Blog

De Saint-Laurent à James Brown en passant par François Mitterrand ou Michel Foucault, tous les morts célèbres sont aujourd'hui l'objet de livres à leur image ou qui n'hésitent pas à aborder la sphère de la vie privée. Les proches du défunt tentent de monnayer leur héritage ou s’indignent jusque devant les tribunaux.

Le droit français n'accorde pas une véritable protection aux morts.

La Cour d’appel de Paris a ainsi, le 6 novembre 2013, admis qu’il était possible de céder son droit à l’image de son vivant mais que, celui-ci, s’éteignant lors du décès, les héritiers n’avaient donc pas le possibilité d’autoriser des tiers à en faire usage. 

Rappelons en effet que l’article 9 du Code civil, sur lequel repose à la fois le droit au respect de la vie privée et  le droit à l’image, dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Mais la loi reste muette sur ce respect après le décès de la personne visée.

Fort de ce silence, la jurisprudence considère que l'action en respect de la vie privée n'appartient qu'aux intéressés de leur vivant. La Cour d'appel de Paris a encore eu l'occasion de confirmer cette position unanime à propos du Docteur Gubler.

De même, il existe une plus grande tolérance des tribunaux en raison d'intérêts historique, littéraire ou encore d'actualité qu'il peut y avoir à rectifier la biographie officielle d'une personnalité décédée.

Le Tribunal de grande instance de Paris a ainsi, le 19 mai 2000, jugé qu'une action intentée contre les éditions du Seuil devait être rejetée, au motif que « s'agissant essentiellement d'événements historiques pour lesquels les tribunaux n'ont pas mission d'arbitrer et de trancher les polémiques ou controverses qu'ils sont susceptibles de provoquer, l'historien ayant, par principe, toute liberté pour exposer, selon ses vues personnelles, les faits les actes et les attitudes des hommes (...) même si les écrits ont pu être ressentis de manière déplaisante par les requérantes, en donnant de leur père une image complexe non conforme à celles qu'elles voudraient voir transmettre. »

En revanche, le respect de la vie privée des survivants peut parfois être violé à l'occasion d'une publication visant en premier chef un mort célèbre.
Le 20 décembre 1999, la Cour de cassation s’est prononcée sur la publication de la photographie du cadavre du préfet Claude Erignac. Elle a considéré que : « la photographie publiée représentait distinctement le corps et le visage du préfet assassiné, gisant sur la chaussée d’une rue », cette image étant dès lors « attentatoire à la dignité humaine ».

Ce point de vue est à rapprocher de celui qu'a adopté la Cour de cassation, le 20 octobre suivant, à propos des clichés du corps de François Mitterrand sur son lit de mort.

De même, dans les décisions les plus récentes en la matière, il existe une limite à l’exception d’actualité, constituée par le caractère attentatoire à la dignité de la personne humaine représentée. C’est encore ainsi que, le 20 février 2001, la Cour de cassation a jugé licite la publication par un hebdomadaire de la photographie d’une victime d’un attentat (celui du RER Saint-Michel), au motif que la liberté d’expression et les nécessités de l’information rendent légitime le compte-rendu de l’événement, dans la mesure où le cliché est dépourvu de toute recherche de sensationnel et de toute indécence, ne portant pas ainsi atteinte à la dignité de la personne représentée.

La Cour d'appel de Paris a, par exemple, très clairement indiqué, en 1986, après le décès de Gérard Lebovici, que la publication d'une information ne peut « être qualifiée d'atteinte à la vie privée de cette personne, dès lors qu'elle était décédée au moment de sa publication. Cet article ne constitue pas d'avantage une atteinte à la vie privée de l'épouse et de son fils puisqu'il ne fait pas état du comportement ou des habitudes de vie de ces derniers et ne mentionne que les fréquentations douteuses de ce dernier. »

Si les faits relevant de la sphère de la vie privée se révèlent être également attentatoires à « l'honneur ou à la considération » - ce qui est souvent le cas, par exemple, lorsque des adultères sont rapportés - les héritiers peuvent en théorie attaquer sur le fondement des « diffamations ou injures dirigées contre la mémoire des morts », prévues à l'article 34 de la classique loi du 29 juillet 1881.

Mais de telles diffamations ne sont sujettes à sanction « que dans les cas où les auteurs de ces diffamations ou injures auraient eu l'intention de porter atteinte à l'honneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants. » Il faut donc aux héritiers démontrer que les allégations problématiques ont pour but de discréditer également leur propre réputation, ce qui reste un exercice assez périlleux. 

Les dernières
actualités