Avant-portrait

Petite, Helen Oyeyemi refusait d’apprendre à lire et à écrire. Un scandale pour son père professeur de sociologie qui ne pouvait souffrir une telle attitude sous son toit. La petite rebelle, "entêtée comme [s]on père", céda enfin sur le conseil de Chimmy qui lui avait dit que "la lecture c’est vraiment chouette". "Chimmy était l’ami imaginaire, explique l’élégante Anglaise d’origine nigériane aux airs de fille sage, que je m’étais inventé lorsque ma sœur était encore trop petite pour que je puisse jouer sérieusement avec elle." Ainsi, l’ex-cancre s’était-elle rangée. Non seulement elle connaîtrait son alphabet à 5 ans, mais elle allait devenir une wonder girl des lettres anglaises : l’année où elle entre à l’université de Cambridge pour un cursus en sciences sociales et politiques ("étudier la littérature, c’est déprimant, toutes ces analyses de texte qui vident de sève les mots"), son premier livre, The Icarus girl, est publié par Bloomsbury puis traduit chez Plon (La petite Icare).

Avait-elle eu un contact dans le milieu éditorial ? "Non, je suis allée à la bibliothèque, et j’ai trouvé dans un annuaire des agents littéraires l’un des rares qui acceptaient l’envoi de manuscrits par Internet, j’ai fait parvenir un début d’histoire, vingt pages, en disant que j’en avais encore quatre-vingts." Helen Oyeyemi reçoit une réponse positive de l’agent qui lui avoue "être tombé de sa chaise". Joie et panique : il lui fallait compléter son récit, car elle n’avait pas encore écrit la fin. La suite est un conte de fée d’écrivain.

Cosmopolite

A à peine plus de 30 ans, Oyeyemi est déjà l’auteure de cinq romans, dont le tout dernier, Boy, Snow, Bird, un Blanche-Neige situé dans la classe moyenne afro-américaine des années 1950, paraît en début d’année chez Galaade. En 2009, Le blanc va aux sorcières (Galaade), une histoire d’épouvante sur fond de question raciale, avait obtenu le prix Somerset-Maugham. En 2012, grâce à Mister Fox (chez le même éditeur français), elle est lauréate du Hurston/Wright Legacy Award, prix américain décerné aux meilleurs auteurs noirs. En 2013, elle figure parmi les Best Young British Novelists de la prestigieuse revue Granta

De fait, Helen Oyeyemi est l’une des voix les plus prometteuses et emblématiques de la littérature britannique contemporaine : anglaise, noire, cosmopolite - elle est installée à Prague après un détour à Berlin et à Budapest -, héritière de Virginia Woolf et d’Edgar Poe, elle revisite à la fois l’univers du conte gothique et la question féminine, avec un singulier sens de la magie des mots. Sean J. Rose

 

Helen Oyeyemi, Boy, Snow, Bird, Galaade, traduit de l’anglais par Guillaume Villeneuve, Prix : 23 €, 320 p., Sortie le 7 janvier, ISBN : 978-2-35176-384-1

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