14 octobre > Essai France

Alors que la question des religions anime la société, la voix des femmes n’est pas souvent représentée. Delphine Horvilleur incarne une personnalité singulière. Cette femme rabbin s’orientait vers une carrière médicale, mais le destin la mène vers la Thora. Elle se heurte toutefois à une réalité : l’impossibilité d’étudier les textes sacrés à cause de son sexe. C’est donc en Amérique qu’elle suit un parcours rabbinique, mais sa mission se trouve au MJLF (Mouvement juif libéral de France). Après un essai sur le féminin et la pudeur, elle se penche sur le façonnement des êtres. On a beau "tout faire pour se construire sans attache, ni famille, ni peuple", on est rattrapé par son passé ou son ancrage culturel. Une "fabrique de l’identité, la parentalité et le désir", qu’elle décortique avec subtilité. "Tous les parents se demandent : vais-je savoir transmettre ? Et si cela consistait à susciter chez l’enfant une question." Madame le rabbin manie aussi l’humour. Ainsi, la fameuse mère juive est comparée à une "anti-Tefal", toujours collée à ses bambins ! Paradoxalement, la judéité est transmise par elle, mais dans la Bible, c’est le patriarcat qui règne. Qu’en est-il dans la chambre à coucher ? Horvilleur ne manque pas de ferveur pour décrire "la sexualité comme condition primordiale de l’épanouissement féminin et masculin". Le plaisir est encouragé, même quand il est séparé de la procréation. Cette dernière demeure une obligation, voire une façon d’introduire le divin dans le monde. Passionnée de littérature, l’auteure fait appel à Romain Gary, Philip Roth ou Amos Oz pour illustrer ses propos. Cet essai permet de saisir des thèmes d’une grande complexité. L’intérêt étant que Delphine Horvilleur se sert du judaïsme pour illustrer des interrogations universelles quant à l’identité, la féminité et la construction de soi. Kerenn Elkaïm

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