et Ellipses font chacun appel à une plateforme d’e-learning pour enrichir leurs ouvrages papier.

 

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Toeic, Toefl, Bulats, Ielts… le marché des tests de langue, pour l’anglais, est porteur. Il concerne pour une large part un public d’étudiants et se caractérise par le très grand nombre d’acteurs présents - rien que pour le Toeic, il existe une quarantaine d’ouvrages - et par sa dépendance aux recommandations des organismes émetteurs. Sur un segment des tests d’anglais historiquement dominé par Nathan, Hachette Supérieur a vécu une "excellente année 2017" grâce à son nouveau statut d’éditeur officiel du Toeic, obtenu auprès d’ETS, l’organisation à but non lucratif américaine qui a créé le test en 1979. Hachette Supérieur a en effet publié en janvier Le guide officiel du test Toeic, qui lui a permis de s’emparer de la 2e place du marché, au coude-à-coude avec Nathan et son titre phare, Toeic : la méthode réussite, 100 000 exemplaires vendus depuis le début des années 2000. "Le partenariat avec ETS a constitué une opportunité formidable pour nous, se réjouit Cécile Labro, directrice des départements parascolaire, enseignement supérieur et pédagogie chez Hachette Supérieur. Jusqu’alors, nous avions un seul titre dédié au Toeic, mais qui n’était pas très bien implanté." Parmi les fonctionnalités proposées figure un accès gratuit d’une semaine au programme de préparation en ligne du Toeic. A charge pour l’utilisateur convaincu de souscrire ensuite un abonnement payant sur le site d’ETS. Fort de son nouveau statut, l’éditeur annonce déjà une nouveauté pour janvier 2018, La bible officielle du Toeic. D’autres titres sont prévus dans les mois qui viennent.

Compléments en ligne

De son côté, le leader Nathan a réagi en publiant en juin Nouveau Toeic : le pack réussite qui, outre les classiques livre papier et CD audio, s’appuie désormais sur la plateforme d’e-learning Polylearn. Le recours à des compléments en ligne est une première pour Nathan, mais il est dans l’air du temps : "Le Toeic n’est pas encore organisé de manière numérique, mais nous avons bien conscience que cela finira par arriver, explique Christine Asin, directrice éditoriale du secteur langues-formation chez Nathan. Il est donc important de proposer une solution d’adaptive learning sur laquelle les étudiants peuvent évaluer leur progression."

D’autres acteurs nourrissent de fortes ambitions sur ce marché très concurrentiel, comme Ellipses qui publie depuis 2014 200 % Toeic et 200 % Toefl, en association avec la plateforme d’e-learning PrepMyFuture. Le site PrepMyFuture se lance d’ailleurs en octobre dans la publication, sous sa propre marque, de coffrets permettant de préparer, entre autres, des tests de langue (lire par ailleurs p. 11). Quant à Pearson, autre poids lourd du secteur, il couvre le Toeic et le Toefl à travers sa plateforme de préparation personnalisée en ligne MyEnglishLab.

Sur le marché du Toefl, moins important que celui du Toeic, l’éditeur officiel Eyrolles a vendu 10 000 exemplaires de son titre phare Le guide officiel du test Toefl, paru en 2013. Eyrolles, prévoit une nouvelle édition du titre, au plus tôt pour le premier trimestre 2018. Rares sont les éditeurs qui couvrent les tests plus confidentiels comme le Bulats (Nathan, Studyrama…) ou le Ielts (Ellipses, Pearson, Studyrama…). Ellipses publie justement 200 % Bulats en octobre, toujours en partenariat avec PrepMyFuture. De son côté, Eyrolles annonce "pour bientôt" des titres dédiés au Bulats et au Ielts, selon sa directrice éditoriale, Claudine Dartyge. C’est presque fait pour Nathan dont le titre consacré au Ielts est également annoncé pour ce mois d’octobre.

Quel modèle pour les ventes d’ouvrages aux BU ?

 

La vente d’ouvrages numériques aux institutions constitue un complément de revenus apprécié des éditeurs. Mais les modalités de constitution de l’offre, en bouquet ou à l’unité, ou de consultation des titres varient d’un acteur à l’autre.

 

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Sauf quand la prescription les y contraint, les étudiants se laissent encore peu séduire par les compléments numériques que leur proposent à plus ou moins haute dose les éditeurs. Il en va de même pour les manuels vendus au format ebook, très largement boudés. En revanche, le développement des usages numériques au sein des institutions, dans les bibliothèques universitaires en particulier, offre de nouveaux débouchés aux éditeurs. Initiatives Santé, par exemple, a purement et simplement abandonné la vente d’ePubs aux particuliers pour se concentrer sur la vente aux institutions. "Nous ciblons les lieux d’apprentissage et d’exercice sous forme de bouquets ouvrant accès à une bibliothèque numérique, explique Emmanuelle Lionnet, directrice éditoriale d’Initiatives Santé. Si les étudiants achètent peu sur Google ou Apple, ils se connectent beaucoup sur les portails de leurs institutions" Chez Elsevier Masson, plus de la moitié des universités françaises de médecine sont clientes de l’offre eLibrary, laquelle a connu un important développement depuis 2016.

