En librairie, "le marché universitaire est difficile"

En librairie, "le marché universitaire est difficile"

Pour Lilya Aït Menguellet, la responsable de la librairie Meura, à Lille, la rentrée universitaire se caractérise par la frilosité des étudiants qui achètent moins et pour moins cher.

J’achète l’article 1.5 €

Par Charles Knappek,
avec Créé le 29.09.2017 à 17h12

"Le panier moyen a tendance à se réduire, même si c’est très variable d’une filière à l’autre."Lilya Aït Menguellet, librairie Meura- Photo OLIVIER DION

Lilya Aït Menguellet - Le marché universitaire au sens strict est difficile. J’ai repris la librairie il y a huit ans et j’observe d’importantes différences dans les comportements d’achats par rapport à mes débuts. Avant, les étudiants avaient tendance à acheter tous leurs livres dès le mois d’octobre. Aujourd’hui, c’est plus espacé dans le temps, et le panier moyen a tendance à se réduire, même si c’est très variable d’une filière à l’autre. En médecine surtout, et pour certains titres en droit comme les codes ou les gros manuels, ils continuent d’acheter les yeux fermés. En sciences humaines et sociales, en revanche, les étudiants y réfléchissent à deux fois avant d’acheter un manuel. Il est rare qu’ils en prennent un pour chacune de leurs matières principales. Pour ce genre d’ouvrages, le critère du prix est déterminant. En revanche, c’est beaucoup moins vrai pour les titres de révision et d’entraînement à moins de 20 euros.

Ce n’est pas seulement une question de manque de moyens car les étudiants ont toujours été désargentés. C’est sans doute en partie lié à la semestrialisation de l’année. Les gros manuels se vendent moins parce que les étudiants privilégient les petits ouvrages qui abordent le programme par semestres dans des formats allégés dont on aurait considéré il y a encore quelques années qu’ils sont adaptés pour préparer un oral, mais pas une épreuve écrite. En conséquence, les éditeurs sont de plus en plus nombreux à développer des titres qui vont dans ce sens, mais je n’observe pas pour autant de frénésie d’achat.

Pour eux, la maquette des livres est très importante. Un ouvrage en noir et blanc avec du texte au kilomètre, ce n’est clairement plus possible, en particulier en licence. On observe déjà depuis quelques années une tendance à la simplification des contenus. Mais ce n’est pas tout ; l’étudiant veut aussi de la couleur, une mise en page aérée et lisible. Les éditeurs qui ont compris cela parviennent encore à tirer leur épingle du jeu.

Il y a des enseignants qui continuent d’imposer des lectures en fac, mais cela ne signifie pas que tous les étudiants achètent le livre. Je vois régulièrement des étudiants qui mutualisent leurs achats en prenant un livre pour quatre, par exemple la bande dessinée Les mauvaises gens (Delcourt) dans le cadre d’un cursus de géographie. L’an dernier, Atlas des forêts dans le monde chez Autrement était obligatoire pour une promo de 150 étudiants. La professeure qui l’avait prescrit et avec qui j’ai échangé m’a expliqué qu’à peine une petite moitié des élèves avaient effectivement acheté le livre. En revanche, et c’est rassurant, certains gros manuels se vendent presque tout seuls sur la force de leur renommée. On le voit beaucoup en droit, mais aussi en histoire ou en économie.

L’activité ne serait pas pérenne si elle reposait exclusivement sur l’universitaire. C’est la raison pour laquelle la librairie a engagé une réorientation en direction des essais en sciences humaines. Nous sommes positionnés comme une librairie savante destinée à un public de curieux. Le marché universitaire ne représente plus que 15 % de notre activité.d

29.09 2017

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