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Les dangers de la mention "Droits réservés" (I/II)

Les dangers de la mention "Droits réservés" (I/II)

Au printemps 2022, le ministère de la Culture a rendu public le rapport de la conseillère d’État Laurence Franceschini remis en décembre 2021 sur le « financement de la production et de la diffusion d’œuvres photographiques ». Au sein de ce riche document, figurent notamment des « mesures pour soutenir durablement le secteur de la photographie », avec d’importants développements pour « créer les modalités du respect du droit d’auteur des photographes, les conditions de leur juste rémunération et défendre le statut des photographes ». La première mesure visée dans ce rapport vise à  « empêcher le recours abusif à la mention de droits réservés (qui s’effectue sans réelle recherche de l’auteur) ».

La fronde des photographes en 2010

En 2010 déjà, Yann Arthus-Bertrand, Lucien Clergue, Raymond Depardon, Martine Franck, Dominique Issermann, William Klein, Philip Plisson, Reza, Marc Riboud Sebastiao Salgado ou encore Hans Silvester (et j’en oublie des moins connus ou d’aussi talentueux) avaient signé une pétition pour lutter contre le fléau des « D.R . ». Elle venait en renfort d’une proposition de loi qui cherchait à endiguer la fameuse mention « DR » (ou « droits réservés ») » et est restée lettre morte.

Les célèbres photographes intéressés exigeaient de mettre en place une « modalité spécifique d’exercice des droits d’auteur sur les photographies dites « orphelines », c'est-à-dire les photographies dont les auteurs n’ont pu être identifiés ou retrouvés après des recherches sérieuses et avérées. », ajoutant que « les sommes ne pouvant pas être réparties à défaut d’identification des ayants droit seront obligatoirement affectées à l’aide à la création et à la diffusion photographique, ce qui apportera un soutien important à ce secteur de la création. »

Doisneau Robert, peu avant son décès avait, par malice, envisagé de réclamer des droits sur chaque photo signée « D. R. », c’est-à-dire de ses initiales. Le texte à l’étude est moins facétieux.

Selon les pétitionnaires de 2010, « un nombre croissant d'œuvres visuelles sont exploitées dans l'édition à des fins professionnelles sans autorisation des auteurs ou de leurs ayants droits, au prétexte que ceux-ci seraient inconnus ou introuvables. Ainsi, l'usage de la mention « DR » ou « droits réservés » en lieu et place du nom de l'auteur, se multiplie et se systématise, sans respect des droits reconnus par le code de la propriété intellectuelle, en particulier dans le domaine de la photographie. Certains éditeurs utilisent abusivement cette mention, privant les auteurs de leur droit moral de créateur, et de la juste rémunération de l'exploitation de leur travail ».

L’utopie en forme de proposition de loi consistait à espérer que « la gestion de l'exploitation des droits attachés à une œuvre orpheline sera confiée à des sociétés de perception et de répartition de droits spécifiquement agréées à cet effet, par le ministre de la culture, sur une base contractuelle. Aucune cession ne sera accordée à titre exclusif. Les barèmes et les modalités de versement des rémunérations dues pour l'exploitation des œuvres visuelles orphelines seront fixés par accords interprofessionnels -qui pourront être étendus- ou, à défaut par une commission ad hoc, présidée par un magistrat. Le montant des rémunérations des œuvres orphelines sera conservé pendant le délai de droit commun de dix ans par les sociétés agréées et, à l'issue de ce délai, si l'œuvre est toujours orpheline, versé aux actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation des artistes.

En cas de découverte des détenteurs des droits d'une œuvre réputée orpheline, une procédure de réversion dans le régime de droit commun de la propriété littéraire et artistique est prévue, accompagnée d'un délai permettant aux titulaires de la cession des droits sur cette œuvre de se mettre en conformité avec les dispositions de droit commun. »

(à suivre)

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