4 janvier > Roman France > Laura Alcoba

Comment écrit-on avec une langue alors qu’on est né avec une autre ? Quel rapport entretient-on avec cet idiome appris, acquis bien longtemps après que les premiers mots du langage furent prononcés ? Au fond de soi demeure une voix intime et maternelle qui parle, alors que le réel où l’on est aujourd’hui ancré bourdonne de sons toujours aussi étranges. Livre après livre, Laura Alcoba, née en Argentine, raconte cette expérience personnelle d’écrivaine exilée de sa terre et de sa langue natales puisqu’elle écrit en français. Dans son nouveau roman autobiographique, La danse de l’araignée, la voici débarquée à la cité de la Capsulerie à Bagnolet avec ces "tours jumelles" qu’elle a "tout de suite aimées" ; et arrivée à un nouvel âge : l’adolescence. Dans Le bleu des abeilles (Gallimard, 2013), avant sa venue au Blanc-Mesnil, la petite Laura de 8 ans s’échinait à prononcer les voyelles et les consonnes de la langue de Molière en attendant un départ imminent pour la France. Ses parents montoneros - mouvement péroniste politico-militaire - étaient des opposants au régime en place et se préparaient à prendre la route du départ. L’exil se ferait deux ans plus tard sans le père, arrêté et incarcéré. Ici, c’est avec la même grâce enfantine, quoique l’enfant soit désormais une collégienne, que la narratrice dépeint cette très belle relation épistolaire avec son père en captivité ou les liens quasi familiaux qui la lient avec Amalia, amie de sa mère, ou les gens de ce quartier multiculturel - Sagar "du Sénégal comme Fatou" et son clan nombreux. A travers de brefs chapitres comme autant de nouvelles : "La poupée en plastique", "Le maté d’Amalia", "L’adversaire invisible", "Das Mädchen", "Président", ou plutôt de feuilles d’un herbier des souvenirs - la mygale apportée par un ami de son père ou la maladie -, Laura Alcoba ourdit les petits drames de son théâtre intime. Découverte du corps et de nouveaux copains en France, dont l’un, le plus fidèle, et qu’elle chérit plus que tout : "Robertito", alias Le Petit Robert. Sean J. Rose

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