18 octobre > Nouvelles Etats-Unis > Susan Sontag

Alors qu’une imposante biographie de Susan Sontag (1933-2004), la première en français, écrite par Béatrice Mousli vient de paraître chez Flammarion, Christian Bourgois, son éditeur de toujours, qui a entrepris la publication de ses œuvres complètes, réédite, augmenté de deux textes inédits, Moi, etcetera, paru en 1983 au Seuil, le premier recueil de nouvelles de l’intellectuelle américaine. Neuf histoires écrites sur plus de dix ans, à partir de la fin des années 1970 dans des revues comme The New Yorker, Harper’s Bazaar, American Review, Playboy…, des fictions pour penser, pour comprendre. "Ne pas s’affoler. "La confession n’est rien. La connaissance est tout." C’est une citation, mais je ne saurais dire de qui", observe-t-elle dans "Projet d’un voyage en Chine" qui ouvre le recueil et où elle évoque, à sa manière, très elliptique, son père mort en Chine quand elle avait 6 ans. Style télégraphique, narration faite de notes, de listes, de bribes et d’énumérations, de collages, de lettres dans "Scène épistolaire" ou de dialogues dans "Visite non guidée" qui tisse ensemble avec causticité les clichés interchangeables du tourisme culturel en couple et en Europe. Mais aussi fable, comme dans "Le mannequin" où un homme se fait remplacer par un robot clone qui vit sa vie à sa place - "De nous deux, le mannequin sera aussi le mari de ma femme" - jusqu’à ce que celui-ci tombe amoureux de sa secrétaire et veuille à son tour changer de vie, contraignant l’original qui n’a aucune envie de réintégrer son quotidien à inventer une troisième copie…

Ce qui retient l’attention dans cette forme fictionnelle éloignée des essais théoriques, c’est le goût de Susan Sontag pour la suspension. Tout ce que ces nouvelles plastiques, pleines de perplexité et d’incertitude, révèlent du processus de connaissance qui se déploie chez cette écrivaine qui s’est fermement prononcée "Contre l’interprétation" (L’œuvre parle, Christian Bourgois éditeur, 2010). Dans sa courte préface, l’éditeur Benjamin Taylor relève : "Les nouvelles sont les textes qu’il faut fréquenter pour appréhender Sontag au plus intime."V. R.

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