24 août > Roman Suisse

Kalamaki est une petite île entre Athènes et le Péloponnèse. Un monde à part, où tout le monde se connaît, se respecte et s’entraide. Symbole de l’harmonie qui règne à Kalamaki, Yannis, l’enfant autiste, est un peu celui de toute la communauté.

Sa mère, Maraki, courageuse pêcheuse à la palangre, l’élève seule, séparée d’Andreas, constructeur de bateaux et maire de l’île. Il a refait sa vie, s’occupe de son fils de façon distraite et maladroite. Yannis, 12 ans, est un adolescent ultrasensible, qui ne supporte pas que quoi que ce soit, ni qui que ce soit, vienne semer du désordre dans son monde. Ce pourquoi, chaque jour, ce surdoué en chiffres compte tout, les kilos de poissons rapportés par les pêcheurs, le nombre de clients qui fréquentent le café de Stamboulidis. Et si quelque chose n’est pas conforme, il compense en se livrant à des pliages de papiers complexes et apotropaïques.

Pour pallier la déficience paternelle, Kosmas, un prêtre aux idées larges, qui vit une belle histoire clandestine avec son amant Christos, a confié Yannis (et sa mère) à Eliot Peters (né Petropoulos), un architecte, fils d’immigrés, qui est revenu de New York. Sa fille Dickie, qui effectuait des recherches sur les monuments grecs antiques pour déterminer s’ils ont été bâtis suivant le nombre d’or, est morte dans un accident dans l’amphithéâtre de Kalamaki. Elle y est enterrée. Le père, inconsolé mais positif, a reporté son affection sur le jeune autiste aux capacités étonnantes, qu’il sait décrypter, et à qui il enseigne à lire et à écrire.

Mais en plus de la crise, ce microcosme se voit un jour menacé : pour faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’île (et un peu dans les siennes), Andreas a accepté la proposition du groupe Investco : louer sept hectares d’un des plus beaux endroits de Kalamaki, pour soixante-dix-sept ans et moyennant quinze millions d’euros, afin d’y construire le Périclès Palace, hôtel de luxe, marina, casino, etc. Le conseil municipal approuve, mais une opposition va se faire jour, au fil des révélations qu’un corbeau distille dans la presse (via Theofani, journaliste honnête qui cherche encore "comment se battre") et qui vont provoquer des scandales jusqu’au sommet de l’Etat. Qui gagnera ? Le "développement" à tout prix ou le projet alternatif d’école philosophique conçu et porté par Eliot, Maraki et quelques autres ?

Il faudra attendre la fin de ce superbe roman sensible, exempt de tout manichéisme et très actuel, pour le découvrir. De roman en roman, le Suisse francophone d’origine turque Metin Arditi confirme la richesse de son inspiration, la singularité de son talent. Yannis, L’enfant qui mesurait le monde, mérite bien l’un des grands prix de la saison. Jean-Claude Perrier

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