"Tout n’était pas perdu." Voilà une phrase emblématique de l’œuvre de Danilo Kis. L’écrivain yougoslave, disparu en 1989, s’est imposé avec une trilogie, Le cirque de famille, ainsi que des nouvelles, des poèmes et des essais. Il y dénonce le totalitarisme de certaines sociétés ou des êtres tentant d’échapper à leurs maux. Lui se voulait de cette génération désireuse de renouer avec la vie, après la guerre, mais celle-ci l’a brûlé au fer rouge. Son père a péri à Auschwitz. Un traumatisme qui lui a inspiré son premier roman, Psaume 44. Un texte étonnant, retentissant en cette ère trouble, tant il possède un incroyable souffle de vie. Inédit en France, il suit l’itinéraire de la téméraire Maria. Elle est devenue mère dans le lieu le plus improbable qui soit, un camp de concentration. Les détenues protègent le petit Jan, mais l’enfer est omniprésent. Certaines sont fusillées, d’autres se meurent de la malaria, comme la fidèle Polia. "Elle s’éteindrait doucement, en crépitant, comme une bougie qui se consume." Maria s’accroche toutefois à l’idée de s’évader. Alors que l’Héroïque de Beethoven retentit, elle refuse de céder au désespoir. Son amour pour Jacob lui sert de rempart. Ce jeune médecin travaille auprès du Dr Nietzsche, un Mengele en puissance. Comment ne pas perdre son essence humaine face à ces expériences abominables ? Comment une telle haine peut-elle surgir ? L’étincelle amoureuse peut-elle vraiment continuer à briller après tant de douleurs ? Fayard a eu l’idée de respecter la publication originale de ce roman méconnu, en y accolant La mansarde. Traducteur, critique littéraire et professeur de lettres à la Sorbonne, Jean-Pierre Morel observe dans sa préface que "le jumelage initial des deux textes conserve, au bout d’un demi-siècle, un certain parfum d’étrangeté". A l’image de ce "laboratoire de la création" que constitue le second. Une histoire d’amour sur fond de refuge, d’écriture et de promesses mythologiques. Danilo Kis interroge incontestablement "l’indestructibilité de la part de l’être humain qui constitue un maillon indispensable de la chaîne créée par la nature. L’espoir est une nécessité, il faut l’inventer." K. E.
