20 août > Premier Roman France

Louis Catella est un working class hero. Il est mort le 16 juillet 1974 à 43 ans dans un accident du travail, écrasé sous un moule de plusieurs tonnes aux Fonderies et Aciéries du Midi. Un nom et quelques lignes dans les journaux de l’époque mais un mort de légende pour sa famille et ses proches. Car Louis Catella n’était pas seulement un ouvrier, un syndicaliste engagé, un singulier communiste qui croyait en Dieu. Il était aussi le mari de Rose et le père de trois fils. Et que reste-t-il au plus jeune des enfants, âgé de 7 ans à l’époque, de ce père embaumé dans les récits des autres, pris dans les filets du mythe ?

Didier Castino, l’auteur de ce premier roman, d’une grande force, a choisi de faire parler le mort, de lui faire raconter sa vie à la première personne. Il évoque à l’attention de l’orphelin ce temps où l’on disait encore "l’usine", "les patrons", où l’on croyait à Ce vieux rêve qui bouge. Le temps des vacances en Savoie, de l’Ami 8 achetée neuve et des grandes grèves pleines d’espoir. Monologue du père d’abord, le roman glisse vers le dialogue. "Je suis mort et tu inventes", apostrophe le défunt. Puis le fils finit par assumer sa place, l’artifice de la reconstitution, les incertains souvenirs de seconde main. Pour remettre le père à sa place. Même si, note-t-il : "Régler mes comptes avec toi, je ne sais pas si c’est possible."

Dans cette forme de conversation posthume, Après le silence parle de trahison de classe, de culpabilité et de honte sociales, travaillant sur un manque et une colère frustrée qui viennent de loin. Constatant qu’aucun récit ne comble l’absence. Le roman ressemble à des funérailles différées, ces obsèques auxquelles l’enfant n’a pas assisté : le fils enterre à la fois le père et le garçon de 7 ans qu’il était. Enterre l’homme et le symbole. Le fantôme et sa statue. Et Didier Castino, professeur de français à Marseille, signe à 49 ans un beau livre de deuil mais aussi d’affranchissement.

Véronique Rossignol

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