4 juin > Roman Inde

Giripul, modeste village indien de l’Himalaya, ne peut pas ne pas rappeler Malgudi, le village mythique dont le grand Narayan a fait la matrice principale de ses romans, pleins de gens simples. A Giripul vit Janak, le héros, tailleur de vêtements féminins, avec sa femme, Rama, dont il est amoureux fou, il ne le lui dit pas - ça ne se fait pas. Mais la belle le sait bien et en joue. Elle se montre capricieuse, revêche et jalouse, entièrement sous la coupe de sa mère, une "vieille sorcière" affublée d’un perroquet, laquelle déteste son gendre. D’ailleurs, Bulbul Sharma, dans l’un de ses romans précédents, La colère des aubergines (Philippe Picquier, 1999), avait déjà dépeint avec humour les belles-mères indiennes.

Parmi les autres notabilités locales, on trouve Shankar, pêcheur dans la rivière Giri et détective amateur, le meilleur copain de Janak et son complice en aventures ; Balu, le mendiant "officiel" qui fut riche autrefois ; Lala, le gargotier ; Channa, le coiffeur ; Raja, le tenancier du bazar et chef du village, qui a fort à faire avec ses trois femmes, sans compter sa jeune maîtresse chinoise, qu’il va rencontrer clandestinement à Simla. Il y a aussi Lîla, la vieille dame qui habite encore une grande maison vide et défraîchie datant de la splendeur du Raj britannique. Une époque pour laquelle les vieux du village ne sont pas sans éprouver une certaine nostalgie. Tout ce petit monde va se voir bouleversé un jour par un étranger qui, d’abord, manque de respect à Rama, puis que l’on retrouve mort, baignant dans son sang, assis sur le fauteuil du salon de coiffure.

Bulbul ("Rossignol") Sharma mène son affaire avec une maestria débonnaire, un vrai sens de l’intrigue et des dialogues, et une profonde empathie pour ses personnages, pour cette Inde profonde, celle des villages et du peuple, à mille lieues des stars standardisées de Bollywood. C’est rafraîchissant, comme l’air pur et vivifiant de l’Himalaya, où la romancière habite elle-même une partie de l’année. On espère qu’elle va persévérer dans cette veine "populaire", par exemple en nous racontant le retour du père de Janak, esquissé à la toute fin du roman, alors que tout le monde le croyait disparu depuis des lustres. J.-C. P.

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