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Le Luxembourg octroie un avantage injustifié à Amazon, selon Bruxelles

L'entrepôt d'Amazon à Saran, dans le Loiret (45). - Photo Olivier Dion

Le Luxembourg octroie un avantage injustifié à Amazon, selon Bruxelles

Les avantages fiscaux dont bénéficie Amazon au Luxembourg constitueraient une aide d’Etat contraire à la réglementation de l’Union.

Par Hervé Hugueny,
avec avec AFP Créé le 16.01.2015 à 13h59

La Commission européenne a publié sa lettre envoyée le 7 octobre dernier au Luxembourg, dans laquelle elle détaille ses soupçons concernant le régime fiscal dont bénéficie Amazon au Grand Duché, où le géant américain de la grande distribution a installé son siège européen.

Bruxelles estime que le Luxembourg octroie un avantage à Amazon en infraction avec les règles de l’Union européenne, quelques semaines après le scandale LuxLeaks qui avait révélé la mise en place d’un vaste système d’évasion fiscale dans ce pays. Le système avait été mis en place lorsque l’actuel président de la Commission, Jean-Claude Juncker, était Premier ministre du Luxembourg.

La Commission dévoile dans sa lettre des montages fiscaux complexes et estime, à titre préliminaire, que le “rescrit fiscal” (le régime spécifique) dont bénéficie Amazon constitue une aide dEtat. Elle a également des doutes, à ce stade, quant à la compatibilité de cette décision avec le marché intérieur européen. Cette pratique influence la répartition du bénéfice imposable d’une multinationale entre ses filiales situées dans des pays différents. Si elle n’est pas illégale en elle-même, la Commission soupçonne des abus dans la manière dont elle est appliquée dans certains pays.

Les autorités luxembourgeoises ont affirmé dans un communiqué que le Luxembourg est confiant que les allégations daide dÉtat dans cette affaire sont sans mérite. Le Luxembourg se dit assuré qu'il sera à même de convaincre la Commission de la légitimité de la décision anticipative en cause et quaucun avantage sélectif na été accordé.

Dans sa lettre, la Commission se penche notamment sur la structure d’Amazon au Luxembourg, en particulier les liens entre Amazon EU Sarl, la société opérationnelle du groupe en Europe, et une société de commandite luxembourgeoise, Amazon Europe Technologies Holding SCS, dont le statut lui permet de ne pas payer d’impôt.

“Réduire indûment l’impôt”

Cette société concède les licences d’exploitation des droits de propriété intellectuelle du groupe à la société opérationnelle pour que cette dernière puisse exploiter les sites Web européens, en échange d’une redevance qui se chiffre en centaines de millions d’euros, et qui n’est pas imposée.

Or, dans l’accord passé avec les autorités luxembourgeoises, le versement de cette redevance nest pas lié à la production, aux ventes ou aux bénéfices, constate la Commission. Elle estime qu’Amazon a un intérêt financier à exagérer le montant de la redevance, et que c’est de nature à réduire indûment limpôt payé par Amazon au Luxembourg.

Par ailleurs, dans l’accord passé par Amazon avec l’administration fiscale luxembourgeoise, un plafond a été fixé à la rémunération d’Amazon EU Sarl, à 0,55 % du chiffre d’affaires européen du groupe. Ce plafond semble trop bas à la Commission. Autre anomalie relevée par les services de la concurrence qui ont mené l’enquête, le rescrit fiscal a été accordé à Amazon “il y a plus de 10 ans” et est toujours en vigueur sans aucune révision, alors que les conditions économiques ont changé et qu’il aurait dû être modifié.

La Commission juge donc que les autorités luxembourgeoises octroient un avantage à Amazon et que rien ne semble démontrer que cet avantage se justifie. La commissaire chargée de la concurrence, Margrethe Vestager, a indiqué en novembre qu’elle espérait finaliser au deuxième trimestre les quatre enquêtes fiscales ouvertes à ce jour.

Buxelles a ouvert ces enquêtes avant que n’éclate, début novembre 2014, le LuxLeaks, qui a mis en lumière plusieurs centaines de rescrits fiscaux accordés par le Luxembourg. Selon les ONG, ces pratiques coûtent des milliards d’euros de recettes fiscales chaque année.

Ce scandale a incité les autorités européennes à mettre en chantier un ensemble de mesures pour lutter contre l’évasion fiscale en Europe. Le Parlement européen pourrait décider en février d’ouvrir une commission d’enquête, ce qui risque de fragiliser M. Juncker, Premier ministre du Luxembourg de 1995 à 2013.

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