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La Parisienne de Photographie en danger ?

Crédit : DR/LH

La Parisienne de Photographie en danger ?

Si la fermeture de l'agence n'a pas été annoncée par la Mairie de Paris, les salariés craignent que l'institution parisienne, largement déficitaire, ne soit "sacrifiée sur l'autel de la rentabilité".

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Par Clotilde Ravel
Créé le 27.06.2017 à 20h35

Les salariés de la Parisienne de Photographie, agence qui collabore avec la plupart des éditeurs de beaux livres –Le Chêne, Gallimard, Les Arènes, la Geste…–, s'inquiètent d'une éventuelle fermeture de cette société publique locale largement déficitaire, dont les rentrées financières ont chuté de 40% depuis 2014. La célèbre agence accueille notamment le fonds Roger-Viollet, et s'occupe de la numérisation et la diffusion des fonds iconographiques de la ville.

S'il n'y a pas eu d'annonce officielle concernant une éventuelle fermeture, les salariés ont exprimé dans un communiqué relayé par Info’com-CGT le 12 juin leur crainte que l'institution parisienne ne soit "sacrifiée sur l'autel de la rentabilité" par la mairie de Paris, coactionnaire de cette Société publique locale (SPL) qu'elle subventionne à hauteur de 950000 euros chaque année.

Une institution en crise

"La photographie est un secteur, comme la presse ou l'édition, qui est en crise, admet Ophélie Strauss, déléguée du personnel de la Parisienne de photographie, et notre agence ne fait pas exception". Les salariés estiment que la mairie n'a pas proposé de solutions ou de feuille de route depuis plus d'un an, signe de son "désengagement". Le 13 juin dernier, un conseil d’administration était réuni mais n’a pas permis d’aboutir à des conclusions "rassurantes" concernant le sort de la société, explique Ophélie Strauss.

La ville de Paris se défend de tout "abandon" du dossier : "Alors que la structure est déficitaire, nous avons continué à la financer, et nous avons même augmenté la participation de la Mairie de Paris [L'agence a été recapitalisée à hauteur d’un million d'euros fin 2016, mais son déficit s’élève à 500000 euros], indique-t-on au cabinet du premier adjoint à la maire de Paris, chargé de la culture, Bruno Julliard. En septembre 2015, une Délégation de service publique (DSP) a été signée et acceptée par l'agence pour une période de deux ans et demi, et les objectifs n'ont pas été respectés par la direction. A partir de là, il faut trouver des solutions."

Cette DSP prévoyait notamment que l'agence numérise des photographies des musées sous tutelle de la ville, de Carnavalet au Musée d’art moderne, et qu'elle autofinance l’activité de numérisation par la commercialisation de ses images. Un objectif qui n'a jamais été atteint, car il était "impossible", selon la déléguée du personnel Ophélie Strauss. "Noël Corbin [directeur du bureau des affaires culturelles de la mairie de Paris] sait depuis longtemps que le projet n'est pas viable économiquement. En avril, il a même demandé aux salariés de faire des propositions, mais chacun son boulot, ce n'est pas notre rôle", témoigne-t-elle.

Salariés en grève

Les salariés de l'agence se sont donc mis en grève le 13 juin pour protester contre le risque de fermeture, et ont organisé une manifestation devant l'hôtel de ville. Le même jour, Bruno Julliard était interrogé sur BFM Paris, et il a affirmé que l'agence conserverait encore un an sa mission de délégation de service public.

Pour la ville, cette annonce prouve que la mairie se préoccupe du dossier. "Nous avons décidé de prolonger d'un an la mission de délégation de service public, pour pouvoir discuter avec tous les acteurs concernés. Nous avons également convoqué un Conseil d'Administration exceptionnel mi-juillet pour trouver des solutions, proposer des pistes, trouver un nouveau business plan" indique-t-on au cabinet de Bruno Julliard, sans toutefois indiquer de quelle piste il retourne, car il est "trop tôt pour le dire".

Quel avenir pour la Parisienne de Photographie ?

Alors quel avenir pour la Parisienne de Photographie? Ophélie Strauss évoque les options qui pourraient être proposées par la mairie de Paris: commercialiser via une autre agence photo, ou sous-traiter la numérisation à des entreprises extérieures pour que cela soit "plus rentable". "Mais ça ne marchera pas mieux que maintenant! Les gens achètent moins de photos, le problème ne vient pas de notre agence spécifiquement, c'est tout le modèle économique des agences photos qu'il faut repenser, si on va par là." explique-t-elle. La ville ne confirme aucune de ses options, reconnaît que le marché est en crise, mais avance qu'il existe des agences avec des situations "différentes".

Pour le syndicat des salariés, aucune de ces options n'est satisfaisante. "On imagine que le fonds Roger-Viollet sera repris par une agence publique, sans doute par la Bibliothèque de la ville de Paris. Mais quid des photographes? Quid des agences étrangères qui nous diffusent et que l'on diffuse? Quid des 35 salariés dans l'entreprise, 35 professionnels de l'image hautement qualifiés qui veillent depuis toujours à la conservation, à l'indexation et à la diffusion de cet exceptionnel patrimoine?" s'inquiète Ophélie Strauss.

Echéances à venir

Les salariés attendent le prochain Conseil de Paris, qui se tiendra du 3 au 5 juillet, au cours duquel deux groupes politiques, les Communistes et les Verts, devraient évoquer les menaces qui pèsent sur la Parisienne de Photographie.

Peut-on encore sauver l'agence? A cette question, Ophélie Strauss répond "oui". "Il faut réfléchir aux évolutions, on pourrait devenir la grande agence photo du Grand Paris. Avec une véritable volonté politique, il est encore temps de trouver une solution, de s'asseoir tous à une table, tous les acteurs du dossier, et de réfléchir. L'impression que nous avons aujourd'hui, c'est que c'est le règne de l'argent. Il y a des pertes, donc il faudrait fermer. Nous, on veut sauver ce lieu fabuleux, cette agence, et ce patrimoine exceptionnel".

La mairie affirme de son côté que le sujet est pris très au sérieux par le bureau des affaires culturelles et par Bruno Julliard, et affirme que des "solutions" seront proposées mi-juillet lors du conseil d'administration.

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