Belgique

Librairie : Liège repousse ses murs

Librairie : Liège repousse ses murs

Alors que le marché belge marque le pas depuis le début de l'année, deux librairies de Liège, Pax et Livre aux trésors, entreprennent des travaux d'envergure qui leur font gagner 150 et 170 m2.

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Par Cécile Charonnat,
Créé le 15.04.2015 à 22h43 ,
Mis à jour le 16.04.2015 à 12h59

Cet espace de 150 m², qui accueillera jeunesse et beaux livres, va permettre de clarifier et d'augmenter la lisibilité de l'offre globale de la librairie, et de valoriser le travail de sélection opéré depuis plus de trente ans par Louise-Marie Lemahieu (ci-dessus) et son équipe.- Photo CÉCILE CHARONNAT

Dans la capitale de la région wallonne, les deux plus grosses librairies indépendantes sont à l'image de la ville : en travaux. Poussière, peinture, bruits de marteau et de perceuse, les ouvriers s'y activent et les cartons s'accumulent. Si Pax, l'institution liégeoise créée en 1928, a choisi de s'agrandir dans ses propres locaux, passant de 450 m2 à 600 m2, Livre aux trésors, ouverte en 2002, investit un nouvel espace et triple presque sa surface. Doit-on y voir le symbole de la vitalité du marché du livre belge ? Pas sûr, d'autant que, depuis le début de l'année, nombre de libraires constatent une stagnation des ventes. Ces travaux reflètent plutôt le dynamisme d'une ville qui émerge lentement de vingt années de difficultés économiques, liées notamment à l'effondrement de l'industrie sidérurgique.

Chercheur en neurologie

Photo CÉCILE CHARONNAT

Chez Livre aux trésors, le projet a démarré il y a deux ans et demi. "Nous voulions profiter de la fin du bail, en 2011, pour quitter notre local. Nos 120 m2 devenaient un peu courts et nous commencions à ressentir un impact sur le chiffre », explique Philippe Marczewski, fondateur de la dernière-née des librairies indépendantes généralistes de la ville. Ce chercheur en neurologie a créé Livre aux trésors autour de la thématique de l'aventure : livres jeunesse et littérature s'y mêlent. Au bout d'un an, Olivier Verschueren, transfuge de Pax, le rejoint pour développer les axes littérature et sciences humaines. Les deux associés ajoutent ensuite la BD indépendante. L'élargissement de l'offre et un riche programme d'animations et de partenariats concourent à une progression constante du CA, qui atteint 500 000 euros en 2010.

Photo CÉCILE CHARONNAT

La même année, ils dénichent à quelques mètres de leur rue un théâtre à l'abandon qu'ils achètent pour 180 000 euros. La surface est confortable, 360 m2 au total, dont 290 libérés pour la vente, et le bâtiment entièrement nu. "Ce qui autorise une grande liberté et un énorme travail de création. Nous avons conçu la librairie comme un outil fonctionnel et performant, pour nous comme pour nos clients, et modulable, pour dégager de l'espace pour les animations », précise Philippe Marczewski.

Bricolage permanent

Qu'en pensent les autres libraires ? A La Parenthèse, spécialisée jeunesse (photo), Dominique Crahay avoue n'être "pas encore inquiète. Cela fait des concurrents bien achalandés à surveiller de plus près". Un calme qu'explique Louise-Marie Lemahieu (Pax) : "Le marché du livre à Liège n'est pas encore saturé. Des parts restent gagnables et les efforts entrepris sont souvent payants."- Photo CÉCILE CHARONNAT

Un an et trois mois de travaux plus tard, Livre aux trésors présente donc deux niveaux aux ambiances bien tranchées. Le rez-de-chaussée, à l'atmosphère feutrée et cosy, accueille la partie "textes" de l'assortiment : littérature et sciences humaines. L'étage, aux couleurs plus vives et largement éclairé par une verrière de plus de 70 m2, est réservée aux "images" : jeunesse, bande dessinée, beaux livres et arts vivants. Les tables y sont sur roulettes et permettent de dégager un espace de rencontre pouvant accueillir jusqu'à 50 personnes. Le tout conserve l'ambiance chaleureuse de la librairie d'origine. "Le bricolage permanent avait fini par lui donner son caractère. Nous avons voulu transposer cette âme tout en gardant l'architecture moderne qu'offre le bâtiment", explique Philippe Marczewski. Les libraires ont donc marié le métal, qui appartient à la structure, et le bois, qui habille mobilier, plafonds et murs.

