1er avril > Roman Etats-Unis

Il y a eu Rimbaud, il y a eu les Clash. A chaque génération d’adolescents sa façon d’exprimer son mal-être et de se rebeller contre le monde. Aujourd’hui il y a l’"Emo", diminutif d’emocore, genre de punk hardcore - riffs violents et vêtements noirs, esthétique nihiliste déclinant à l’envi les thèmes du suicide et de l’automutilation. Serge, 14 ans, est de ceux-là ; Claude, son frère aîné, au style Emo identique, a été repêché, le corps boursouflé et méconnaissable dans la rivière du domaine. On dit les lieux hantés, le château a d’ailleurs été mis en vente. Cette histoire lue dans Le Monde intrigue le héros du nouveau roman de Dennis Cooper, Le fol marbre, qui décide de se porter acquéreur de la propriété. Les "traits enfantins" de l’acheteur sont palliés par une bourse importante qui rassure Jean-Paul et Claire, les châtelains désireux de faire le deuil de leur premier-né. Le narrateur pressent que le jeune frère du mort est gay et éprouve une certaine attirance pour cet adolescent qui lui rappelle des amours juvéniles frustrées. Serge n’est pas indifférent à l’étranger bientôt maître de céans et lui demande s’il peut laisser sa batterie au château et en tâter encore un peu après qu’il aura déménagé avec ses parents dans l’appartement où il ne lui sera plus permis de jouer d’un instrument aussi sonore. Quelle aubaine ! Le narrateur n’est pas seulement attiré par ce "garçon à l’allure brouillonne", mais à sa pulsion de sexe se mêle aussi une irrépressible envie de le tuer. Une victime est à portée de main, c’est toujours plus pratique pour un assassin. Pour couvrir son futur crime, il offre à Serge un emploi fictif au château. Ce dont il a fait part au père de l’intéressé. Jean-Paul accepte sans plus d’ambages.

Icône de la littérature queer - le queer c’est l’anarchisme sexuel se revendiquant de la déviance et de la bizarrerie à rebours de l’attitude gay policée et "normée" -, Dennis Cooper revient en force (la voix du tueur nous fait tourner les pages et les portes de placards pleins de macchabées) et en farce… macabre, cela va sans dire. Outre les méandres du récit aussi arborescents que les couloirs secrets du château, on goûte le ton unique du narrateur : "Ma richesse est aussi bien psychologique que financière et, afin de vous épargner un verbiage écrasant, je vous demande d’être les témoins de cette décision qui peut vous sembler cruelle entre guillemets et de me croire quand je dis que la salope devait simplement mourir."

A pervers narcissique, pervers narcissique et demi : Jean-Paul le père avoue avoir sodomisé son fils Claude après l’avoir tué. En fait, ce voyeur invétéré ayant surpris les deux frères en train de se masturber avait eu dans l’idée de trucider la paire. Sean J. Rose

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