La médecine en petite forme

Patrick Fenouil, P-DG des éditions Lavoisier. - Photo Olivier Dion

La médecine en petite forme

En recul cette année, la médecine reste le maillon faible du marché universitaire. Le segment se distingue cependant par la bonne résistance des manuels de référence.

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Créé le 14.09.2018 à 14h19


S'il fait nettement moins bien que le marché universitaire dans son ensemble (-10 % en valeur contre -5,98 %, selon GFK), le segment du livre de médecine se distingue par la singularité des comportements d'achat des étudiants. A l'inverse de ce qui est observé dans les autres disciplines, les gros manuels de référence restent plus facilement des valeurs sûres, à commencer par les titres d'anatomie (le Netter et le Gray's chez Elsevier Masson, Pierre Kamina chez Maloine, G.J. Tortora chez De Boeck Supérieur...), prisés même des étudiants de première année (Paces). Présent sur le marché via quelques titres publiés en collaboration avec le Québec pour « faire des économies d'échelle », Pearson réalise environ 10 % de son chiffre d'affaires universitaire grâce à la médecine, essentiellement avec « quelques grosses bibles » tandis que, chez Elsevier Masson, les livres de la collection « Les référentiels des collèges » maintiennent leur niveau de vente auprès des étudiants préparant l'examen classant national (ECN).

Boîte à outils

C'est plus compliqué, en revanche, pour les ouvrages de révision et d'entraînement. « Les étudiants achètent surtout les référentiels et sont peu sensibles aux initiatives éditoriales. Cela laisse peu de place à la créativité. Nous concentrons nos efforts sur quelques gros titres », souligne Manon Savoye, directrice éditoriale chez Ellipses. Le phénomène s'est accentué depuis que les épreuves de l'ECN sont organisées sur tablette : « Les collections que nous avons testées ces dernières années proposent des compléments en ligne pour préparer l'ECN, mais beaucoup d'étudiants préfèrent s'abonner aux offres d'entraînement en ligne via leur université », indique Antoine du Besset, directeur du département éducation chez Elsevier Masson. « Les étudiants veulent s'entraîner dans les conditions de l'examen, il est naturel qu'ils le fassent via des plateformes en ligne puisque l'ECN se déroule sur tablette », note pour sa part Patrick Bellaïche, P-DG de Vernazobres Grego. L'éditeur, qui n'a aucun référentiel à son catalogue, capitalise sur le besoin des étudiants de faire la différence à l'ECN. « Tout le monde achète les référentiels, c'est très bien mais ça ne suffit pas si l'on veut être bien classé. Les étudiants se procurent aussi nos KB parce qu'ils savent qu'ils y trouvent une autre approche. » Vernazobres Grego a également lancé en début d'année une petite collection « C.U.T », véritable « boîte à outils » de l'étudiant en médecine qui aborde des sujets très ciblés, l'imagerie par exemple. Quatre titres ont déjà paru et une dizaine de nouveautés sont prévues dans les prochains mois. L'éditeur annonce par ailleurs deux nouvelles collections pour début 2019, mais sans en préciser pour le moment ni le concept ni le positionnement. De son côté, Vuibert, présent sur le marché de l'ECN depuis 2015, renforce son offre en publiant de nouveaux ouvrages rédigés par des étudiants très bien classés, dont Scores, classifications, pièges QCM et autres notions clés pour réussir de Pauline Seriot, annoncé pour le 9 octobre. La nouvelle réforme de l'ECN, qui remplace l'épreuve de la fin de 6e année par trois notes échelonnées entre la 5e année et la fin des stages d'études, ne produira ses effets qu'en 2023. A ce titre, elle ne mobilise pas encore les éditeurs. « Les détails n'en sont pas encore très bien connus, relève Patrick Bellaïche. Nous attendons d'en savoir plus avant d'adapter notre offre. »

Réorientations

L'année a également été riche sur le plan stratégique avec le rachat d'Initiatives Santé par John Libbey Eurotext (JLE) en mai dernier. En décembre 2013, les deux groupes s'étaient partagé le pôle santé de Wolters Kluwer France (WKF), les marques Doin, Arnette et Pradel entrant dans le giron de JLE tandis qu'Initiatives Santé récupérait Lamarre et CDP éditions. Avec cette opération, c'est donc l'ensemble de l'ex-pôle santé de WKF qui est de nouveau réuni, cette fois sous la houlette de JLE. Selon un représentant de JLE, chaque marque conservera son identité propre et aucun bouleversement n'est à prévoir. Chez CDP, spécialisé dans le dentaire, une nouvelle édition du Manuel d'implantologie est ainsi attendue pour octobre tandis que Doin inaugure, en association avec l'université Paris-Diderot, la collection « La personne en médecine », autour de l'éthique médicale et destinée aussi bien aux chercheurs en philosophie, psychologie et sciences sociales en santé qu'aux chercheurs et professionnels de santé.

Plus incertain a longtemps été le sort de Lavoisier, en grande difficulté économique. Le placement de l'éditeur en procédure de sauvegarde en octobre 2017 s'explique en partie par le positionnement jugé trop « élitiste » de ses ouvrages. Lavoisier, qui réalise environ 40 % de son chiffre d'affaires avec des livres destinés à un public étudiant (20 % en universitaire et 20 % en classes prépas), s'est tiré de ce mauvais pas au prix d'une sévère cure d'amaigrissement - 17 personnes ont été licenciées sur un effectif total de 42 - et de la réduction de sa production. Le 11 juillet, le tribunal de commerce de Paris a validé le plan de sauvegarde présenté par le P-DG, Patrick Fenouil. « Nous avons retrouvé notre pleine et entière autonomie, se réjouit le dirigeant. L'objectif est de réaliser le plan de sauvegarde prévu, à savoir rembourser l'ensemble de nos créanciers, tout en maintenant notre production à un niveau satisfaisant. » La dette de Lavoisier, essentiellement des droits d'auteur, s'élève à environ 500 000 euros. « Nous allons aussi revoir notre stratégie qui était de proposer de très beaux livres. La qualité des contenus restera la même, mais nous publierons des titres plus petits et moins sophistiqués. » Afin de réduire les coûts de revient, les illustrations de plusieurs collections (« Imagerie médicale » et « Traités » en particulier) seront par exemple regroupées dans des cahiers couleur situés en fin d'ouvrage. Les collections « Le livre de l'interne » et « Guide de poche » devraient rester en l'état, l'usage d'illustrations en couleurs étant jugé « impossible à réduire ».

14.09 2018

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