ENTRETIEN AVEC INGRID PARENT, PRÉSIDENTE DE L'IFLA

Livres Hebdo - Le thème de votre mandat est "Les bibliothèques, une force pour le changement". Or, bien souvent, les bibliothèques ne sont toujours pas perçues comme des lieux innovants. Pourquoi ?

Ingrid Parent- Photo PHOTO V. HEURTEMATTE

Ingrid Parent - Les changements technologiques et sociétaux de ces dernières années, de même que la crise économique, ont fait perdre aux bibliothèques de leur force et de leur visibilité. Elles sont pourtant les mieux placées pour donner accès à l'information, mais aussi pour interpréter et traiter cette information. On estime que les bibliothèques disposent de 80 % des ressources sur un sujet, alors que les moteurs de recherche ne donnent accès qu'à 20 % de ces données. Le lieu lui-même reste important. Je viens du monde universitaire et je constate que, même si les étudiants n'empruntent plus beaucoup, ils continuent de venir à la bibliothèque pour étudier dans un environnement stable et pour se retrouver à plusieurs. En Amérique du Nord, il y a en effet actuellement une forte tendance à l'apprentissage collectif et non plus individuel.

L'accès à l'information est actuellement remis en cause par le refus de certains éditeurs de fournir leurs ebooks aux bibliothèques. Quelle est la position de l'Ifla sur ce sujet ?

Nous pensons que c'est une question urgente. Il faut d'abord bien comprendre les facteurs et les enjeux, mais nous manquons de données et de statistiques précises sur le prêt des livres numériques. Nous allons lancer à l'automne, grâce à une subvention de l'Open Society Foundation, une enquête menée par des experts. Nous nous appuierons sur leur travail pour prendre des mesures concrètes allant au-delà de l'énoncé de principe sur le e-lending déjà rédigé par l'Ifla et qui est à la disposition de tous les professionnels qui sont face à cette question dans leurs pays respectifs. Actuellement, les éditeurs fonctionnent par licences signées établissement par établissement, sans que l'on connaisse le contenu de ce qui a été négocié. C'est ainsi que procédait Google quand il a lancé ses grands programmes de numérisation en partenariat avec les bibliothèques. Nous, nous voulons un cadre de référence minimale et des contrats types pour harmoniser les conditions de prêt des livres numériques dans les bibliothèques, que ce soit aux Etats-Unis, au Canada, en France ou ailleurs.

L'Ifla est active au niveau international en ce qui concerne plus globalement le droit d'auteur et les bibliothèques. Y a-t-il eu des avancées récentes sur ces questions ?

Notre priorité, actuellement, ce sont les actions de lobbying que nous menons auprès de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle pour faire reconnaître des exceptions au droit d'auteur pour les bibliothèques et les archives. En novembre dernier, après des années d'efforts, le sujet s'est trouvé inscrit à l'ordre du jour de la réunion de l'OMPI qui rassemblait les délégués de 180 pays. C'était la première fois que les bibliothèques obtenaient une visibilité à un tel niveau de décision. Les délégués étaient très au courant des problématiques des bibliothèques, grâce au bon travail d'information mené dans chaque pays par les associations nationales. C'est très encourageant, même si je pense qu'il faudra encore plusieurs années pour obtenir un consensus sur le plan international.

10.10 2014

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