1er avril > BD France > Matthieu Bonhomme

Après les "Spirou vu par", Valérian par Larcenet ou Mickey Mouse revisité par Cosey ou par Lewis Trondheim et Nicolas Keramidas, Lucky Luke fait à son tour l’objet d’une réinterprétation par un auteur contemporain. Entre les mains de Matthieu Bonhomme (Le marquis d’Anaon, chez Dargaud, Le voyage d’Esteban et Texas cow-boys, avec Trondheim chez Dupuis), le fameux cow-boy solitaire créé par Morris, puis développé en tandem avec Goscinny, fait penser au Clint Eastwood d’Impitoyable. Un cow-boy auquel tout a sans doute réussi, mais qui finit par perdre pied dans un Ouest américain qui part à vau-l’eau.

D’ailleurs, au fil des 64 pages de L’homme qui tua Lucky Luke, il fait plus souvent nuit que jour. Il pleut aussi. On est loin du ciel bleu, des pâquerettes, de l’atmosphère pimpante des albums de Morris, dont Goscinny avait encore accentué la légèreté.

L’histoire commence par la fin. Dans un de ces villages de planches qui pullulaient dans l’Amérique de la conquête de l’Ouest, un cow-boy est étalé dans la boue. "J’ai détruit la légende ! J’ai tué Lucky Luke !" s’exclame quelqu’un. Puis c’est le flash-back. Et c’est au tour de Matthieu Bonhomme de déconstruire soigneusement le mythe. Quelques jours plus tôt, Lucky Luke était arrivé en pleine nuit, sous une pluie battante, à Froggy Town. Et les villageois lui ont confié la mission d’enquêter sur l’attaque de la diligence qui transportait la récolte d’or des mineurs de Silver Canyon.

Matthieu Bonhomme paie soigneusement son tribut aux codes qui ont fait le succès de la série. Mais il les saccage avec une jubilation communicative. S’il rend au héros l’usage de ses cigarettes (auquel Morris et Goscinny avaient dû renoncer à cause de la législation antitabac), c’est pour multiplier les contretemps qui l’empêchent de les allumer. Si Jolly Jumper est bien de la partie, il disparaît quand Lucky Luke a besoin de lui. Et si le cow-boy est toujours réputé tirer plus vite que son ombre, il est si déstabilisé qu’il se met à trembler. Il retrouve ainsi une humanité bienvenue. Fabrice Piault

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