18 septembre > Histoire Etats-Unis

La monarchie des Bourbons au XVIIIe siècle en France, le Raj britannique en Inde au XIXe siècle et la dictature communiste en Allemagne de l’Est au XXe siècle. Robert Darnton a choisi ces trois époques pour étudier la manière dont fonctionnait la censure et comment l’Etat exerçait son pouvoir sur l’écrit, et plus particulièrement sur les écrivains.

L’ancien professeur à l’université de Princeton explore ces périodes en montrant la répression - essentiellement la prison ou le goulag - mais aussi la coopération qui se mettent en place entre les auteurs et les censeurs, les seconds appartenant quelquefois à la première catégorie.

Il n’est pas rare, surtout dans l’ex-RDA, de voir d’âpres discussions entre les uns et les autres sur un paragraphe ou une réplique. L’historien américain constate même que ces censeurs finissent par se prendre pour des éditeurs, voire des coauteurs. Et quand les ouvrages obtiennent le feu vert de l’Etat, les résumés valent pour quatrième de couverture.

La deuxième étude de Robert Darnton examine davantage la censure en France sous les Bourbons en racontant comment la police et les écrivains jouent au chat et à la souris dans la France des Lumières. L’auteur a retrouvé dans les archives de la Bastille le dossier de quatorze personnes emprisonnées en 1749 à Paris à cause d’une chanson qui se moquait du roi Louis XV et de sa maîtresse, Madame de Pompadour, chanson que l’on peut écouter sur le site d’Harvard University Press (www.hup.harvard.edu/features/poetry-and-the-police/) interprétée par Hélène Delavault. A partir de ce fait divers, il analyse la circulation des informations politiques dans les milieux populaires parisiens analphabètes et le contournement de la censure royale par l’oralité. Il détaille l’enquête de la police qui recherche à remonter le maillage de communication, un peu comme on le ferait aujourd’hui avec les réseaux sociaux.

Ces deux travaux très originaux tranchent avec la vision manichéenne de la censure. Ils font comprendre que le phénomène n’a pas disparu à l’heure d’Internet et des grands systèmes d’écoute. A 75 ans, celui qui est aujourd’hui le président des bibliothèques de l’université Harvard et qui a beaucoup œuvré pour la diffusion des textes en dehors des pressions exercées par le marché nous rappelle à la vigilance. L. L.


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