Vendredi 17 avril après-midi, c’est l’effervescence à la bibliothèque Louise-Michel dans le 20e arrondissement de Paris. Après une journée et demie de brainstorming et de travail intensif, les 52 bibliothécaires participant au premier Biblio remix de la capitale s’apprêtent à présenter leurs 9 projets élaborés en petits groupes. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette méthode de réflexion basée sur la participation créative, lancée à l’origine par des bibliothécaires bretons pour réinventer les bibliothèques (voir encadré), a largement réussi à débrider les imaginations. "Nous sommes en 2030. Dans un monde où les gens ne sont connectés que par les réseaux sociaux, les occasions de rencontres se font de plus en plus rares, raconte d’une voix dramatique le rapporteur du projet "L’amour à la bibliothèque". Heureusement, des héros permettent à l’amour de survivre et offrent à l’humanité le seul espoir de continuer à procréer : les bibliothécaires. Bienvenue à la bibliothèque Aphrodite." Ce groupe a imaginé un catalogue de bibliothèque, Eros, où les notices sont liées aux profils des usagers célibataires qui ont "liké" le document. Les lecteurs peuvent ainsi se connecter en fonction de leurs affinités et même se rencontrer en réel à la bibliothèque grâce à la fonction géolocalisation. La bibliothèque propose bien sûr en complément des ateliers relooking, danse et préparation de mariage.

Dans le projet "Greenbib", bibliothèque centrée sur l’environnement, l’écologie et les démarches participatives, il y a des potagers et des ruches sur le toit, une serre de lecture pour lire entouré de verdure, une salle de sport où l’énergie produite est recyclée, et même une halte-garderie pour les chiens ! Les usagers peuvent y amener leur compost, participer à des ateliers ou en animer. Leurs contributions à la bibliothèque leur ouvrent des avantages (documents supplémentaires, prolongation de la durée de leurs prêts, etc.). A la fois centre culturel et de détente ciblant le public des citadins stressés, la bibliothèque "Le voyage d’Hypnos" accueille quant à elle les visiteurs dans différentes ambiances : lits et feu de cheminée dans l’espace Pôle Nord, hamacs à l’espace Tropiques. Partout, les utilisateurs disposent de casques et de tablettes pour écouter de la musique, lire, visionner un film. Ils peuvent également commander un ouvrage qui leur sera livré à leur place par un bibliothécaire ou bien profiter des services de masseurs, barbiers ou manucures qui desservent tous les espaces de l’établissement. "Les participants ont vraiment joué le jeu du rêve. Ils se sont écartés des contraintes réalistes pour inventer des choses vraiment nouvelles", se réjouit Hélène Certain, directrice de la bibliothèque Louise-Michel, initiatrice avec son équipe du Biblio remix parisien.

Les 9 projets inventés à la bibliothèque Louise-Michel ont pris forme à grand renfort de Lego, de découpages, de feuilles de carton et de jouets divers. Les participants n’ont pas hésité non plus à se mettre en scène et à interpréter divers personnages, en se moquant parfois des stéréotypes et petits travers de leur profession. "Je n’ai pas besoin d’être aimable, je suis bibliothécaire", déclare un personnage acariâtre portant dans le dos une pancarte "Bibliothécaire du XXe siècle". Ce projet propose justement de changer l’image de la bibliothèque et des bibliothécaires grâce au "Biblio-flash" : aller avec une bibliothèque mobile installée dans une carriole dans des lieux inattendus comme des arrêts de bus, des laveries, des stations de métro et y proposer des documents, mais aussi des jeux de société, des tablettes, etc. Dans "@teaser vos coups de cœur", les bibliothécaires imaginent de faire réaliser par les lecteurs de courtes accroches vidéo pour partager leurs coups de cœur. Les participants de cet atelier se sont eux-mêmes lancés dans le tournage d’un remake hilarant du film de Steven Spielberg, Minority report.

Lors du débriefing de clôture, les participants ont tous l’air épuisés mais heureux. "Il faut travailler très vite, c’est intense mais très stimulant. Cela permet de réfléchir à ce que l’on veut faire de notre métier. Il y a quelques idées qui seraient faciles à concrétiser", commente un bibliothécaire en poste dans un établissement de l’est parisien. "J’attendais ces journées avec impatience, renchérit une jeune professionnelle. J’ai été impressionnée par la qualité d’écoute, le respect de la parole de chacun. Et certains bibliothécaires ont réellement des talents cachés !"

La plupart des participants espèrent que l’expérience sera renouvelée à l’échelle du réseau parisien. Plusieurs ont déjà élaboré le projet d’organiser un Biblio remix dans leur bibliothèque avec les usagers.