Monétisation des services

La difficulté pour les éditeurs repose surtout sur la monétisation de ces services aux institutions. Car les ventes numériques finissent parfois par constituer la seule relation commerciale entre un éditeur et une institution. "Il y a des écoles qui n’achètent plus de livres papier", souligne Florence Young, directrice marketing chez Pearson. Pour préserver son activité, l’éditeur choisit de vendre un nombre d’accès limité aux versions numériques de ses manuels. Il ne peut pas y avoir une infinité de connexions simultanées sur un même ouvrage. "Nous fonctionnons de cette manière depuis deux ans", ajoute Florence Young. Chez De Boeck, l’offre Noto Bib envisage toutes les formules et adapte ses tarifs en conséquence. Pour l’éditeur, la surprise vient surtout des usages observés : "Nous pensions que les BU nous commanderaient surtout des bouquets de livres numériques. En pratique, elles établissent des sélections particulières de titres", observe Frédéric Jongen, directeur éditorial chez De Boeck.

De la même manière chez Numérique Premium, spécialisé dans la diffusion numérique d’ouvrages de SHS, les BU s’abonnent à des bouquets mais peuvent aussi élaborer leur propre sélection. Quant à la consultation, le principe est l’accès illimité aux contenus. "La particularité de ce marché est que les ouvrages de SHS sont arrivés dans les BU numériques avec dix ans de retard sur les ouvrages de sciences dures, décrypte Yannick Dehée, P-DG de Numérique Premium. Les usages se sont installés sur la base des pratiques de l’édition scientifique dans laquelle un ouvrage de recherche est très pertinent pendant six mois, un peu moins pendant deux ou trois ans, et ne présente plus ensuite qu’un intérêt historique. Il faut donc avoir accès rapidement à ces contenus qui se périment très vite. En SHS, la maturation d’un livre est beaucoup plus lente mais les diffuseurs numériques comme nous sont arrivés dans un écosystème déjà constitué. Nous ne pouvons pas imposer aux BU de changer leur mode de fonctionnement."

 

Au prorata du taux de consultation

Côté rémunération, cela se traduit par le paiement d’une somme fixe par la BU abonnée. Chaque éditeur se rémunère au prorata du taux de consultation de ses ouvrages. Parfois, Numérique Premium est capable de signaler des activités de lecture particulièrement élevées sur un ouvrage épuisé dans sa version papier. "J’ai fait remonter l’information à l’éditeur concerné, se souvient Yannick Dehée. Il a publié une nouvelle édition de son titre qui s’est très bien vendu." Preuve que, parfois, le numérique aide à la vente du papier.

En librairie, "le marché universitaire est difficile"

 

Pour Lilya Aït Menguellet, la responsable de la librairie Meura, à Lille, la rentrée universitaire se caractérise par la frilosité des étudiants qui achètent moins et pour moins cher.

 

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Lilya Aït Menguellet - Le marché universitaire au sens strict est difficile. J’ai repris la librairie il y a huit ans et j’observe d’importantes différences dans les comportements d’achats par rapport à mes débuts. Avant, les étudiants avaient tendance à acheter tous leurs livres dès le mois d’octobre. Aujourd’hui, c’est plus espacé dans le temps, et le panier moyen a tendance à se réduire, même si c’est très variable d’une filière à l’autre. En médecine surtout, et pour certains titres en droit comme les codes ou les gros manuels, ils continuent d’acheter les yeux fermés. En sciences humaines et sociales, en revanche, les étudiants y réfléchissent à deux fois avant d’acheter un manuel. Il est rare qu’ils en prennent un pour chacune de leurs matières principales. Pour ce genre d’ouvrages, le critère du prix est déterminant. En revanche, c’est beaucoup moins vrai pour les titres de révision et d’entraînement à moins de 20 euros.

Ce n’est pas seulement une question de manque de moyens car les étudiants ont toujours été désargentés. C’est sans doute en partie lié à la semestrialisation de l’année. Les gros manuels se vendent moins parce que les étudiants privilégient les petits ouvrages qui abordent le programme par semestres dans des formats allégés dont on aurait considéré il y a encore quelques années qu’ils sont adaptés pour préparer un oral, mais pas une épreuve écrite. En conséquence, les éditeurs sont de plus en plus nombreux à développer des titres qui vont dans ce sens, mais je n’observe pas pour autant de frénésie d’achat.