Hors de question pour Philippe Marczewski (ci-dessus), fondateur de Livre aux trésors, de quitter un quartier qui s'annonce prometteur culturellement. Il a donc déniché un ancien théâtre désaffecté qui donne sur une place où se sont déjà installés un cinéma art et essai et un centre culturel. Le bâtiment offre 360 m² sur deux niveaux, dont 290 m² sont dédiés à la vente.- Photo CÉCILE CHARONNAT

De 12 000 références, l'offre va croître progressivement jusqu'à 25 000 titres. Si dans un premier temps les libraires développent le fonds des rayons existants, très vite les secteurs "maigrichons", tels le pratique, les beaux livres et les CD, vont prendre de l'ampleur. A terme, ils prévoient d'ouvrir des rayons non travaillés, comme les guides de voyage ou les livres scientifiques, où l'offre restera cependant sommaire. L'ensemble du projet, estimé à 600 000 euros, a été majoritairement financé par des prêts bancaires. L'Adelc a fourni 45 000 euros de prêt à taux zéro tandis que les associés, rejoints par Claire Nanty, salariée de la librairie, ont apporté 50 000 euros.

Pas moins ambitieux, les travaux de Pax visent à créer un nouvel étage. Amorcés là aussi il y a plus de deux ans, ils ont été engagés le 16 août et devraient prendre fin prochainement. Ce nouvel espace de 150 m2 hébergera livres d'art et jeunesse. "Le développement de la jeunesse nous est apparu nécessaire, tant ce rayon était chez nous biscornu et étriqué. Nous devions absolument y valoriser nos compétences", souligne Louise-Marie Lemahieu, qui dirige depuis 1976 la librairie avec son époux, Philippe. D'autant que La Parenthèse, librairie spécialisée en jeunesse et en jouets, créée en 1977 et installée à quelques rues, a déménagé en 2008 et augmenté sa surface, qui est passée de 200 m2 à 350 m2.

La place ainsi libérée dans les locaux de Pax conduit à une réorganisation complète du rez-de-chaussée, qui profite au pratique, rayon porteur sur le marché, et à la littérature, où l'offre sera approfondie. L'objectif : imprimer les choix des libraires et valoriser davantage la singularité de la librairie. "Notre magasin labyrinthique est agréable pour les clients mais très contraignant pour nous. Cette disposition exige un personnel nombreux et ne permet pas une présentation optimale de l'assortiment, plus de 60 000 références trop souvent mal placées ou quasi invisibles pour le client. L'agrandissement doit faciliter la gestion dans chaque rayon et accroître la notion de self-service », expose Louise-Marie Lemahieu. Les travaux, dont le montant n'a pas été révélé, sont entièrement financés sur les fonds propres de la librairie, qui a dégagé 2,9 millions de CA hors taxes en 2010.

Moins de dix librairies

Ces extensions n'inquiètent pas outre mesure les confrères de la ville. Avec 200 000 habitants dans la commune et une agglomération estimée à 600 000 personnes, le centre de Liège compte moins d'une dizaine de librairies, dont deux succursales de chaînes, une Fnac et un magasin Agora du réseau Chapitre. A La Parenthèse, 2,5 millions de CA annuel hors taxes avec 33 000 références, dont 25 000 pour le livre jeunesse, on ne s'affiche "pas encore inquiet. Cela fait des concurrents bien achalandés à surveiller de plus près », estime Dominique Crahay, qui dirige la librairie. "Le marché du livre à Liège n'est pas encore saturé. Des parts restent gagnables et les efforts entrepris sont souvent payants », assure Louise-Marie Lemahieu. A tel point qu'en 2004, à Boncelles, dans la banlieue de Liège, Fernand Wislet, ex-diffuseur, a ouvert une librairie de 1 000 m2 sans que les libraires liégeois s'en aperçoivent.

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