29 octobre - 5 novembre > entretien et catalogue France - Etats-Unis

On se souvient des cris d’orfraie quand en 2008 l’art contemporain pénétra pour la première fois au château de Versailles. Monumental chien magenta aux allures de ballon noué sous le plafond peint de L’apothéose d’Hercule, homard en aluminium polychrome imitant une bouée pour enfant suspendu à côté d’un chandelier de cristal dans le salon de Mars…

L’auteur de ce crime de lèse-majesté classique et créateur de Balloon dog et de Lobster ainsi que de quinze autres sculptures "envahissant" le domaine se nommait Jeff Koons. Aujourd’hui le roi de l’art contemporain américain revient avec une rétrospective au Centre Pompidou, à Paris, qui ouvrira le 26 novembre. Deux nouveautés essentielles permettent de mieux comprendre un plasticien assumant sans vergogne le kitsch : le catalogue "maison" qui accompagne l’exposition réunissant de nombreux articles de spécialistes ("Sans limites" de Scott Rothkopf, "Amour et Basket Ball" de Pamela M. Lee, "La vie comme ressource" Isabelle Graw), et une édifiante conversation menée par le grand commissaire d’exposition britannique Norman Rosenthal, Jeff Koons chez Flammarion.

Avec Koons, on est en plein dans le post-modernisme. Si par modernisme on entend l’idée d’avant-garde en rupture avec les canons académiques, ici l’artiste n’entend pas par un geste démiurgique créer un objet original : il se contente de récupérer ou de s’inspirer d’un objet déjà manufacturé en le copiant à l’identique. Ses aspirateurs sont de vrais appareils électroménagers enchâssés dans une vitrine ; la figurine de porcelaine, Michael and Bubbles (1988), représentant le chanteur de Billy Jean et son animal de compagnie simien, dorée à l’or fin, n’a pas été modelée de la main du plasticien mais par quelque artisan employé par Koons pour répliquer ce bibelot en grandeur nature.

L’artiste n’est plus un héros de la subversion mais le suppôt du consumérisme. On peut qualifier l’art de Koons de "post-pop". Le pop art a su brouiller les frontières entre high (haute culture) et low (culture de masse) et s’est évertué à trouver de la poésie dans notre quotidien industriel par l’appropriation des logos commerciaux ou le détournement des images d’actualité ou des icônes glamour du cinéma. Koons va au-delà, il embrasse tout, jusqu’aux codes du marketing, sans souci d’esthétique ni de "bon goût", l’important c’est le flux de la vie qui circule dans ces banals produits de consommation. Il revendique "un art apaisant […] dénué de toute angoisse et immédiatement limpide".

Ne pas chercher d’ironie comme dans les ready-made de Duchamp. "Enjoy !" comme y invite Bernard Blistène, directeur du Mnam (Musée national d’art moderne), la collection permanente du Centre Pompidou, pour qui les œuvres de Koons "élèvent, célèbrent, voire monumentalisent un univers de joie enfantine où ne règne jamais "aucun malaise dans la civilisation"". Chez Jeff Koons, on reste dans la grâce de la surface, c’est le premier degré du plaisir. Sean J. Rose

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