12 novembre > Histoire Grande-Bretagne

"Nous demandons à tous les musiciens restant à Leningrad de se présenter pour inscription au Radiokomitet. L’orchestre symphonique va reprendre ses représentations." L’appel est lancé à la radio en mars 1942 dans un Leningrad assiégé par les Allemands. Les autorités soviétiques veulent montrer à Hitler que non seulement elles ne capituleront pas, mais qu’elles opposeront la musique de Chostakovitch à la sauvagerie nazie.

La 7e symphonie a été conçue pour cela. Le compositeur de 35 ans l’a intitulée "Leningrad" et il l’a commencée au début du siège de la ville en août 1941. Carl Illitch Eliasberg, le chef d’orchestre, est chargé de trouver des musiciens dans une cité meurtrie, dévastée par les bombes et affamée à tel point qu’on enregistre de nombreux cas d’anthropophagie.

Le NKVD, qui continue sa traque des artistes et des écrivains déviationnistes, est conscient d’un effondrement moral de la population. La musique s’impose comme une priorité politique non pour adoucir les mœurs, mais pour galvaniser le peuple. Eliasberg peine à réunir la centaine de musiciens nécessaire à l’exécution de cette symphonie funèbre et triomphale, pleine de fureur, de cuivre et de Russie.

Un mitrailleur récupère un trombone, un trompettiste de jazz manque de s’évanouir en soufflant dans son instrument tellement il est faible, un clarinettiste se demande s’il aura la force d’aller au bout des quatre-vingts minutes de cette symphonie-fleuve. Le jour de la représentation, on apprend que vingt-cinq musiciens sont morts de faim, deux autres ont été tués au front. Sur la scène, l’orchestre squelettique dirigé par un chef étique donne le maximum devant des spectateurs décharnés qui, au bout d’une heure vingt et sans avoir été perturbés par les tirs d’obus, se lèvent et explosent de joie.

Brian Moynahan raconte ce concert historique avec la fougue du romancier. Le journaliste, rédacteur en chef du Sunday Times pour l’Europe, a rencontré les survivants de cet épisode inouï de la Seconde Guerre mondiale. Il installe une véritable tension entre le travail de Chostakovitch, les combats de Leningrad et les liquidations du NKVD jusqu’à l’interprétation de cette œuvre patriotique conçue contre la barbarie hitlérienne et la terreur stalinienne. L. L.

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