avant-portrait

De son parcours atypique, elle a fait un atout. Avec un bac en poche, un passage dans le journalisme et quelques livres remarqués, Laure Murat est devenue professeure à la prestigieuse Université de Californie à Los Angeles (Ucla).

Dans ses yeux clairs se glisse la malice de ceux qui savent où ils ne veulent pas aller. On y décèle aussi cette liberté d’apprendre, de penser et de transmettre. A 29 ans, elle découvre le plaisir d’enseigner lors d’un séminaire aux Beaux-Arts. Elle voudrait bien continuer. Impossible. Elle n’a pas assez de diplômes universitaires. Françoise Gaspard lui conseille le programme doctoral de l’EHESS. "Du bac, je suis passé au DEA." Puis elle écrit sa thèse sur le troisième sexe (La loi du genre, Fayard, 2006) à Princeton.

De la folie aux super-héros

Laure Murat est une obstinée. Elle fouille les archives avec constance. Elle y découvre souvent des pépites comme, en 2005, le passage de Proust dans un bordel pour hommes dans un dossier de la brigade des mœurs.

Tout livre part chez elle d’un déclic. Pour Relire, ce fut une représentation de Lully et le thème de la répétition. "Tout motif qui se répète est signifiant." Elle a envoyé un questionnaire à deux cents personnes. La moitié lui ont répondu, elle en a conservé une vingtaine, de Christine Angot à Philippe Sollers, qui résume la problématique. Pour Flaubert à la Motte-Picquet ce fut la liste d’un passager dans le métro. Le 12 septembre, elle organise rue Rambuteau, à Paris, juste en face de la librairie Les Cahiers de Colette, l’exposition d’une amie photographe qui a pris des clichés de lecteurs dans les rames.

Dans Relire, elle évoque son père qui annotait ses "Pléiade" au feutre. "Il était producteur de cinéma à la fin des années 1950, il a travaillé avec Louis Malle et Robert Bresson." On sent autant d’admiration pour lui que de rupture avec le reste de sa famille. Laure Murat est une femme que l’entre-deux et l’intermédiaire passionnent. "J’ai toujours été intriguée par des personnages qui sont des passeurs, par ce qui est dans la pliure de la page."

Son autre grand sujet, c’est la folie qu’elle a traitée dans La maison du docteur Blanche et dans L’homme qui se prenait pour Napoléon. "C’est la question de l’altérité absolue, de l’autre en soi. On ne peut être plus près de l’humain." Là encore, il fut question d’archives de psychiatrie privée, puis de psychiatrie publique.

"Quand une question m’agite, je fais un livre." En ce moment elle est taraudée par la diversité chez les super-héros, un sujet typiquement américain - quoique… - dont elle devrait faire la matière de son prochain cours. Avec méthode, Laure Murat s’est forgé un discours. "Lorsque j’arrive sur un sujet, je reprends tout à zéro. C’est à la fois simple et ambitieux." Tout comme elle.

Laurent Lemire

Flaubert à la Motte-Picquet de Laure Murat, Flammarion. 8 euros, 96 p. ISBN : 978-2-08-134776-2. Sortie : 9 septembre.

Relire. Enquête sur une passion littéraire de Laure Murat, Flammarion. 19 €, 280 p. ISBN : 978-2-08-134728-1. Sortie : 9 septembre.

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