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Une ordonnance en date du 22 décembre 2016 a transposé une directive européenne concernant notamment la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins.

Le texte avait été présenté la veille au Conseil des ministres par… le ministère de l’Economie et des finances. Ce qui traduit, une fois de plus, le manque de considération pour la conduite de la politique culturelle au sens large sous la tutelle des gens de culture, en particulier de ce qui reste du si beau ministère de la rue de Valois. Précision d’ailleurs, à ce titre, que cette ordonnance de Bercy a été prise sur le fondement de la loi relative à la liberté de création datant du 7 juillet 2016, élaborée par le ministère de la Culture et de la Communication.

Sur le fond, il s’agit de « moderniser le cadre juridique » de l’action de ces entités que le Code de la propriété intellectuelle (CPI) appelle des « sociétés de perception et de répartition des droits ». En réalité, de revoir les principes d’affiliation à ces sociétés, d’encadrer leur gouvernance et de préciser la gestion de leurs revenus. Le tout - et là, rien de bien étonnant dans le monde actuel - avec un souci affiché d’une transparence accrue.

Cette ordonnance est l’occasion de rappeler le rôle de la gestion collective, au centre de nombreux débats politiques, juridiques et économiques, et ce depuis des décennies -,  mais aujourd’hui essentielle au secteur du livre. Son champ de compétence concerne en effet, et entre autres, la reprographie, la copie privée numérique, le droit de prêt, les adaptations théâtrales, les reproduction d’oeuvres plastiques et graphiques, en passant par le désormais défunt « programme ReLire ».

L’union fait la force. La gestion collective consiste donc à se regrouper pour mieux contrôler l'exploitation des œuvres, ainsi que pour collecter plus facilement les rémunérations. Et les éditeurs ont eux-aussi peu à peu compris les avantages de ce mécanisme et demandent, dans les contrats d’édition, à gérer seuls les droits de leurs auteurs auprès des organismes de gestion collective…

Le régime de ces sociétés est organisé dans un chapitre spécial du CPI. Celui-ci précise que « ces sociétés civiles régulièrement constituées ont qualité pour ester en justice pour la défense des droits dont elles ont statutairement la charge ». Elles peuvent également diligenter des agents assermentés, qui rapportent « la preuve de la matérialité de toute infraction aux dispositions » du CPI.

Les sociétés de gestion collective bénéficient donc de pouvoirs particuliers. Elles peuvent ainsi manier des sommes d’argent très importantes. C’est pourquoi elles sont obligatoirement agréées par le ministère de la Culture, qui examine les projets de statuts et de règlements généraux. Leur opacité a été souvent l’objet de critiques. Plusieurs articles du CPI prévoyaient déjà, bien avant l’ordonnance de décembre 2016, le droit d’information dont bénéficient leurs membres. L’article L. 321-6 du CPI accorde ainsi la faculté à « tout groupement d’associés représentant au moins un dixième du nombre de ceux-ci » de « demander en justice la désignation d’un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion ». Et, aux termes de l’article L. 321-4, « les sociétés de perception et de répartition des droits sont tenues de nommer au moins un commissaire aux comptes et un suppléant ».

La plus emblématique des sociétés de gestion collective reste bien évidemment la SACEM (société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique), aussi puissante que décriée. Elle intéresse les secteur du livre, car elle gère aussi les droits sur les paroles des chansons.

Le milieu de l’édition est amené à côtoyer également la très ancienne SACD (société des auteurs et compositeurs dramatiques), qui s’occupe notamment au répertoire des œuvres théâtrales ou de fiction télévisuelle. La SCAM (société des auteurs multimédia) visait initialement les oeuvres documentaires.

Il y a encore, parmi les plus connues de ces structures, l’ADAGP (association de défense des arts graphiques et plastiques) : elle est en charge des arts graphiques, plastiques, photographiques et même typographiques.

Trois sociétés de gestion collective œuvrent particulièrement au profit de l’écrit. La SCELF (société civile de l’édition littéraire française) traite des droits des éditeurs sur les adaptations audiovisuelles de leur catalogue. Le CFC (centre français d’exploitation du droit de copie) intervient pour les droits de reprographie. Enfin, la SOFIA (Société Française des Intérêts des Auteurs de l'écrit) vise à gérer collectivement les intérêts des créateurs et des éditeurs de textes. Le droit de prêt est, parmi de nombreux domaines, son terrain de jeu le plus emblématique.

Le système a ses défauts, mais aussi grand nombre d’avantages. Espérons que le prochain gouvernement saura redonner au ministre de la Culture le plein exercice de ce chantier.

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