Pour eux, la maquette des livres est très importante. Un ouvrage en noir et blanc avec du texte au kilomètre, ce n’est clairement plus possible, en particulier en licence. On observe déjà depuis quelques années une tendance à la simplification des contenus. Mais ce n’est pas tout ; l’étudiant veut aussi de la couleur, une mise en page aérée et lisible. Les éditeurs qui ont compris cela parviennent encore à tirer leur épingle du jeu.

Il y a des enseignants qui continuent d’imposer des lectures en fac, mais cela ne signifie pas que tous les étudiants achètent le livre. Je vois régulièrement des étudiants qui mutualisent leurs achats en prenant un livre pour quatre, par exemple la bande dessinée Les mauvaises gens (Delcourt) dans le cadre d’un cursus de géographie. L’an dernier, Atlas des forêts dans le monde chez Autrement était obligatoire pour une promo de 150 étudiants. La professeure qui l’avait prescrit et avec qui j’ai échangé m’a expliqué qu’à peine une petite moitié des élèves avaient effectivement acheté le livre. En revanche, et c’est rassurant, certains gros manuels se vendent presque tout seuls sur la force de leur renommée. On le voit beaucoup en droit, mais aussi en histoire ou en économie.

L’activité ne serait pas pérenne si elle reposait exclusivement sur l’universitaire. C’est la raison pour laquelle la librairie a engagé une réorientation en direction des essais en sciences humaines. Nous sommes positionnés comme une librairie savante destinée à un public de curieux. Le marché universitaire ne représente plus que 15 % de notre activité.

L’érudition cherche son équilibre entre papier et numérique

 

Multipliant les initiatives numériques, puisque le dématérialisé atteint jusqu’à 10 % des ventes, les éditeurs d’érudition ne quittent pas pour autant le marché du papier et soignent leur politique de diversification.

 

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Sur le front du numérique, les éditeurs d’érudition travaillent plusieurs pistes pour développer leur production et diffusion, sans toujours trouver de relais de croissance significatifs. "Après quelques expériences, nous observons que ce marché au niveau de l’érudition française reste faible, bien que les universitaires aiment travailler avec des PDF. Néanmoins, le livre papier continue à représenter l’essentiel de nos ventes", confie Luc Englander, directeur commercial chez Honoré Champion. Aux éditions De Boccard, en revanche, la récente signature d’un contrat avec Cairn pour la diffusion de revues devrait permettre d’augmenter les revenus issus du numérique. La maison spécialisée en archéologie, histoire et littérature travaille déjà beaucoup avec Persée, le portail du ministère de l’Education nationale. Chez CNRS éditions, la numérisation du fonds se poursuit à raison d’une centaine de titres par an sur OpenEdition, et l’éditeur est en train d’intégrer Istex, dispositif des licences nationales dont bénéficient les bibliothèques universitaires et municipales. Au global, le numérique pèse environ 10 % de l’activité. Ce chiffre grimpe à 12 % pour les éditions Rue d’Ulm, selon leur directrice, Lucie Marignac, qui déplore au passage les effets de l’OpenAccess : "Je pense que ça freine les ventes papier et que ça dissuade les libraires de travailler les titres concernés." Lucie Marignac cite en exemple la collection "Cepremap", consacrée aux questions de politique économique dont les ouvrages sont disponibles en version PDF dès publication sur le site du centre de recherche. "La logique de l’éditeur n’est pas la même que celle du centre de recherche qui veut que les travaux de ses chercheurs soient accessibles."

 

Diversification et ouverture

Il n’est pas question pour autant de négliger la production de livres brochés. Rue d’Ulm publie plusieurs traductions parmi lesquelles Utopie et tyrannie qui propose de repenser l’histoire du socialisme européen en se plongeant dans les archives du philosophe Elie Halévy. Chez CNRS éditions, la politique de diversification et d’ouverture au grand public est poursuivie par la directrice générale, Blandine Genthon, en particulier en direction de la vulgarisation scientifique. La publication du mook Carnets de sciences a, de ce point de vue, été un "succès". Surtout, CNRS éditions poursuit une ambitieuse politique éditoriale sur le front des SHS avec quelques titres importants pour la rentrée, comme Dictionnaire critique de mythologie, pavé de 1 400 pages. "C’est une forme d’érudition qui continue de trouver son public, assure Blandine Genthon. On peut lire de manière non linéaire et cela plaît beaucoup." Dans le même temps, l’éditeur achève un projet entamé dans les années 1980 en faisant paraître le tome 7 du Dictionnaire des philosophes antiques.

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