Avant-critique Histoire

Giusto Traina, "La guerre mondiale des Romains. De la mort de César à la mort d'Antoine et Cléopâtre (44-30 av. J.-C.)" (Fayard)

Giusto Traina - Photo © DR/Fayard

Giusto Traina, "La guerre mondiale des Romains. De la mort de César à la mort d'Antoine et Cléopâtre (44-30 av. J.-C.)" (Fayard)

L'historien Giusto Traina se penche sur les guerres civiles du Ier siècle avant notre ère et les raconte comme un péplum.

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Par Laurent Lemire,
Créé le 29.01.2023 à 11h00

Marius contre Sylla, César contre Pompée, Octavien contre Antoine, Rome se déchire. Après la fin de la République, le long épisode des guerres civiles au premier siècle avant notre ère ne s'interrompt que pour laisser place au combat contre les barbares. C'est souvent ainsi que l'on présente ces luttes intestines au sein de l'imperium romanum. La réalité est, comme toujours, plus alambiquée. Giusto Traina a pour projet de retracer comment les Romains et les autres peuples ont vécu ces affrontements. Ce professeur d'histoire romaine à Sorbonne Université, auteur d'une Histoire incorrecte de Rome (Belles Lettres, 2021, Perrin Tempus, 2023) revisite l'Antiquité à sa façon, en prenant soin de bien baliser un récit qui nous paraît inévitablement lointain.

De l'assassinat de César en 44 av. J.-C. à la victoire d'Octavien contre Antoine et Cléopâtre en 30 av. J.-C., il déroule les quatorze années de ces luttes armées qui s'internationalisent après la fin de la République. On ne parle pas alors de « guerres mondiales », le terme n'apparaît qu'au XIXe siècle, mais les Romains ont bien conscience que ces combats fratricides dépassent de loin les limites de l'imperium romanum.

Les Grecs, les Thraces, les Parthes, les Berbères, les Hispaniques et les Gaulois ont assisté et pris part à ces conflits tragiques. L'Arménien Artawazd, le Cilicien Tarcondimotus ou le Maure Bugud en furent des acteurs. Depuis les accords de Brindes, en 40 av. J.-C., l'Occident revient à Octavien, l'Orient à Antoine et l'Afrique à Lépide. Cette répartition n'évite bien évidemment pas les soifs de conquête des uns et des autres, appuyés par quelques monarques qui veulent profiter de l'instabilité de Rome et de ses triumvirs, notamment dans les Balkans, jusqu'au choc naval au large d'Actium, en 31 av. J.-C. où Agrippa, le principal lieutenant d'Octavien, défait la flotte d'Antoine et Cléopâtre.

On voit dans cette Guerre mondiale des Romains ce qu'est un bon professeur: quelqu'un qui sait et qui fait voir. Et nous voyons avec lui cette Antiquité fascinante et inquiétante où l'on coupe les têtes et les mains des orateurs comme Cicéron, où l'on s'empoisonne comme on se dit bonjour, où l'on sort la dague comme la poignée de main. Dans ce livre, Giusto Traina raconte Rome comme Giesbert raconte la VRépublique. Sauf qu'évidemment, on connaît moins les protagonistes comme Cornificius, Laelius Balbus, Æmilius Paullus, Valerius Messalla Corvinus, Calpurnius Bibulus, Munatius Plancus, même si on a été très attentif en classe. Mais qu'importe. Le ton est là. On suit les assassinats, les coups bas et on se dit que la politique ce n'était pas mieux avant. Mais tout de même, ces Romains, quel roman ! À tel point qu'après la fin de partie pour Antoine contre Octavien, dans les rues de Rome les gosses continuent de s'affronter en prenant parti pour l'un ou pour l'autre. Giusto Traina pense même que l'un d'eux a dû prononcer cette maxime dans un latin approximatif, si novero non venero, que l'on peut traduire par « si j'aurais su, j'aurais pas venu »...

Giusto Traina
La guerre mondiale des Romains. De la mort de César à la mort d'Antoine et Cléopâtre (44-30 av. J.-C.)
Fayard
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 22 € ; 320 p.
ISBN: 9782213661391

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