6 avril > Essai Norvège > Arne Næss

En 1992, dans Le nouvel ordre écologique (Le Livre de poche, 2007), Luc Ferry s’en prenait à Arne Næss (1912-2009) qu’il n’hésitait pas à situer dans le prolongement de l’"écologie nazie" à cause de son "anti-humanisme" qui préférerait la nature à l’homme. Qu’en est-il réellement ? Après la traduction du livre manifeste d’Arne Næss, Ecologie, communauté et style de vie (éditions Dehors, 2013), voici une série d’articles et d’entretiens inédits en français pour aller plus loin dans la connaissance de la deep ecology.

Cette notion d’écologie profonde fut émise en 1973 par le philosophe norvégien qui avait fait ses classes du côté du cercle de Vienne et des pragmatiques. Les textes réunis ici nous en apprennent davantage sur cet homme qui fut un résistant pendant la Seconde Guerre mondiale et aussi sur ce penseur qui revendique l’héritage de Spinoza et de Gandhi.

Dans l’article fondateur de la revue Inquiry, repris dans ce volume, il définit le concept d’écologie profonde en opposition à une écologie superficielle qui n’aurait pour but que la préservation des ressources en vue du développement des pays riches. Avec beaucoup de simplicité, Næss évoque aussi son goût pour l’alpinisme qu’il pratiquait à un haut niveau.

En comprenant son expérience des montagnes, son approche physique voire mystique, on saisit mieux son combat pour préserver la beauté du monde et cette "écosophie" qu’il définit comme "une philosophie de l’harmonie et de l’équilibre écologique". "L’une des tâches de la protection de la Nature en général est de contribuer à promouvoir et à généraliser une vision des êtres humains qui soit telle qu’elle fasse apparaître comme naturelle la considération des autres êtres vivants comme d’authentiques compagnons aspirant à se développer pleinement eux-mêmes."

Dans sa cabane en bois nommée "Tvergastein" qu’il construisit à 1 500 mètres d’altitude au nord-ouest d’Oslo, Næss s’affirme comme une sorte de Thoreau contemporain. "Je sens qu’il y a quelque chose qui unit fondamentalement tous les êtres vivants." Par sa volonté d’en appeler à la responsabilité, à la transmission d’un patrimoine naturel, il est finalement assez proche de Claude Lévi-Strauss. Ce livre permet en tout cas de le saisir hors de toute caricature. L. L.

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