21 octobre > Essai France

On a souvent besoin d’un plus petit que soi. La moralité de La Fontaine trouve une illustration dans ce livre de Patrice Debré. Fréquemment, l’homme est comparé à un microbe au regard de l’immensité de l’Univers. Mais que dire alors des microbes qui sont pourtant si nécessaires à sa survie ? Sans eux, nous n’existerions pas, explique ce professeur d’immunologie (université Pierre-et-Marie-Curie Paris-6). "L’homme, loin d’être une exception de la nature, doit son existence aux microbes, acteurs primordiaux des processus évolutifs du vivant."

Auteur d’un Louis Pasteur (Flammarion, 1995) et d’un Jacques Monod (Flammarion, 1996), Patrice Debré avait déjà effleuré le sujet avec le virologiste Jean-Paul Gonzalez dans Vie et mort des épidémies (Odile Jacob, 2013). Cette fois, il nous raconte une histoire "faite d’avancées et d’obstacles, d’hésitations et de répulsions". Loin de tout catastrophisme, il explique que les germes les plus virulents finissent par s’atténuer et devenir chroniques. Si le microbe peut être mortel, il est également un bénéfice évolutif, responsable d’un nouvel héritage génétique.

Il est bien sûr largement question de notre intestin qui contient à lui seul des milliards d’animalcules. Sans cette flore intestinale que l’on nomme aujourd’hui microbiote, nous serions incapables d’assimiler certains aliments que seules les bactéries savent dégrader. "L’homme doit ainsi compter autant sur son intelligence que sur des gènes, il doit aujourd’hui comprendre et favoriser l’interaction durable avec la flore qui l’habite."

Mais ces microbes deviennent quelquefois maladifs. "Tantôt ils nous menacent et nous détruisent, tantôt ils nous aident à vivre." Il nous faut donc apprendre à composer avec ces micro-organismes, entre les bienfaits et les risques. Patrice Debré rappelle que homme et humus sont liés. "Sans les bactéries, il n’y aurait pas d’humus et la terre ne serait que minérale."

Fils du peintre Olivier Debré, l’un des chefs de file de l’abstraction lyrique, Patrice Debré ne manque ni d’énergie ni d’humour pour montrer ce que l’on ne veut pas toujours voir, notamment dans les recoins de nos intestins. On comprendra mieux en le lisant le sens original de l’expression "comment allez-vous ?" et on aura un souvenir ému mais non olfactif pour le pétomane Joseph Pujol qui, à la fin du XIXe siècle, fit souffler un vent de folie chez des admirateurs prestigieux comme Freud.

Enfin, le lecteur apprendra qu’il existe une méthode agréable pour transplanter un microbiote dans un autre, c’est-à-dire échanger des anticorps. Cela s’appelle le baiser.

Laurent Lemire

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